- C'est de la viande de quoi ? interrogea Eri d'une minuscule voix.
La chair grillée avait un goût plutôt désagréable, mais au moins, elle avait de quoi manger. Et surtout, pensa-t-elle ensuite, peu importe qu'il s'agisse de chien ou de chat, eux au moins ne mangeaient pas d'humains.Eiji se râcla la gorge de façon assez bruyante, avant que sa sœur ne lui mette un petit coup de coude dans les côtes - qu'Eri ne remarqua pas.
Tous se regardèrent chacun leur tour, l'air de se demander s'il était bon ou non de lui dire la vérité dès maintenant.
Tous sans exception étaient passés par là. Ils pressentaient non sans un sentiment d'horreur mêlé à une forme de culpabilité ce que ressentirait Eri au moment où elle découvrirait de quel espèce animale elle avait dévoré la chair.
Peut-être n'auraient-ils dû que se contenter de cueillir quelques baies...
Tôt le matin, Kaito aidé de Sona et Botan s'était emparé du cadavre de la folle du capot bien avant que la nouvelle ne se soit réveillée.
Le corps était resté à l'entrée de la grotte, jusqu'à ce que l'espèce de chef du groupe de survivants ait décidé qu'il était temps de dépecer et de cuire le gibier.
Heureusement, on était en plein hiver : les nuits étaient rudes, le macchabée n'était pas encore périmé. Ses restes étaient entreposés quelque part dans la forêt, où peut-être que demain deux autres membres de la tribu iraient récupérer de quoi se nourrir - à moins que les sauvages n'aient repéré cette viande plus rapidement.
Kaito n'aimait pas récupérer la viande le lendemain, par crainte qu'elle soit avariée. De loin, il préférait se rendre au hameau, là où les villageois depuis des décennies - voire plus - s'étaient rendus maîtres dans l'art de capturer des petites filles et des petits garçons.
Parfois même, ils capturaient des adultes perdus en promenade là où l'électricité marchait encore, et lors des meilleurs jours - généralement l'été - les sauvages rapportaient des familles entières.
Mais la plupart du temps, on comptait sur les voyageurs pressés pour ravitailler le hameau plutôt peu peuplé...
- Alors ? répéta la jeune femme assise aux côtés de Botan d'une voix plus ferme.
Eiji poussa un soupir. Ce qu'elle était têtue.Si le frère de Sona ne s'était pas donné la peine de lui répondre, le ténébreux Kaito aurait pris l'initiative de la sortir de force de la grotte afin de lui montrer les restes - ainsi que la traînée de sang située à l'entrée de leur cachette et étalée jusqu'à non loin de là - de celle qui s'était la veille accrochée avec force à sa Volvo.
Lorsqu'elle prit connaissance de la vérité, Eri pâlit subitement. Elle nageait réellement en plein cauchemar.
Au final, qu'est-ce qui différenciait ce groupe tapi sous terre des autres vivant au-dessus ? Et si eux aussi cherchaient à s'en prendre à elle ?
Eri repensa alors à sa Volvo. Pour tenter de fuir cette forêt maudite, elle comprit qu'elle allait devoir compter sur ces drôles de spécimens.
Sur ce, elle se resservit un morceau de cuisse de la folle du capot.