Inunaki ~ Chapitre 4

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Par habitude, pourtant bien inutilement car ici pas plus qu'ailleurs à des kilomètres à la ronde nul réseau n'était accessible, Eri saisit son téléphone avant de s'approcher timidement des habitants.

Son inconscient heureusement bien plus malin que son esprit conscient lui enjoignit bientôt de se cacher pour les observer. En effet, ces villageois bien qu'humains n'en étaient pas moins des inconnus.

En tant que femme, la stupide Eri devait dix fois plus se méfier que si elle avait été un homme. Qui sait ce qu'il pourrait lui arriver...

La jeune femme ne le savait pas encore, mais le hameau avait bien évidemment des yeux. Aussitôt qu'elle avait traversé ce gigantesque portail noir au message plus que parlant, les sentinelles avaient transmis l'information selon laquelle un gibier normalement d'assez haute qualité venait d'entrer sur le terrain de chasse.

La dernière victime en date, énième touriste ayant perdu son chemin parmi ces routes départementales impossibles à comprendre pour qui n'était pas habitué à les emprunter, tournait tel un cochon de lait sur une broche faite en bois de chêne au-dessus d'un feu cuisant à feu moyen sa chair jeune et blanche.

La pauvrette se voyait enduite d'huile tout au long du processus dans le but d'attendrir sa viande et de la gorger d'un arrière-goût exquis.

Le barbecue étant bientôt prêt, quelle ne serait pas la surprise des villageois lorsque leur totalité se verrait gavé d'une énième bête stupide et perdue dans ces hauts bois.

En attendant, la chair fraiche se cachait discrètement derrière des buissons en prenant garde à se camoufler et à progresser avec précaution et patience. De là où elle se trouvait, Eri ne distinguait pas autre chose qu'un animal quadrupède sans tête et vidé de ses viscères.

Si elle aurait tourné la tête légèrement vers la gauche, la pauvre spécialiste de la beauté des ongles aurait découvert une tête affreuse, aux traits déformés par la terreur et aux yeux vides, morts et vitreux.

Mais ce qui devait arriver arriva. Soudain, une petite femme d'un certain âge cria « Il y a quelqu'un ! » en pointant son doigt fripé dans la direction d'Eri, qui se vit soudain cherchée du regard par toute une tribu de cannibales.

Car maintenant qu'elle se tenait relativement proche du feu, elle ne pouvait nier l'évidence. Sur la broche, quasiment prête à être dévorée, le corps neuf d'une pauvre voyageuse comme elle, qui eut le malheur de tenter de rattraper le temps perdu sur une route sans GPS en coupant par la forêt cuisait tel un poulet chez un rôtisseur.

Eri ne put se retenir. Elle hurla à pleins poumons avant de se retourner et de cette fois-ci réellement revenir sur ses pas. En quelques bonds qui lui parurent durer à la fois une éternité et une fraction de seconde, la jeune femme rentra dans l'habitable de sa Volvo, verrouilla de nouveau toutes les portières puis mis le contact non sans avoir au préalable jeté son iPhone sur le siège passager.

Quelle ne fut pas sa stupeur lorsque, tandis qu'en face les sauvages accouraient, à sa droite un jeune homme au visage crasseux pesta lorsqu'il reçut en pleine face l'inutile appareil.

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