Quelques minutes plus tard, la cavalerie s'arrêta, l'homme peu amène se retourna puis, ne dévoilant rien d'autre au fils de son monarque que des yeux gris et froids comme la glace, le géant un peu grassouillet saisit le petit avant de quasiment le jeter au sol.
Entre-temps évidemment, le reste du cortège s'était un peu éloigné.
Pas de beaucoup : juste assez pour que le garçonnet atterrisse dans l'herbe tiède et humide, et non contre la surface agréable et chaude des flancs d'un cheval.
Formés en cercles, les gardes toisaient le galopin du haut de leur solide monture.
Puis l'homme au frison demanda au chef du groupe ce qu'il devait faire du boulet.
Ce à quoi une voix chevrotante mais tout de même grave et autoritaire d'un garde chevronné ordonna à ce dernier de le jeter dans le grenier.
Levant la tête vers le meneur de ses bourreaux, le visage barbouillé de larmes et le menton plein de morve, le petit simplet observa alors l'homme peu amène menant les autres dans le processus de découvrement de ce qui s'apparentait à son tombeau.
Au-dessus d'un petit édifice rectangulaire, une statue représentant un lion, la gueule grande ouverte, le regard tourné droit vers l'avant en signe de défi et d'insoumission à l'ennemi annonçait que la suite de sa courte existence allait probablement constituer un véritable combat.
Le faible prince déchu sanglota de plus belle.
Comment les choses avaient-elles pu changer du tout au tout en aussi peu de temps ?
Son horrible marâtre les chassait, puis la seconde d'après leur vie paradisiaque se transformait en enfer ?
Il avait l'impression d'avoir quitté ce beau château dans lequel sa mère l'avait mis au monde puis élevé et vu grandir jusqu'à sa mort dans une autre vie, tant ces agréables périodes lui semblaient lointaines.
C'était comme si un chapitre, voire même un tome entier de sa minime existence s'était définitivement fermé, et qu'il n'en détenait plus aucun souvenir.
Stelyos n'était plus le petit prince adoré du château, seul mâle parmi une tribu de futures femmes.
Là, il ne parvenait pas à détacher son regard d'un bleu très clair semblable à l'eau plutôt propre d'un cours d'eau qui passait non loin d'ici de l'entrée de ce que l'autre avait appelé le grenier.
Bientôt, l'homme peu amène descendit à son tour du dos de la bête, attrapa sans ménagement le petit garçon déjà traumatisé par les aisselles puis, alors que ses minuscules orteils effleuraient le sol, attendit que deux de ses collègues ouvrent l'entrée pour l'y plonger.
Stelyos roula telle une bille sur le béton d'une route de ville durant plusieurs dizaines de seconde en criant à l'aide.
Il n'y avait pas une once de lumière au bout du tunnel, seuls des rats et insectes peuplaient aux dernières nouvelles avec joie ces lieux lugubres.
Le petit garçon repensa avec un petit rire à l'une des punitions préférées de leur mère, quand lui et ses sœurs n'étaient vraiment pas sages.
Assis dans un coin non loin de leurs pairs, ils restaient positionnés en direction du mur, un bandeau sur les yeux.
Stelyos transforma ses exclamations nostalgiques en cris de terreur mêlés de tristesse avant de se déplacer sur le côté puis de s'arrêter net.
Il y avait quelqu'un sur le sol, étendu comme lui dans le noir à la manière d'une bête.