Vantablack 2

Trois petits fantômes ~ Chapitre 1

Aymeric vida un dernier paquet de bonbons dans l'énorme bocal en verre. C'était le soir d'Halloween : d'une seconde à l'autre, des enfants viendraient sonner à la porte pour les lui réclamer.

Ses propres progénitures, Jeffrey et Sasha, avaient eux déjà quitté les lieux afin de faire leur tournée avec d'autres adolescents du quartier : à respectivement treize et quatorze ans, leur père estimait qu'ils étaient un peu grands pour qu'il les accompagnât...

Attrapant un Carambar en sortant de la cuisine, il s'affala dans le sofa puis alluma machinalement la télé. Aymeric zappa plusieurs fois, avant de laisser un programme quelconque qu'il regarda d'un œil distrait.

Il somnolait lorsque la sonnette stridente de l'entrée le réveilla soudain dans un sursaut.

Poussant un juron, il se leva avant d'aller ouvrir la porte. En actionnant la poignée, il eut la certitude d'avoir oublié quelque chose, sans pouvoir mettre le doigt sur ce dont il s'agissait.

Tout en faisant pénétrer un vent glacial dans sa maison surchauffée, Aymeric découvrit sur son perron un trinôme de petits fantômes.

-    Un bonbon ou un sort, lâcha l'un d'eux d'une voix monocorde.

Sa voix était aussi pleine d'entrain que l'était celle d'un enfant forcé de répondre à la question posée par un professeur en classe.

Mi-surpris mi-amusé, l'homme lui répondit qu'il allait chercher les friandises tout en lui adressant un petit sourire – il savait comme les enfants pouvaient être timides -, avant de lui dire de l'attendre ici seulement quelques minutes.

C'est alors que le cadet des petits fantômes lui demanda :

-    Je peux venir avec vous ? d'une petite voix.

Aymeric leva deux sourcils arqués interrogateurs. D'aussi loin qu'il s'en souvenait, il avait toujours fêté Halloween, et jusqu'ici, aucun inconnu – même haut comme trois pommes - ne lui avait demandé qu'il l'invitât à entrer dans sa maison.

Bien entendu, il refusa, et avant de refermer la porte et d'emmener ses longues jambes minces vers la cuisine, il rappela à l'enfant qu'entrer chez n'importe qui pouvait être dangereux...

Ce qui ne sembla pas l'inquiéter. Pire, cette fois-là, ce fut le benjamin des fantômes qui réclama cette drôle de volonté.

Aymeric commença à se sentir mal l'aise. Il aurait en face de lui des adultes et non des enfants, il aurait sûrement refermé la porte violemment avant d'aller vérifier si sa carabine était bien chargée...

Sans savoir pourquoi, il sentit soudain l'angoisse lui compresser les entrailles.

-    Je reviens, annonça-t-il d'une voix légèrement tremblotante.

Sur ce, il claqua la porte si vite que l'aîné des fantômes ne put terminer sa phrase.

Les coups de sonnette reprirent, encore et encore. Un Lindor au lait dans la bouche, Aymeric commençait à s'agacer. Il hésita même à distribuer des confiseries à ces enfants.

Mais en même temps, il éprouvait une joie indescriptible à l'idée que ces corps recouverts d'un drap blanc traînant sur le sol, d'où seules deux petites fentes laissaient passer leurs iris noires, quittent le pas de sa porte.

La sonnerie à répétition enchaîna son chant de manière de plus en plus rapide, tant et si bien que le généreux donateur de bonbons prit quelques instants pour engloutir encore quelques sucreries.