Suintant du papier argenté, un liquide rouge vif s'écoulait par petits filaments du récipient. Curieux, je soulevai la couverture. L'instant d'après, l'horreur me saisit la gorge à pleine main, m'empêchant d'émettre le moindre son vocal.
Devant mes yeux, le pied aux ongles recouverts d'une double couche de vernis blanc légèrement écaillé était placé à l'horizontal dans une large pièce de vaisselle sphérique. La cheville, bien plantée dans le membre, laissait apparaitre un os, la chair le recouvrant s'étant affaissée. Elle pendait sur le pied, à la manière de l'ourlet d'un col roulé autour d'une gorge.
Prenant sur moi, je me forçai à replacer l'aluminium comme il s'y trouvait avant que je ne fasse cette macabre découverte. Mon cœur s'était mis à battre la chamade. Et si j'étais le prochain ?
Et d'ailleurs, qui avait été le premier ? En supposant bien sûr qu'il s'agisse bien du premier. Ma terreur était-elle que je n'osai même pas quitter la pièce. Jetant un regard à la table pleine de cochonneries, je m'aperçus que plus aucune d'entre elle ne me tentait. La nausée me saisit soudain, mais en me concentrant sur ma respiration, je parvins à la contenir.
C'est alors que je compris. Le garçon à peine majeur, le verre entre ses mains, son regard vide... Il était le prochain. Je frissonnai lorsque je me fis la réflexion que j'étais sûrement également sur la liste. Les filles étaient probablement dans le coup, mais les autres l'étaient-ils également ? Peut-être que seule une minorité d'invités – et l'hôte – étaient impliqués.
Pendant quelques instants, le dos contre le frigo comme si le cacher ferait disparaitre ce qu'il contenait, je me demanda sérieusement si tout ceci n'était pas une hallucination. Hélas, je n'avais pas le courage de rouvrir le réfrigérateur. Encore moins de soulever le papier argenté qui abritait un pied humain féminin.
À coup sûr, je n'avais pas été drogué : tout ce que j'avais bu – deux verres de Schweppes à la pomme – étaient sortis directement de la bouteille puis versé dans un gobelet en carton, sous mes yeux. Je devais me rendre à l'évidence : j'avais été victime d'une sorte de guet-apens.
La connaissance m'ayant convié avait insisté pour que chaque invité dépose son téléphone dans une boîte à l'entrée... Je planifiai donc ma fuite en revoyant nettement la grosse boîte noire en carton dans mon esprit. La fenêtre de la cuisine menait sur le jardin : je ne pouvais fuir sans passer devant les autres.
Prenant mon courage à deux mains, j'ouvris doucement la porte de la cuisine puis me dirigeai en catimini vers l'entrée de la maison. Avec soulagement, je pus récupérer mon téléphone, avant de sauter sur la poignée de la sortie.
Malheureusement, elle était verrouillée, et je n'avais aucune idée d'où pouvait bien se trouver la clé. J'insistai quelques secondes sur la poignée, appuyant plus fortement, la tirant en arrière, mais rien n'y fit : elle était bel et bien fermée à clé.
- C'est ça que tu cherches ? me demanda soudain la voix amusée d'un homme derrière mon dos.
Avec lenteur, je tournai mon corps à cent-quatre-vingt degrés et lui fit face. Un sourire carnassier étirait ses lèvres à un point tel que ses pommettes saillaient plus que jamais, tandis que ses yeux bruns brillaient de mille feux dans le couloir à peine éclairé par l'ampoule allumée dans le salon un peu plus loin. Mon hôte me fixait avec une expression qui ne pouvait prêter à confusion. Le visage en sang, je l'observai avec stupeur lorsque l'une de ses mains pleines de sang - ce dernier souillant même le dessous de ses ongles – me lança une clé.
- Rentre bien, me dit-il simplement.
Puis il tourna les talons. Je réussis non sans trembler à insérer la clé dans la serrure, à déverrouiller l'accès puis m'enfuis à toutes jambes dans la nuit noire. Plus jamais je ne revis ce drôle d'hôte, ni aucun de ses invités. Un seul fit figure d'exception : le très jeune homme fit la une des journaux quelques jours plus tard en raison de sa disparition.
~ FIN ~
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Vantablack 2
HorrorRecueil d'histoires sombres inspirées de : - contes - faits divers - légendes urbaines - mythes.