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Appriou observa les petites avaler leur soupe lentement.
De temps en temps, il leur aboyait dessus afin qu'elles accélèrent le rythme, ce qu'elles se mettaient alors à faire.
L'homme les terrorisait.
Yuka comme Carméla avaient en effet grandi dans un climat exempt de toute forme quelconque de violence.
De ce fait, elles pressentaient le péril du fait de leur héritage en tant que part de l'évolution humaine, non pas de leur propre vécu.
La soupe qu'elles avaient l'ordre d'ingurgiter n'était nettement pas aussi bonne qu'on pouvait en attendre d'un plat à base d'oignons.
Un arrière-goût métallique prenait en effet le dessus sur le légume aromatique après chaque portion.
De surcroît, il était fort désagréable de dîner non seulement lorsque l'appétit manquait, mais surtout quand la cause de cette lacune vous regardait de ses yeux fixes, attentifs, comme s'il voulait s'assurer à tout prix que la totalité des bols soit avalée.
Enfin, les deux cuillères se reposèrent dans un léger cliquetis au beau milieu de chaque récipient individuel.
Les mains tremblantes, les petites n'osaient étrangement pas se séparer de l'objet.
C'était comme s'il les protégeait de la suite des événements.
Délicatement, Appriou retira un à un chacun des demi-cercles creux avant de les déposer dans l'évier de la cuisine.
Carméla éternua soudain.
Elle était nerveuse, d'autant plus qu'elle aurait juré avoir remarqué la marque étirée d'un sourire sur les lèvres de leur ravisseur.
Qu'allait-il donc faire d'elles ?
Exiger une rançon à leur père ?
Mais celui-ci les avait rejetées...
Heureusement, leur manque de connaissance de la nature humaine et de ses capacités en terme de cruauté leur épargnait l'appréhension du sort qu'elles allaient fort probablement bientôt connaître.
Le déchet de la Décharge sifflotait tranquillement en faisant la vaisselle.
Dans son dos, toujours assises sur le canapé, les petites sentaient désagréablement leur vessie se remplir.
Non pas que leurs reins avaient déjà et de manière habituelle, réalisé leur travail de traitement des eaux usées après qu'elles aient avalé leur soupe.
C'était plutôt le stress et la terreur qui faisaient battre leur cœur à cent à l'heure, précipitant le traitement des déchets issues des prises aqueuses précédentes...
La plus jeune, Yuka baillâ longuement avant de commencer à se balancer.
En essuyant ses larges pattes sur un torchon, le rapteur s'en aperçut, amusé.
- Besoin d'aller aux toilettes hein ? grogna-t-il avec toujours son sourire sadique au beau milieu d'une barbe épaisse et mal entretenue.
La dormeuse regarda sa grande sœur.
Carméla allait lui conseiller de ne pas suivre l'individu qui, maintenant, s'approchait d'elles et lui faisait signe de le rejoindre.
Mais soudain, une idée lui vint.
Par échange de regards effrayés, l'aînée encouragea la benjamine à aller au petit coin.
Heureusement que dans cette bicoque, peu de choses étaient correctement rangées.
C'était même surprenant qu'Appriou se soit donné la peine de faire la vaisselle.
Quelques instants plus tard, il menait la fillette dans les toilettes afin qu'elle soulage sa vessie, quand, sans qu'il ne se soit aperçu qu'elle fermait la marche, Carméla abattit lourdement une large poêle en pierre sur le crâne chevelu du criminel.
Celui-ci s'écroula alors au sol, la tête saignant abondamment tandis que Yuka se mettait désormais à hurler.
