Némésis ~ Chapitre 6

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- Qu'est-ce que t'as ? aboya la gourmande à l'attention du border collie.

Sans se retourner, elle entendit nettement les aboiements se rapprocher, jusqu'à penser que ce doux chien risquait bien de l'agresser.

Gersande se retourna enfin vers l'animal, prête à physiquement riposter si le besoin se présentait.

C'est alors que son cœur manqua de s'arrêter.

À l'opposée de la cuisine, dans la salle-à-manger, la silhouette masculine de l'homme qu'elle avait aperçu avec sa femme plus tôt dans la journée se matérialisait devant ses yeux.

L'adolescente hurla à pleins poumons, avant de sortir son téléphone portable de sa poche.

Grossière erreur. À peine l'objet se retrouva-t-il entre ses mains fines que l'individu en mouvement se jeta sur elle, saisit l'appareil puis le jeta au loin.

Le Samsung se fracassa contre le mur, provoquant des cris encore plus stridents de la part de la petite-fille d'Ambroisine.

- À L'AIDE ! s'écria-t-elle.

Les enfants l'avaient sûrement entendu. Pourvu qu'ils s'échappent...

Étrangement, Gersande se mit subitement à se concentrer sur la plâtrée de lasagnes qui l'attendait bien au chaud dans le frigo...

Devant elle, le père de Nicodème, le regard fou, se releva d'un bond avant de saisir le chien de garde putatif visiblement peu opérationnel.

Dans un énième hurlement de l'adolescente, Nesquik se retrouva soudainement projeté à travers la cuisine, avant de terminer sa course contre la porte du four.

Son cou se tordit sous le choc. La nuque brisée, la belle tête bicolore du border collie fixait maintenant la baby-sitter de ses yeux morts.

Gersande détourna aussitôt ses pupilles de ce spectacle macabre. Après quoi, elle se mit à pleurer doucement.

Pourquoi elle ? L'homme croyait-il qu'elle, élève de quatrième entrant au troisième au moment des faits, avait attenté à la vie de son petit Nicodème ?

Il semblerait que oui, car l'instant d'après, l'homme saisit une branche morte épaisse de plusieurs centimètres, de ceux qu'on rencontrait dans la forêt montagneuse où son fils avait été soi-disant vu pour la dernière fois, avant de l'abattre violemment sur le crâne vide de la nourrice.

Le coup était trop faible pour qu'elle s'évanouisse, par contre la douleur elle résonna aussitôt dans sa boîte crânienne.

Gersande comprit que c'était le but : pour on ne sait quelle raison l'homme avait décidé de lui faire payer le prix fort à elle.

Tout en pleurant à chaudes larmes, à la fois de désespoir, de terreur mais également maintenant de douleur, l'adolescente cria à l'intention de son agresseur qu'elle n'y était pour rien dans la disparition de son fils.

Loin de le faire reculer, cette information parut au contraire mettre Édouard d'autant plus en colère.

Pourquoi s'en prenait-il autant à elle ? Parce qu'elle était une fille, d'autant plus très jeune, et donc une proie facile ?

Ou bien parce que quelqu'un aurait porté à son encontre un faux témoignage ?

Alors qu'Édouard répétait ses coups avec une violence toujours maîtrisée, la petite-fille d'Ambroisine, pensant à celle qui l'avait élevée, comprit alors que l'homme ne lui en voulait pas à elle directement, mais à son aïeule.

Vantablack 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant