Débarras d'idées insensées

139 : Not another song about love

Prudence détourna le regard en serrant les mâchoires. Quelle plaie ! Pourquoi fallait-il que cette fille soit si craquante ?

Elle s'en alla, lui envoyant une dernière pique. Elle refusait de tomber amoureuse d'une fille aussi banale. Et puis... surtout pas Elina ! Elles se disputaient depuis leur entrée au collège, et ce n'était pas près de changer. Pourtant.. quand elle avait vu le regard déterminé mais au bords des larmes d'Elina, Prudence avait ressentit un besoin presque vital de la serrer dans ses bras et de s'emparer de ses lèvres.

Il n'était pas question que ça arrive. Personne ne devait découvrir qu'elle avait un crush.. surtout pas la concernée qui ne manquerait pas de s'en servir !

Tu sais que ce n'est pas vrai, murmura une voix au fond d'elle-même, Elina ne ferait jamais une chose pareille. Elle est bien trop gentille.

Prudence chassa cette pensée avec un grognement de frustration. Qu'est-ce qu'elle pouvait être agaçante cette Elina ! Elle était à la fois craquante lorsqu'elle s'énervait, et magnifique lorsqu'elle rêvassait. À quoi pensait-elle dans ces moments-là, d'ailleurs ? 

Le regard bleu de la jeune fille se perdait souvent par la fenêtre. Dans ces moments, elle était plus resplendissante que tout. Elle semblait transportée par le ciel lui-même, vers des terres inconnues de tous. Dans ces moments-là, Prudence tombait encore plus amoureuse.

Mais Prudence ne supportait pas ce sentiment. Elle le détestait. Se sentir si vulnérable.. si.. dépendante ! Elle ne voulait avoir besoin de personne et pourtant.. son coeur réclamait Elina, et ses yeux cherchaient sans arrêt sa bien-aimée.

Prudence s'était découvert une bisexualité au contact d'Elina. En fait.. c'est pour cette raison qu'elle avait commencé à la haïr. Dès le premier jour, elle avait sentit cette douce chaleur envelopper son coeur... et depuis elle n'avait pas pardonné à Elina.

Elles étaient en Première maintenant. La sixième remontait à loin, et pourtant, l'amour que Prudence portait à Elina n'avait pas faiblit. Et la façade de haine et de moquerie semblait creuser un gouffre sans cesse plus large entre la jeune fille et sa bien-aimée.

La sonnerie retentit et Prudence se dirigea vers sa salle de classe. Elle se mêla à nouveau à ses camarades et un rire vint caresser ses tympans. Le rire d'Elina. Elle observa la demoiselle d'un coup d'oeil furtif. Elle riait avec son amie. Elle était ravissante. Son sourire était hypnotisant, et sa voix douce comme une caresse. Prudence détourna le regard, tentant de reprendre son habituelle façade méprisante. Elle s'installa à son bureau, la tête haute. 

Aimer Elina était douloureux. Chaque pique, chaque dispute semblait l'éloigner un peu plus... mais elle ne voulait plus de ce fossé qu'elle avait créé. Elle voulait se perdre dans son regard, se réfugier dans ses bras. Elle voulait caresser de ses lèvres, la douceur de celles d'Elina. Elle laissa son esprit divaguer un court instant.

- Prudence, fit le professeur d'une voix molle

La demoiselle redescendit sur terre.

- Présente, répondit-elle sur le même ton

Le professeur continua l'appel et la jeune fille replongea dans ses pensées. Alors qu'elle s'aplatissait sur son bureau, son regard se posa sur Elina. Sa belle était à nouveau le regard rivé vers la fenêtre. Un sourire rêveur étirait ses lèvres. Ses cheveux roux étaient attachés en son habituelle queue de cheval. Prudence se demandait souvent à quoi ressemblait Elina les cheveux détachés. En 5 ans qu'elles se connaissaient, Elina n'avait jamais voulu se détacher les cheveux. Et toutes les tentatives de Prudence pour lui dérober son chouchou avaient échoué.