Inunaki ~ Chapitre 5

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Eri poussa un cri aigü. Elle nageait en plein cauchemar. Comme si tout ceci ne suffisait pas, l'intrus se mit à lui crier dessus :
- DÉMARRE !
Sa voix chevrotante rassura paradoxalement la jeune femme : on ne pouvait ressentir une telle terreur et être membre de ce clan.

À Inunaki, la plupart des intrus ne faisaient pas long feu - sauf sur la broche. Parfois néanmoins, l'un d'entre eux un peu plus malin que les autres parvenait à leur filer entre les doigts.

Mais jamais à s'échapper du hameau.

Sur ce dernier point, les sentinelles n'avaient jamais permis le moindre changement. Si besoin était, on refermait les immenses grilles, hautes de plusieurs mètres, après quoi on se mettait à jouer au loup avec la pauvre brebis.

Au vu de ceci, les rares étrangers d'Inunaki atterrissant entre ses grilles se regroupaient quelque part, dans une zone temporairement cachée où Eri allait probablement se rendre...

À moins qu'elle ne se fasse attraper avant.

Sans réfléchir, la jeune femme à la petite queue-de-cheval sombre et épaisse obéit à cet homme. Ils ne se donnèrent même pas la peine de faire les présentations : ni l'un ni l'autre ne savait s'il verrait le lever du soleil le jour suivant.

Sans réfléchir, Eri fonça sur la foule. Elle envoya alors valdinguer une pluie de sauvages anthropophages en avant comme en arrière. L'une d'entre elles, une jeune femme aux cheveux broussailleux et à la face noire de crasse se mit à grogner en parvenant miraculeusement à s'accrocher à l'interstice située entre le capot de la Volvo et le pare-brise.

La conductrice hurla cette fois de toutes ses forces. Heureusement, son compagnon d'infortune la ramena à la réalité :
- RECULE ! lui ordonna-t-il.
Elle s'exécuta aussitôt. Devant, à quelques mètres à peine, elle ne pouvait foncer que sur les arbres.

Derrière par contre, une partie des campeurs s'attroupait. Eri avait compris : en un instant, elle fonça subitement en arrière et blessa grièvement plusieurs autres individus, dont la folle du capot qui roula sur la côté.

Le drôle de passager haleta. Tous deux échangèrent un regard, mi-rassuré mi-apeuré - l'air de se dire « on a réussi » - avant que les yeux de l'homme ne s'assombrissent.

- On va devoir sortir, lui annonça-t-il.
Automatiquement, Eri fit non de la tête d'un signe vigoureux. En quelques secondes, son compagnon lui expliqua alors qu'entre certains arbres épais, une cachette se trouvait où les rescapés se cachaient - et vivaient en communauté - depuis peu de temps.

Lors de leurs rares sorties, soigneusement calculées, l'un deux sortait afin de récupérer de quoi survivre un peu plus longtemps.

Étrangement, Eri se sentit soudainement vide, comme si son esprit habituel la quittait pour se faire habiter par un autre bien plus courageux et dénué de peur. Accompagnée de son camarade, elle quitta la Volvo puis s'enfonça dans la forêt sombre et épaisse.

Rangeant les clés de son véhicule verrouillé dans sa poche, elle ressentit pour la première fois de la soirée l'étrange impression que cette sombre étendue d'arbres hauts et larges la protégeaient.

En effet, sans une telle stature, il y aurait longtemps que les sentinelles auraient repéré l'entrée ingénieuse du groupe des rescapés.

Vantablack 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant