Dans le bocal ~ Chapitre 2

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Sous des yeux à la fois fascinés et ébahis, le fœtus sans vie de la dépouille svelte d'une femme aux longs cheveux blonds filasses coula de son entrecuisse. Avec un petit plouf, le petit être sans vie continua sa course jusqu'à ce que son crâne non oxygéné depuis belle lurette ne cogne contre le fond de sa tombe.

Horrifiée, la jeune femme l'ayant remarqué la première aposa instinctivement ses deux mains gonflées sur son petit ventre grassouillet. Effectivement, elle était tout aussi enceinte que la silhouette ayant probablement été très belle de son vivant qui venait de donner la mort.

Ou plutôt, que les gaz présents dans son ventre n'évacuent le corps conçu en son sein...

Quelques personnes laissèrent apparaitre une expression de profond dégoût sur leur faciès, mais pour la plupart, la joie d'observer un évènement aussi morbide qu'insolite éclaira leur visage.

L'un de ceux-ci alla jusqu'à s'illuminer de triomphe : bien que sachant cette pièce sur le point de libérer une surprise inestimable, qu'elle l'effectue sous les yeux attentifs de son public new-yorkais allait au-delà de ses espérances.

Ce salon avait jusqu'ici toujours connu un vaste succès à chacune de ses présentations. De ce fait, lui et ses équipes éparpillées de par le monde étaient constamment à la recherche de nouvelles pièces, plus excentriques, plus surprenantes, ou tout simplement plus belles que les autres.

Les dernières étant de loin les plus difficiles à conserver : pour ce faire, l'homme d'affaires avait investi dans des bocaux spéciaux, dont l'intérieur maintenait continuellement une température similaire à celle d'un congélateur.

Cela faisait donc de ces chefs-d'œuvres les pièces maîtresses de sa collection : l'une d'entre elles avait même payée l'héritier pour figer son corps éternellement au moment de l'apogée de sa magnificence, tant elle était effrayée de voir celle-ci se dégrader à cause de la vieillesse.

Continuant de diriger l'assistance passionnée par la galerie lugubre, il les guida par-devant diverses variantes de l'être humain : ici des sœurs siamoises, là un homme à trois jambes, ici une petite fille à quatre bras...

Sous les exclamations du public, Morvan rougit de plaisir. Frappé par l'émotion, il se dit à raison qu'il était temps désormais de leur faire découvrir le diamant parmi ce tas de cailloux...

Claquant des doigts, il obtint en réponse l'assombrissement totale de l'exposition. Les chuchotements à la fois surpris, mais surtout frénétiques quant à la suite de la visite se multiplièrent.

On entendit le raclement d'un lourd objet en mouvement sur le sol. Des petits pas le tapotèrent lorsque l'œuvre de grand art rejoignit sa place. Enfin, la lumière éblouit brutalement les yeux de ses clients et de Morvan lui-même.

Cette fois-ci, ce furent de véritables hurlements, furieux pour certains auteurs, hystériques sous le coup de la surexcitation pour d'autres.

Dans la cuve sphérique et verticale posée sur un socle également en verre, le corps d'une femme d'une trentaine d'années gisait contre le rebord avant de sa tombe.

L'organisateur, artiste auto-proclamé, affirma haut et fort qu'en ce bocal, le cadavre parfaitement conservé d'une femme se trouvait là pour l'éternité. Précipitamment – devant les quelques regards de passionnés de médecine à un cheveu de lui bondir dessus - il ajouta que la cryogénisation avait été opérée sur demande insistante de la défunte, dont le souhait le plus cher était de demeurer jusqu'à la fin des temps une véritable œuvre d'art.

Les spectateurs captivés ne purent quitter les yeux de ce spectacle. Le visage était si lisse, la peau paraissait si fraîche – de vie – qu'il était là difficile d'assimiler l'idée que l'enveloppe charnelle était bel et bien morte.

Acclimatés par cette vue, certains s'en approchèrent de si près que leurs doigts tièdes ne furent séparés des pieds de la jeune macchabée que par quelques millimètres de verre. Un homme s'approcha lui aussi de la silhouette assise telle une statue dans sa cage de verre : l'instant d'après, il hurla si fort que sans en connaître la raison, toute l'assemblée – excepté le riche héritier – le rejoint en chœur.

Devant ses deux calots globuleux, les yeux  bruns et effilés de la jeune femme s'ouvrirent subitement avant de plonger leur regard droit dans les siens.

Devant ses deux calots globuleux, les yeux  bruns et effilés de la jeune femme s'ouvrirent subitement avant de plonger leur regard droit dans les siens

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