XCIX. "You know I'll always be there for you, huh D' ?"

6K 457 238
                                    

Deen


Une cigarette coincée entre mes lèvres et mon verre de vodka dans la main, j'observais la lune depuis mon balcon. Mon réveil affichait trois heures du matin quand je m'étais réveillé en sursaut une fois de plus. La sueur avait imbibé mes draps et je m'étais retrouvé à faire tourner une machine alors que le soleil ne s'était même pas encore levé. J'avais ensuite attrapé mon téléphone et les numéros avaient glissé sous mes doigts. Pourtant, après une dizaine de tonalités, je raccroche malgré moi. Elle ne décrochera pas ce soir. Ce qui est rare, parce qu'elle a pris l'habitude de mes appels nocturnes. J'ai l'impression de vivre dans une boucle permanente. Une sensation de honte et de colère m'envahi. Comme si ça n'allait jamais s'arrêter, les cauchemars, les réveils dans la panique, les appels en pleine nuit, mon verre de vodka quotidien.

Je regarde la cendre tomber en bas de l'immeuble. Putain.

C'était toujours la même chose. Toujours le même rêve. Toujours la même scène. Toujours la même angoisse. Pourtant la brune semblait être passée au-dessus, elle allait bien mieux si on oubliait la grossesse totalement imprévue d'Hanna. Et moi, j'étais comme coincé dans le passé. Coincé dans cette foutue ruelle. Parce que c'était ça qui me hantait.

Je sentais encore l'odeur de l'humidité, celle qui nous entourait Mekra et moi lorsque nous étions arrivés devant le café-librairie. Cette atmosphère pesante renforcée par la légère brume présente. Et à chaque fois, l'odeur du sang venait remplacer la première, me donnant la nausée même s'il ne s'agissait que d'un rêve. Comme si, ici, tout était décuplé. Inlassablement, je m'avançais vers le corps inerte de ma meilleure amie. Elle n'était pas chétive, mais dans cette position, sur l'asphalte, elle paraissait minuscule. Comme si la violence qu'elle avait subie l'avait rendu plus fragile. Comme je l'avais fait dans la réalité, je m'abaissais pour pouvoir l'atteindre. Seulement, lorsque je posais mes doigts tremblants sur sa gorge pour essayer de trouver son pouls, ce dernier ne me parvenait. Et son visage que j'avais réussi à éviter se dévoilait alors, comme pour appuyer l'horreur qui se déroulait sous mes yeux. Son cou était rouge, et je parvenais à distinguer des traces d'étranglement. Ses yeux clos étaient boursoufflés, j'avais du mal à distinguer ses paupières. Son arcade sourcilière droites était largement ouverte. Pourtant le sang avait séché, signe qu'elle était là depuis un moment. Depuis bien trop longtemps. Sa bouche était en sang. Je ne savais plus si ce que je voyais étaient ses lèvres rouges ou bien de l'hémoglobine. Ses joues étaient égratignées et violacées. Une plaie partait de son front et disparaissait dans ses cheveux. J'avais l'impression que son crâne était totalement éclaté. Je fus pris d'un haut le cœur et je vidais mes trippes à quelques pas de ce qui restait de mon amie. Ses mains étaient totalement tordues, brisées par les coups qu'elle avait subie. Et contrairement à ce qu'il s'était réellement passé, Hakim n'était plus là. A la place, un type immense me fixait. Je ne pouvais pas voir son visage, caché par une capuche. Il me hurlait de la ranimer. Alors je crachais et me jetais à nouveau sur le cadavre pour pratiquer un massage cardiaque totalement inutile. Je sentais les côtes de Rose se briser sous mes assauts, mais j'étais en transe, incapable de m'arrêter. La voix grave de l'homme continuait de retentir, comme s'il n'allait jamais s'arrêter. Jusqu'à ce que je pleure. Il ne s'arrêtait qu'une fois que je tombais en larme, secouant le corps inanimé de Rose en la suppliant d'ouvrir les yeux. Et à chaque fois, depuis des semaines, je me réveillais en panique. Je revivais exactement ce que j'avais vécu avec Effie. La mort de ma femme m'avait tellement traumatisé que je ne cessais d'imaginer la même chose pour Rose. Parce que c'était les deux seules femmes dont j'avais été aussi proche. Bien que mes relations avec elles n'étaient en rien comparables, elles étaient les seules qui m'avaient approché à ce point.

DiamondsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant