Il est vrai que chaque été, Clarisse avait le plus grand mal à se tenir tranquille. Effectivement, au sein de cette communauté en apparence ouverte mais en réalité très fermée, se pratiquait depuis trois décennies un culte dont on ne savait pas exactement dans quelles circonstances il avait été instauré.
En tout cas, une chose était certaine : l'usage avait été mis en place par Ambroisine, alors fille des anciens doyens du village morts dans d'étranges conditions.
Pour on ne sait plus trop quelle raison, on avait procédé à l'exécution forcée d'un enfant cet été, puis celui d'après, et encore d'après... jusqu'à ce jour.
Comme chaque année, au tout début de l'été, alors que la période scolaire touchait à sa fin et que les vacances estivales approchaient à grands pas, il était communiqué, discrètement et à l'oral, le nom de la prochaine offrande.
Cette année, et ce alors qu'elle constituait tout de même l'une des branches de l'arbre généalogique de l'ancienne, le choix s'était porté sur l'adolescente fouineuse répondant au doux nom de Gersande.
Pourtant, elle aurait à coup sûr fait une bonne exécutrice, et pourquoi pas même à terme une excellente doyenne d'Ansouis.
Néanmoins, sans que quiconque n'en connaisse l'exacte raison, la décideuse unique avait désigné sa petite-fille dans le premier rôle du rite annuel.
Nul n'osait remettre en question ce que cette vieille femme fort âgée appliquait en termes de décisions.
La cérémonie devait se dérouler dès cette nuit. Comme à chaque fois, on couchait les enfants assez tôt, faisant garder les plus jeunes par les plus âgés telle la future offrande.
Après quoi, prétextant une fête du village entre adultes dans l'une des grottes située assez haut dans la montagne, lesdits adultes partageaient un repas avant que l'un d'eux ne se rende discrètement - généralement l'un des parents logeant l'enfant - auprès de la petite victime qui, croyant bénéficier d'un privilège en étant exceptionnellement invitée, se montrait ensuite fort docile tout le long du parcours.
Jusqu'ici, aucun accident lié à la découverte de la sortie de la petite proie de sa chambre ou de son salon n'avait été à déplorer.
De toute manière, en ce cas, le bruit aurait rapidement couru à travers tout le village, avant qu'Ambroisine n'ordonne de faire taire le coupable de ces dires.
Au vu de cela, Clarisse s'était sentie plus que malaisée lorsque la jeune Gersande était venue lui grappiller quelques informations au sujet de Diane et Edouard.
Si la pauvre fille trop fidèle à sa sorcière de grand-mère était au courant de ce qui l'attendait...
En effet, si par un heureux hasard le tragique accident d'escalade - manque de bol la corde s'était rompue - survenu assez tôt dans l'enfance de la fille des concernés n'avait pas eu lieu, peut-être bien que ses parents à elle, Gersande, auraient continué l'an prochain à effectuer les recherches similaires à celles qu'entreprenaient Diane et Édouard...
Clarisse se rappelait avec netteté de Quintille et Gonzague, ce dernier par ailleurs fils unique d'Ambroisine.
Effectivement, le jeune couple était sur le point de secrètement quitter la région lorsque étrangement, l'idée d'acquérir de nouvelles compétences sportives leur avait pris sur un coup de tête.
