Stupéfaite, elle porta une main contre sa paume. D'après le post qu'elle avait sous les yeux, il était arrivé quelque chose de fâcheux à la doyenne.
Soudainement bien éveillée, Svetlana se dit que ceci valait bien plus qu'un simple coup d'œil. Courant prendre une douche, elle se hâta ensuite de se débarbouiller le visage avant de se laver les dents.
Pressée, la danseuse enfila la première robe de jour à portée de main, tartina son visage de crème mais se contenta d'appliquer une légère couche de mascara sur ses cils supérieurs. Enfin, elle passa une paire d'escarpins à ses longs pieds fins et s'aspergea rapidement du contenu d'un flacon de parfum qu'elle attrapa au hasard parmi la collection étendue sur sa coiffeuse.
Finalement prête, elle galopa jusqu'à la gigantesque demeure où, comme elle s'y attendait, quelques sorcières s'attroupaient devant les portes.
Bientôt, les grilles s'ouvrirent, et un troupeau de petites femmes agitées courut jusqu'à l'entrée, avant de grimper quatre-à-quatre les escaliers.
Une fois parvenue devant la porte de ses appartements, la servante chassée la veille – Tanfana était son nom – leur fit signe de lui emboîter le pas.
Les brebis traversèrent l'antichambre à petits pas retenus, comme si le claquement de leurs talons aiguilles contre le marbre tapissé allait effrayer l'aristocrate.
In fine, Tanfana ouvrit tout doucement la porte, où les cruches purent tout à leur loisir admirer le peu qu'il restait de la dernière descendante notoire de feu Mme Sandrime séniore.
Aussitôt, les exclamations se propagèrent dans la chambre, en cœur. Certaines hurlèrent, d'autres pleurèrent – de tristesse pour certaines, de joie pour la majorité – mais toutes immortalisèrent en photo la tâche massive, sombre et séchée parmi les vêtements, ceux-ci agrémentés des dix faux ongles carmin de la doyenne.
Seule Svetlana resta silencieuse. Abasourdie, elle repassait en boucle le corps frêle et masculin les ayant portés quelques heures auparavant.
Suite cet événement, il fut bien entendu décidé qu'une enquête devrait être faite. Qu'une sorcière revêche s'amuse avec des danseurs masculins passe encore, mais avec la doyenne ?
On convoqua donc l'Assemblée générale des sorcières.
En tant que simple danseuse, Svetlana ne fut bien entendu pas conviée. Néanmoins, elle fut tout de même autorisée, comme toutes les autres de son rang, à attendre la délibération dans le couloir, au rez-de-chaussée du château.
Sentant son estomac gargouiller, elle se permis d'aller grignoter quelque chose -n'importe quel aliment se trouvant sur son passage. Elle se dirigea donc dans la cuisine – à sa surprise, aucun domestique ne préparait de quoi nourrir ne serait-ce que le conseil – avant de dénicher une brioche encore bien moelleuse dans une boîte à pain.
Se retournant, elle faillit s'étouffer.
Devant ses yeux écarquillés, le dernier danseur – le seul qui paraissait joyeux lors du spectacle de la veille – lui dévoilait ses dents d'une éclatante blancheur.
Les lèvres recouvertes d'un rouge à lèvres fuchsia et la taille cintrée dans une robe moulante, Svetlana se demanda comment personne n'avait pu découvrir le pot aux roses.
D'autant plus que les yeux gris de l'adolescente rappelaient à s'y méprendre les iris figés, peints à l'huile sur la toile suspendue sur un des hauts mur du rez-de-chaussée, qui représentait feu Mme Sandrime séniore.
~ FIN ~
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Vantablack 2
HorrorRecueil d'histoires sombres inspirées de : - contes - faits divers - légendes urbaines - mythes.