France Jour 284

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Pdv Loa :

La fumée entre dans mes poumons, je la laisse me souiller pour mieux me laver. Un instant j'oublie, j'oublie la lame, j'oublie les autres, j'oublie tout. Il n'y a plus que cette fumée qui compte. La musique de la fête bat dans mes oreilles, je ne vais jamais dans ce genre d'endroits d'habitude mais depuis que j'ai goûté à cette fumée, je viens bien plus souvent, je ne suis pas accro, je sais ce que c'est que d'avoir une vrai addiction, je veux juste décrocher un instant. Oui je ne suis là que pour fumer mais et alors ? Les autres sont ici pour boire, est-ce mieux ? 

Sûrement, je n'en ai rien à faire de toute façon. Je surveille Rafaël du coin de l'œil, il s'amuse bien pour une fois. Je tire une énième taffe, j'en ai bien le droit quand même, nous avons reçut les résultats ce matin, je pars étudier à New York. Je devrai être heureuse, je le suis au fond, mais il y a quelque chose qui me ronge de trop pour en profiter. Je replonge, bien trop et je le sais. Ma vrai addiction reprend le dessus, se fait plus féroce et dévastatrice. 

J'ai peur de ne pas y arriver, de ne pas retrouver cette tranquillité que j'ai ici, j'ai peur tout simplement et mon corps le sait. Les plaques d'eczéma pullulent sur mes bras, recouvrant mes coupures, mon cou, me stressant encore plus, mon visage, me rendant encore plus moche, là on dirait vraiment un troll. C'était déjà mal parti pour moi mais en plus je me tape ces horreurs de plaques rouges et horriblement dérangeantes.

Je fume et tout de suite la démangeaison disparaît, je me sens bien mieux. Raf et moi irons dans la même université, à New York. C'est incroyable.

J'avais voulu aller en Australie, et puis j'ai changé d'avis, ou plutôt on m'a fait changer d'avis. Alors que je devais faire ma liste de choix je stressais tellement que j'avais ressorti ma vieille boussole, celle de mon grand-père. Elle était posée sur la carte du monde que j'avais sorti, des punaises sur chaque ville où je me voyais le plus vivre. Melbourne, Québec, New York, Londres et Dublin. Toutes proposaient des cours de biologie marine et toutes m'attiraient.

Toute cette semaine me reviens en mémoire : les recherches sur les villes, les pays, les logements.... des papiers partout dans ma chambre, des dizaines de brochures sur les universités, des verres vides et des assiettes sales que je ne prenais pas la peine de ranger. Je repars en arrière, sûrement un effet de la fumée...

J'ai déjà du mal à faire des choix en temps normal mais là c'est encore pire : mon avenir en dépend entièrement. Rien que de penser aux multiples conséquences j'ai l'impression de devenir folle, c'est à s'en arracher les cheveux, ou la peau dans mon cas.

Je préfèrerai que quelqu'un choisisse pour moi, quoi que non je préfère être libre de mes choix... mais c'est si dur de choisir ! Je pèse le pour et le contre, les avantages et inconvénients de chaque ville, les environs des universités et tout un tas de trucs qui n'intéressent que moi : distance avec la plage, présence d'un lac ou d'une rivière, forêts...

J'enrage, tape la table du poing.

-Putain ! Et voilà que je jure.

Je m'apprête à tout faire valser au sol quand ma boussole s'affole, l'aiguille tourne dans tout les sens, elle fait ça parfois. Mais aujourd'hui c'est... différent.

Elle tourne, tourne et tourne mais le temps semble en pause, tout est silencieux et même les grains de poussière en suspension semblent dans l'attente qu'elle s'arrête.

L'aiguille ralentie, ralentie, ralentie... et s'arrête.

Je regarde où elle pointe : droit sur New York. Serait-ce un signe ? Le destin ? Je sens au plus profond de moi que c'est là qu'est ma place, là que je dois aller. Je sors un stylo et entoure la ville en rouge, la boussole se remet à tourner une fois et s'arrête sur le nord, tout est revenu à la normale et j'ai fais mon choix.

Je secoue la tête, me revoilà à la fête, soudain toute cette fumée est de trop, je dois prendre l'air. Alors que je sors par une baie vitrée je me retrouve dans un immense jardin, parfait. Je me laisse aller à l'écoute du vent, rien ne semble déranger ce moment.

Je respire, l'air est plus pur qu'à l'intérieur. La lune brille haut dans le ciel et à nouveau je pense à Louna, qu'est ce que cachait cette fille ? Pourquoi même après presque trois ans mon esprit bloque encore sur son comportement ? Je ne sais même pas ce qu'elle devient, où elle vit, si elle vit encore... c'est horrible de penser ça ! Mais il y a quelque chose qui cloche, je n'arrive pas à me dire que c'est idiot ou fou de se dire ça, au contraire je commence à sentir une profonde inquiétude dans ma poitrine.

Mais qu'est ce qu'il m'arrive ? On ne se connaît même pas, on était juste dans le même groupe d'amis, je ne sais rien d'elle et elle sait encore moins de choses sur moi. Ça doit être la drogue qui dérègle mon esprit, faudrait que j'arrête cette merde, après tout je vais avoir une nouvelle vie là bas, je le sens, alors autant laisser ça derrière moi. Oui ce serait bien.

Je me relève, l'herbe est douce sous ma paume. Je rentre chez moi sans prévenir personne, qui s'en occupe d'ailleurs ? Une fois dans ma chambre étudiante je regarde tout mon bazar, je vais devoir emballer tout ça bientôt, sans même prendre la peine de me changer je m'affale sur mon lit, ma tête est encore légère de l'effet des vapeurs. Je n'ai pas envie de dormir, pas tout de suite, alors je lis, puis je dessine, écris, traîne sur mon téléphone.
Je tombe sur une publication de Louna, une photo de Portland d'après la description.

C'est joli, très même mais je croyais qu'elle habitait en Californie

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C'est joli, très même mais je croyais qu'elle habitait en Californie... sans vraiment m'en rendre compte je commence à me souvenir à nouveau de tout ce qui m'avait « dérangé », sa distance, ses yeux hagards, ses poings serrés. C'était bizarre parce que je pensais qu'elle était plutôt banale, mais le plus bizarre c'est que je me souvienne d'elle comme ça, sans raison valable. Ou alors si, c'est parce que je vais bientôt partir aux États Unis et qu'elle vit là bas... oui c'est sûrement ça.

D'ailleurs pourquoi ne pas reprendre contact ? Ce serait cool, non ? Et puis elle pourrait me donner des conseils sur la vie aux USA... ouais ce serait cool...

Je m'endors d'une traite, facilement, et en rêvant de New York...

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