Le petit être assis à ses côtés déclencha chez Éléonore un ambivalent sentiment de bonheur intense mêlé de profonde tristesse.
Bien que nettement plus jeune que le simplet de sa fratrie, le garçonnet aux cheveux noirs de jais lui rappelait Stelyos, lorsque celui-ci n'était comme lui qu'un microscopique bambin.
Il devait avoir trois ans, l'âge où déjà le langage était acquis et où normalement les besoins d'attention divers étaient plus que nécessaires...
Néanmoins il ne pleurait pas, ne bougeait pas et en cela la princesse lui en était reconnaissante.
Pour une raison obscure, Neven était d'humeur exécrable.
Après avoir froidement abattu les deux équidés ayant traîné leur premier moyen de locomotion afin d'avoir quelque chose de consistant à se mettre sous la dent, il avait aussitôt chargé les animaux morts à l'intérieur de la nouvelle voiture bien plus spacieuse.
Ensuite, Mathieu et lui s'étaient mis d'accord pour que le premier se charge de dépecer le gibier tandis que l'autre conduisait.
En effet, Neven était un bien plus violent, sauvage, sans pitié combattant que ne l'était le pourtant peu empathique individu aux yeux asiatiques.
Là, l'objectif était de parcourir le plus de chemin possible avant de s'arrêter et de cuire une partie de la viande, puis de se reposer - sous la surveillance alternée et attentive des kidnappeurs.
On ne parviendrait pas à en manger l'entièreté, le reste serait tout bonnement salé avec les grains marins se trouvant à l'arrière du véhicule.
Car Neven ne s'était pas contenté de voler qu'un carrosse, des chevaux et un enfant...
Quoi qu'il en soit, Éléonore et le garçon sans nom patientaient calmement dans la voiture, les mains sagement posées sur leurs genoux et les jambes presque immobiles.
Le danger était palpable, en d'autres circonstances le petit bourgeois aurait probablement éclaté en sanglots mais là, il semblait qu'il savait sans en comprendre toutefois exactement la raison que sa maman ne risquait pas de venir le chercher de sitôt...
Neven n'avait pas croisé le chemin de ses géniteurs, ce point l'inquiétait légèrement car tôt ou tard, ceux-ci pourraient bien lui mettre de sérieux bâtons dans les roues...
Il avait évidemment bien pris soin de commettre ces actes encapuchonné, mais si tout de même on le reconnaissait ?
L'homme tenait à pouvoir récupérer son dû auprès de la reine sans être traqué par un ou plusieurs hommes de main à la solde de parents éplorés.
Pour le moment, ses pensées étaient quand même focalisées en majeure partie vers le commerce, vers les deux juteux profits que le gamin et l'adolescente allaient lui rapporter.
Il s'en frottait les mains d'avance, l'aînée du roi du royaume - et donc héritière directe du trône - ainsi que le fils d'un couple fortuné qui, à coup sûr serait prêt à payer la rançon qu'on leur réclamerait ?
L'excitation causé par ces bonnes affaires à venir maintenait ses sens en éveil, lui permettait malgré la fatigue de continuer à fouetter ces deux beaux chevaux aux doux noms des environs.
Neven se posa alors la fameuse question : une fois ses émoluments empochés, qu'allait-il donc faire de tout cet argent ?