C'était une de mes soirées sans alcool.
Avec netteté, je me souvenais avec précision de l'événement qui l'avait clôturée.
J'étais arrivé sur place aux alentours de vingt-deux heures. Un quart d'heure plus tard, j'avais déjà commencé à me demander ce qui m'avait poussé à y aller.
Balayant du regard la pièce au parquet jonché de miettes de chips à l'ancienne, je le maintenais soudain sur un très jeune homme affalé dans un recoin du canapé. Ses yeux inexpressifs étaient figés sur un point quelconque du tapis. Un gobelet pendu à la main, le garçon à peine sorti de sa minorité fixait le sol en clignant à peine des paupières.
Sans trop comprendre la raison qui m'y poussait, je déplaçais mes jambes jusqu'à lui. Ne constatant aucune réaction de sa part, je me retournais, fléchissais mes genoux puis m'assis à ses côtés. Dirigeant mon visage vers ses grands yeux bleus - qui paraissaient recouverts d'un voile transparent – je m'aperçus que ma présence n'éveilla chez lui pas la moindre réaction. Surpris, j'approchais précautionneusement, avec lenteur l'extrémité du bout des doigts de ma main droite vers son avant-bras gauche, mais même ça ne provoqua aucune réponse.
Autour de moi, personne ne semblait se préoccuper de l'état du garçon. Constatant après un rapide coup d'œil que son gobelet était encore à moitié plein, je pris l'initiative de le lui retirer pour le poser sur la table basse juste en face du canapé. Là encore, il n'émit aucune opposition. Soudain, j'observa avec frayeur que ses yeux ne clignaient pas. Telle une statue de marbre aux yeux ronds un peu trop proéminents, le très jeune homme semblait figé à jamais.
Inquiet, je me leva et prévins quelques personnes autour de moi. À ma grande surprise, personne ne partagea mon angoisse. Une petite blonde me fit même la remarque qu'il était – apparemment - dans son état normal, ce qui fit ricaner les deux filles à ses côtés sans que je ne saisisse l'ironie de son commentaire. Haussant les épaules, je traversa le salon bruyant puis rejoignit la cuisine.
Contrairement au maître des lieux ainsi que la plupart des autres invités, j'avais décidé de ne pas boire une goutte d'alcool ce soir-là... Principalement pour garder mes idées en place. En effet, invité à cette soirée par une vague connaissance – l'initiateur de cette petite fête – un pressentiment me conseillait fortement de rester sobre.
Sentant mon estomac quasiment vide gargouiller bruyamment, je me jetais avec avidité sur le cul-de-poule en acier rempli à ras bord de chips croustillantes et bien salées. Je mangea donc dans le calme, autour d'une table à la nappe recouverte de gâteaux apéritifs, de tranches de saucissons et de bonbons chargés de sucre.
Au bout de quelques instants, l'envie de faire descendre le tout par une goulée de soda bien fraîche me remit debout. J'ouvris le réfrigérateur et en sortit une bouteille de Coca classique. Je me servis un verre, enfourna quelques morceaux de saucisson sec dans ma bouche. Je mâchais machinalement ces derniers lorsque je reposa la bouteille de soda dans la porte du frigo.
Subitement, un plat recouvert d'aluminium attira mon attention.