Judicaël lança un regard à sa complice.
Son visage harmonieux était teinté de malveillance, néanmoins l'enfant eu la perspicacité d'y déceler une once de pitié.
En retrait derrière Avoie, il n'osait pas s'approcher trop près du rebord.
Par peur d'y tomber à son tour dans un premier temps...
Mais également, car le prétendu petit garçon avait au fond de lui assez honte de son ingratitude.
Certes, il avait été envoyé par Sloane afin de remplir une mission.
Néanmoins, il n'en demeurait pas moins que le bon comte l'avait accueilli en son château par une nuit glaciale d'hiver.
Ce petit être fragile remplissant toutes les conditions faisant de lui la proie parfaite d'un sociopathe aux tendances pédophiles n'avait-il pas été protégé et réchauffé par Einar de Varde ?
Ce dernier lui avait même fait préparer un repas chaud, ainsi qu'un dessert en plus de lui glisser des pièces d'or...
Pour la première fois depuis bien longtemps, Judicaël éprouva un net pincement au cœur face à ce qu'il avait fait.
Il n'avait que six ans, et déjà l'esprit malveillant de la Décharge l'avait pris à la gorge, s'était engouffré dans son minuscule corps en pleine croissance, l'avait amené à pourrir de l'intérieur.
Comment avait-il pu agir de la sorte ?
Comment, alors qu'Einar ne lui avait voulu que du bien, avait-il pu le tromper ainsi ?
Sa fourberie le hanterait toute sa vie, le parrain d'Éléonore était pour le moment toujours vivant et pourtant, cet humain encore en construction le savait pertinemment.
Un être perfide aussi indigne que la plupart des saletés dont la face était placardée dans sa contrée, voilà ce qu'il était.
Pour la plus grande exaspération de l'insensible complice de Judicaël, ce dernier se mit à sangloter.
De tous les enfants sans cœur qu'abritaient la Décharge, il avait fallu que sa reine s'entiche d'un pleurnichard...
Avoie poussa un long et sonore soupir avant de faire volte-face.
- Allez, on sort de là, ordonna-t-elle sèchement.
Elle aurait grandement apprécié travailler avec l'un de ces gardes, qui se plaisaient à s'entraîner régulièrement non loin des quartiers qu'elle occupait...
Au lieu de ça, la voilà obligée de s'abaisser à se coltiner un moutard visiblement peu endurci.
Il fallait être en pierre, en béton armé, en acier, en diborure de rhénium pour travailler pour la belle reine venue d'Écosse.
Déjà maîtresse du royaume hérité de sa mère, celle-là convoitait maintenant celui de son père, d'autant plus prospère.
Cela en projetant d'étendre son pouvoir sur la grande Scandinavie...
Quoi qu'il en soit, le duo cauteleux laissa Einar seul dans son trou.
Ce n'était évidemment pas un marmot et une brindille, qui ne portait rien de plus lourd qu'une trousse à maquillage, une robe voire un plateau-repas qui seraient à même de traîner le bon comte jusqu'à la souveraine.
Non, pour cela, les gardes royaux qu'Avoie appréciait tant s'en chargeraient.
Pendant ce temps, les appâts étaient supposées se faire payer.
Après quoi, et jusqu'à nouvel ordre, Judicaël disposait d'une certaine liberté, qu'il comptait bien mettre à profit.