- Mince, lâcha la vieille dame. Elle ne savait comment se rendre jusqu'à la chaumière de l'autre grand-mère sans suivre ce sentier tout tracé. Alors qu'elle s'apprêtait à informer Loane qu'elles allaient devoir rebrousser chemin, un aboiement suivi du son de quatre pattes martelant le sol végétal la sortit de sa réflexion.
La petite fille accueillit le chien avec douceur, sous le regard glacial de sa gouvernante. L'animal la laissa lui caresser le sommet du crâne, puis s'approcha de son manteau écarlate qu'il mordilla en tirant légèrement l'objet vers lui. Loane comprit. - Et si on le suivait ? questionna-t-elle la vieille femme revêche.
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Celle-ci pinça les lèvres. L'idée de rentrer bredouille et d'annoncer la nouvelle au baron ne lui plaisait guère, mais de même décevoir la petite fille de passer l'après-midi avec sa mère-grand lui faisait pitié.
Après quelques secondes, elle acquiesça puis, précédées par l'animal, le Petit Chaperon Rouge toujours attaché à son bras et elle-même pénétrèrent dans les sous-bois.
Leur drôle de guide jappait joyeusement, avançant parfois un peu trop vite pour les deux humaines, il s'arrêtait quelques instants puis reprenait sa route de plus belle. Loane suivait l'animal sans méfiance, prenant uniquement garde à ne pas abîmer le joli panier d'osier qu'elle tenait dans le creux du coude.
La vieille dame l'accompagnant fit soudain un malaise. La jeune fille sentit son poids d'une certaine importance la faire trébucher sur le côté. Manquant de tomber sur la flanc, elle hurla d'horreur lorsqu'elle découvrit la cause de sa chute.
Enfoncée de part et d'autre de son visage ridé et affaissé par les années, une flèche était venue se planter dans la tête du chaperon. Allongée latéralement contre la racine d'un cèdre, ses yeux écarquillés fixaient l'horizon sans aucune expression. - NOOOOON !
Loane paniqua. Non pas qu'elle adorait cette dame, mais qu'allait-elle faire seule, perdue en plein milieu d'une forêt qu'elle n'avait jusqu'à ce jour jamais exploré en dehors du fameux sentier ? Heureusement pour elle, le chien-loup vint timidement auprès d'elle pour la réconforter.
L'animal lui donna un petit coup de museau et obtint des caresses en réponse. Ils restèrent là quelques instants, la petite fille le visage enfoui dans la fourrure chaude du chien et ce dernier se laissant patiemment amignonner.
Enfin, Loane se leva d'un bond. Le canidé sut ce qu'il devait faire et reprit l'itinéraire, la petite humaine sur ses pattes. Le reste du voyage se passa en silence, la fillette ne pouvant chasser de son esprit la vue abominable de ce corps mort, de cette tête transpercée par une flèche.
Sous le choc, elle n'y avait pensé qu'une fraction de seconde mais désormais, la question la taraudait. À qui appartenait donc cette flèche ? Qui donc avait abattu sa duègne, venue dans cette forêt dans l'unique but de la protéger ?
Loane se rassura en tentant de se convaincre qu'un chasseur avait peut-être confondu la gouvernante avec un cerf, mais cela ne tenait pas la route. La fillette due se rendre à l'évidence.
Quelqu'un avait consciemment abattu son chaperon. D'une manière ou d'une autre, elle était bel et bien en danger, car quelqu'un la suivait.
