Les deux sœurs se tenaient par la main.
Assise sur un canapé relativement moelleux, Yuka et Carméla étaient toutes deux mortes de froid tant que de peur.
Pour le moment.
Pendant ce temps-là, leur ravisseur sifflotait en réchauffant ce qui, à l'odeur paraissait être une soupe à l'oignon.
Lénaïc Appriou riait dans sa barbe.
En temps normal, afin d'en partie soulager sa conscience en ayant l'impression de traiter sa ou ses victimes comme des êtres humains et non du gibier, il leur était proposé de signaler le repas qu'elles souhaitaient avaler...
Avant que l'acte ne soit commis.
Appriou ne ressentait pas de pitié pour les petites trop privilégiées, plutôt un mélange de mépris et de haine, auquel était adjoint une forme d'excitation à l'idée de tout ce qu'il pourrait s'acheter avec les sommes que leur mort allait lui apporter...
Sloane d'Écosse était fort bonne en affaires, n'importe quel vagabond aux tendances marginales et criminelles de son pays natal ou des environs pouvait le confirmer.
Sa venue sur les terres de Freyia et Freyr constituait pour la communauté de la Décharge une véritable bénédiction.
Non pas qu'ils avaient la naïveté d'espérer qu'elle apaiserait leur sort, c'était bien trop tard, le meurtre, le vol et diverses autres exactions étaient depuis entrées dans leurs coutumes.
A contrario, conserver cette réserve d'hommes de main facilement sacrifiables profitait également à l'autre partie de ce genre de contrats...
Qui donc en cette contrée fort paisible de Scandinavie aurait accepté d'abattre de sang-froid huit petits humains innocents ?
Leur seul tort n'avait-il pas été de naître du premier lit de l'époux de cette grande dame qu'était l'Écossaise ?
Appriou éteint enfin le feu, sous la marmite.
La température ne baissa pas tout de suite dans la cuisine ouverte comme dans le salon, néanmoins les deux fillettes se mirent à grelotter d'autant plus.
C'était bientôt la fin.
Comme tout animal ayant survécu des millénaires et évolué au gré des risques et dangers rencontrés, les humaines bien qu'enfants étaient capables de discerner ce genre de situations périlleuses.
Sur le plan de travail, Appriou disposa deux bols en porcelaine colorés en vert pastel dont l'intérieur était couvert d'une peinture d'un blanc nacré, qu'il s'appliqua ensuite à emplir de son plat à l'aide d'une large louche.
Lui-même n'avait pas faim : il avait déjà dîné voilà plusieurs heures maintenant.
Ses proies quant à elles avaient subitement vu leur appétit se tarir après que l'homme ait appliqué sa lame effilée contre la gorge blanche de l'une de ces innocentes.
Les récipients munis chacun d'une large cuillère atterrirent bientôt sur la table basse en bois brun clair installé en face du canapé.
Ni Yuka ni Carméla n'osèrent bouger.
Leurs doigts restaient entrelacés, seul moyen de se sentir un tantinet rassurées.
Les fillettes n'arrivaient même pas à se regarder.
Sans se le dire, elles devinaient que dans les globes oculaires de l'autre, tout ce qu'elles observeraient serait la terreur qu'elle-même ressentait, à travers les pupilles fixes et dilatées bientôt éteintes.
Appriou frappa soudain dans ses mains larges et épaisses d'homme.
- Mangez, murmura-t-il d'une voix autoritaire.
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Vantablack 2
HorrorRecueil d'histoires sombres inspirées de : - contes - faits divers - légendes urbaines - mythes.