Estrid regardait la mer fouetter la falaise avec intensité.
La violence de cette grande marée d'équinoxe accentuait d'autant plus le silence ambiant de cette chaude nuit d'été.
Nous étions alors en août lorsque le drame survint.
Estrid, jeune maîtresse d'école au sein de l'unique classe de CP du village, en était également la seule survivante.
Tout avait commencé un bel après-midi d'avril, lorsque Egil, petit garçon enjoué de cette classe peu chargée, avait évoqué l'idée que pour fêter la fin de l'année, tout le groupe aille observer la grande marée devant survenir la semaine suivante.
Cette curieuse proposition fit étrangement l'unanimité au sein des autres élèves et, Estrid ne possédant pas encore l'autorité inhérente à une certaine expérience du métier, la jeune femme à la longue tresse blonde capitula.
Imprimant le soir-même une série de feuilles A4 portant chacune une liste explicative de la sortie, comportant tout en bas du document l'autorisation devant impérativement être signée par au moins l'un des responsables légaux ainsi qu'un avis quant à la préparation d'un goûter fortement recommandé pour l'enfant, Estrid eut bien l'idée fulgurante de tout annuler.
Pourtant, l'image de ces petits visages désappointés quant à l'annulation d'une sortie qu'ils avaient eux-mêmes réclamés maintint son choix initial.
L'escapade était prévue à la fin de la journée.
La mer se trouvait en effet non loin de l'établissement scolaire.
Le projet de l'institutrice était de montrer cette marée aux enfants durant une petite demi-heure - durée du trajet aller et retour compris - avant de les ramener à l'école où leurs parents, frère, sœur ou autre viendrait ensuite les récupérer, comme c'était le cas chaque fin de journée.
Néanmoins, la petite promenade ne se passa pas du tout comme prévu.
En effet, Estrid fut confrontée à l'un des pires cas de figure, difficilement imaginable.
Ce ne fut pas un enfant qui tomba de l'escarpement haut de plusieurs mètres.
Ni deux enfants, ni même trois.
La classe entière fut précipitée du haut de la falaise vers la mer, sans que la seule adulte présente ne put faire quoique ce soit pour les en empêcher.
La jeune femme avait hurlé quand le premier était tombé.
Pensant de manière raisonnable qu'il s'agissait d'un malheureux accident, elle avait tant bien que mal tenté de protéger le restant de sa classe, en leur hurlant de toutes ses forces de reculer.
Elle-même avait obéi à son propre ordre.
Faisant un seul petit pas en arrière, elle avait eu la malchance de trébucher contre la petite Frida, celle-ci rejoignant alors immédiatement le petit Erik dans les eaux furieuses.
L'institutrice s'était ensuite effondrée, en proie à l'horreur de la culpabilité.
Pourquoi donc avait-elle suivi les recommandations d'enfants de sept ans ?
À cet instant, elle comprit que sa toute fraîche carrière d'encadrante venait de prendre fin de la façon la plus abominable qu'il soit.
Devant la mort de deux de leurs camarades, les élèves se mirent à paniquer pour de bon, empirant une situation déjà plus que difficilement supportable.