Noévan adorait jouer avec les bestioles du jardin.
Lorsqu'il avait épuisé les batteries du chien ainsi que celles des chats, l'enfant de quatre ans s'amusait à farfouiller la terre à la recherche d'un nouveau compagnon de jeu.
Généralement, avant même d'avoir à rencontrer un lombric ou autre cloporte, le dernier d'une fratrie de six faisait la joie de croiser le chemin visuel de différents spécimens.
Ce jour-ci par exemple, alors que toute la famille s'occupait tranquillement dans la maison, en ce dimanche après-midi, lui avait finalement préféré jouer avec les fourmis et gendarmes de l'herbe environnante.
Parfois, il leur donnait même des noms.
Qu'il oubliait bien vite.
Des noms d'humains : de ses copains et camarades de classe, de ses voisins, des maîtres et maîtresses de son école, de sa famille, des personnes qu'il surprenait parler à l'écran à la télé...
Pour ça, même haut comme trois pommes et avant vécu la durée d'un cursus de premier cycle de l'enseignement secondaire, l'enfant était compétent.
Lorsqu'il tombait sur un couple de gendarmes attachés par l'arrière, le microbe déjà au fait des choses leur dégageait un passage herbeux.
Parfois également, il avait la surprise de découvrir toute une flopée de larves de cette même espèce d'insectes.
Celles-ci étaient reconnaissables en un seul coup d'œil : au-delà de l'espace terrestre qu'ils occupaient d'autant plus limité, les futurs adultes n'étaient pas encore pourvus de ces taches caractéristiques de leur race.
Ce qui fascinait autant que frustrait Noévan.
Un jour, il avait cru bon d'en prendre un du pouce et de l'index, et d'y ajouter au feutre les fameux motifs avant que Mère Nature ne s'en charge.
Hélas, la bestiole s'étant débattue afin se s'extirper de ce carcan de chair, l'enfant n'avait eu d'autres choix que de serrer sa prise.
Ce qui, in fine, avait abouti à l'éclatement du corps de l'insecte.
Qui en avait longuement pleuré, lui qui l'aimait déjà, ce gendarme tout rouge.
Quoi qu'il en soit, voilà donc Noévan creuser la terre tel un berger hollandais en quête d'un corps disparu, de façon vive et efficace.
Comme à son habitude, si son père ou sa mère décidaient de partir à la recherche du coupable d'un énième trou dans le jardin, l'enfant accuserait le chien.
En conséquence, il ne se priva pas, jusqu'à ce qu'il découvre une énième créature plus que fascinante.
Un escargot dénué de maison d'une splendide couleur rose fluo s'approcha doucement de son trou.
Avant d'y tomber.
Elle ressemblait à s'y méprendre à une sorte de chewing-gum muni de deux antennes, selon le Google interne de Noévan.
Quel goût devait-elle avoir ?
Vu sa belle teinte, probablement un bon.
C'est ainsi qu'après avoir vomi sa trouvaille, l'enfant de quatre ans mis fin en moins de cinq mois à courte vie.
La méningite à éosinophiles qu'il contracta à la suite de cette dégustation le plongea quelques temps plus tard dans un coma profond.
Effectivement, comme il n'avait pas été mis au courant de ce péril, l'enfant sans surveillance n'avait pas jugé utile de se passer de manger tout ce qu'il trouvait...
Et notamment une limace parasitée par un ver pulmonaire du rat...