Jour 286.1

66 7 25
                                    

C'est notre première journée à Seattle, et ma dernière semaine avec les garçons avant un long moment. Je refais ma valise avant d'aller me laver et m'habiller, aujourd'hui pas de répétition ni de concert, nous allons pouvoir visiter un peu la ville tout les trois. Je choisis des vêtements rapidement : jean et sweat-shirt passent partout, j'attache mes cheveux en chignon puis me maquille légèrement, une fois mes baskets aux pieds je rejoins Tyler dans la cuisine.

Mon ami est en train de sortir du bus sans nous, j'attrape son bras avant de lui demander :

-Hé Ty où tu vas ?

-Oh désolé... je, je voudrai être un peu seul s'il te plaît... allez vous balader juste tout les deux, je reviendrai plus tard...

-Euh d'accord... tu vas dans un endroit précis ? Un sourire malicieux traverse son visage.

-Je n'en sais rien, je laisse mon instinct me guider.

-D'accord, fais attention à toi et appelles si ça va pas hein.

Ce n'est pas une question, et il le sait.

-Oui commandant !

-Vas y fous toi de moi ! Allé dégage !

Il s'en va en riant. Je le vois partir dans les rues glaciales de Seattle, sa capuche relevée sur sa tête et les mains dans les poches. Je me rends soudain compte de l'absence de Josh, il doit être dans le studio. Je m'y rend après avoir retiré mes chaussures, je me sens bien mieux pieds nus, ou par ce temps en chaussettes, une fois devant la porte je toque. Aucune réponse mais la pièce n'est pas verrouillée alors j'entre, sans surprise mon ami est là, derrière sa batterie.

Il a un casque sur les oreilles et ne m'entend donc pas, mais il frappe tellement fort que lui doit s'entendre jouer. Je referme la porte et m'assois contre elle. Josh est dos à moi, il ne sait donc pas que je suis là, j'ai l'impression de l'espionner mais je n'ai, ni envie de le stopper dans son élan musicale, ni d'arrêter de le regarder. Il joue une mélodie que je ne reconnais pas, tantôt lente avec un fond mélancolique tantôt rapide et saccadée, violente et colérique. Les rythmes changent comme son comportement, il sautille sur son tabouret, bouge la tête de droite à gauche, d'avant en arrière et fait parfois tourner une baguette dans sa main.

Il dégage une force incroyable, cet homme est un roc auquel tant de gens se raccrochent : ses amis, sa famille, la clique, moi. Mais je le connais désormais, et je sais qu'il a ses faiblesses. Et ça me terrifie. Parce que si un être aussi fort peut céder à la peur ou à ses angoisses alors comment moi, une fille aussi faible, pourrait y arriver ? Et le plus important, comment je pourrai l'aider ?

Il joue les yeux fermés, je le remarque lorsqu'il balance sa tête de droite à gauche, connaissant parfaitement son instrument, comme si sa batterie était une extension de son corps, de son âme. Il extériorise tant de choses, cela me fait mal sans que je comprenne pourquoi. Cette douleur dans ma poitrine, cette envie de le rassurer, c'est atroce. Pourquoi tombe-t-on amoureux, c'est tellement cruel de voir la personne qu'on aime souffrir alors que l'on est impuissant. Ou juste un ami, un membre de sa famille, un inconnu.

Je ne sais pas ce qui peut l'aider, je ne sais pas comment le rendre heureux. Cette affirmation me fait encore plus mal que d'habitude, les larmes viennent toutes seules, comment je peux oser pleurer quand c'est lui qui semble souffrir ?

Je le regarde et remarque qu'il fermait les yeux pour retenir ses larmes qui désormais inondent ses joues, et je ne sais pas quoi faire pour les arrêter. Je suis perdue, je suis incapable. Je me lève et fuis sa souffrance, je remet mes chaussures et m'éloigne du bus.

NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant