Jour 1.3

159 16 8
                                    

On arrive dans une autre loge, plus petite avec un canapé rouge où Tyler est assit les coudes sur les genoux, la tête entre les mains et secoué de sanglots. Lorsqu'on entre il ne remarque pas tout de suite notre présence et Josh doit tousser pour lui faire relever la tête. Il nous regarde, ses yeux semblable à deux grands lacs remplis de larmes. Il se met debout rapidement et me prend dans ses bras, me chuchotant la chose la plus réconfortante qu'il puisse me dire :

« -J'ai eu tellement peur que tu te fasses du mal... je sais qu'on se connaît depuis à peine deux heure mais je, je ... je veux vraiment qu'on deviennent ami. S'il te plaît ne t'en vas plus comme ça, reste ici. Le temps qu'on discute, qu'on apprenne à se connaître...

-Tu veux vraiment qu'on soit ami ?

-Absolument.

On se regarde, pourrais-je devenir son ami ? Je l'espère, je le crois. Tyler recule mais ne me lâche pas, il se tourne vers Josh qui a l'air gêné.

-Allez viens Jishwa, je suis certain que toi aussi tu veux prendre Louna dans tes bras.

Josh baisse la tête, à quoi pense-t-il ? Il s'approche de nous et Tyler l'intègre dans notre étreinte. Peut être que lui aussi veut être mon ami après tout. Alors je pourrais avoir deux nouveaux amis en une soirée ? C'est plus que ce que j'ai eu en une vie entière... en 19 ans je n'ai jamais eu d'amis, certes il y a eu des gens avec qui je me suis très bien entendue mais à chaque fois ils finissaient par me quitter, m'oublier et j'étais encore seule.

On ne se lâche pas, pendant un long moment, jusqu'à ce que Tyler relève la tête et nous dise :

-On avait pas parlé d'une discussion sur toi la miss ?

« -Une discussion sur moi...

-Oui sur toi ! Tyler se tourne vers son ami. J'ai pas supplié Josh de te chercher pour que tu te défile !

Je baisse la tête, ma main se dirige naturellement vers ma poche à la recherche de mon briquet. Bizarrement je ne suis pas gênée de le sortir devant les deux garçons alors que d'habitude le jugement des autres m'aurait terrifié et je n'aurais pas esquissé le moindres mouvements. J'aurais eu peur qu'ils me prennent pour une folle avec des tics nerveux étranges.

-C'est pas que je veux pas vous parler mais... c'est pas comme si je pouvais tout dire comme ça... c'est trop bizarre de se dévoiler comme ça...

Je fais tourner mon briquet, comme sous l'escalier. Repenser à ce qu'il s'est passé là bas est étrange : le contact de Josh, sa douceur avec moi et la paix qu'il m'a inspiré après n'avoir été que le synonyme du rejet que j'ai toujours craint de la part des autres.

-Commence par me parler de ça, Josh prend ma main où le briquet effectuait son manège perpétuel. Comme tout à l'heure il est délicat et très intentionné, l'inverse du garçon qui m'a traité de junky il n'y a pas plus d'une heure et demi.

-Il a raison parle nous de ton tic, ce serait un très bon début.

Tyler va s'asseoir sur le divan rouge pendant que Josh et moi le rejoignons lentement. Je me retrouve coincée entre eux deux, aucune fuite n'est possible, je dois faire face à mes peurs, à ma plus grande peur : les autres. Je sens une crise de panique arriver, les frissons longent ma colonne vertébrale. Josh doit s'en rendre compte car il commence à faire des ronds dans la paume de ma main. La chaleur de ses doigts, la délicatesse de chacun de ses mouvements et son regard si intense alors que nos yeux se croisent, tout cela me calme et éloigne ma crise doucement. Je prends une grande inspiration et commence le récit de mon histoire :

-Je suis effrayée...

-Je suis effrayée pas les autres, par leur regard scrutant mes moindre faits et gestes. Je suis totalement pétrifiée à la simple idée de ne pas être à la hauteur de leurs attentes, de ne pas être suffisamment douée... Je ne veux décevoir personne alors que je ne me sens liée à aucune personne dans mon entourage. Je n'ai pas d'amis et pourtant je le vis très bien, je me suis éloignée de ma famille et c'est la même histoire : je ne me sens pas triste. Le jugement des autres est tellement stressant et le seul moyen que j'ai pour évacuer ce stresse c'est de faire quelque chose de mes mains, jouer avec ce briquet est la seule chose qui me permet de ne pas craquer en public.
Je me sens incapable, tout ce que je fais n'est pas assez bien. J'ai toujours peur, le moindre contact avec des inconnus me brûle. Les autres ne sont que des brasiers, il me détruisent lorsqu'ils sont trop proche pourtant j'ai besoin de leur chaleur alors le seul moyen de survivre est de rester à l'écart pour ne pas souffrir mais pas trop loin pour rester en vie.
Je ne suis pas comme eux, j'ai horreur des foule alors je ne veux pas, je ne peux pas leur être semblable. Ma différence est un besoin vitale, sans elle ma santé mentale aurait prit le large depuis longtemps. Me différencier me permet d'être celle que je veux être, tout en me permettant de me cacher derrière mon masque. Les gens pensent me voir vraiment mais ils ne me connaissent pas, ils ne savent pas qui je suis puisque moi même je n'en sais rien. Personne ne me comprend, personne ne m'a jamais compris et personne ne me comprendra jamais.
Je ne suis pas seulement différente physiquement, ma façon de penser est spéciale. Mon monde ne se compose pas d'un cercle d'amis et de ma famille, non il se compose d'inconnus qui me jugent constamment. Mon monde n'est pas un cercle ouvert aux rencontres, c'est une bulle où je suis emprisonnée à tout jamais. Cette bulle m'étouffe, me tue depuis toujours. Dans ma bulle tout mes sentiments sont comprimés, ils vivent avec moi mais m'oppressent. Ressentir n'importe quel sentiment me fait souffrir donc je ressens de moins en moins de choses depuis plusieurs années. J'ai oublié l'amour, la joie ou... je ne sais pas quoi encore... l'excitation avant d'ouvrir les cadeaux de Noël, ce genre de sentiments je les ai tués pour qu'ils ne me tuent pas d'abord. Seule reste l'empathie, la tristesse, la peur et la colère dans mon cœur.
Mon âme est seule et brisée depuis si longtemps que je doute qu'elle puisse un jour être sauvée, je suis condamnée à mourir avec elle. Mon cœur a perdu depuis bien longtemps la faculté d'aimer mais ma conscience elle à garder celle de me détester.
Je me hais moi-même, je me dégoûte. Je me déteste d'être incapable d'être comme tout le monde, je m'écœure d'être si détachée des autres.
Ma bulle m'étouffe pourtant elle me protège, elle m'est nécessaire pour me sauvegarder des autres.
Je suis une incapable, une égoïste, une sans-cœur, une anomalie, un monstre...

Tout ça est sortit d'un coup, sans que j'ai à forcer la vérité à se dévoiler. Peut être qu'ils n'ont pas comprit, peut être que je ne me suis pas bien expliquée mais je suis fière, pour la première fois depuis longtemps je suis fière de moi. Je me suis avouée à moi-même ce qu'il se passe dans ma tête, les tourments de mon âme. Pourtant il y a encore tant à dire, tant à laisser s'échapper de la cage qu'est mon cerveau. Josh tient toujours ma main, il la serre plus fort depuis que j'ai commencé mon monologue. Il fut comme une bouée pendant ma dérive sur le flot de ma pensée, il me rappelait par son contact de ne pas sombrer. Il me gardait la tête hors de l'eau, il m'aidait à ne pas me noyer dans mes peurs.

Tyler lui fixe un point sur le mur en face de nous, il n'y a rien mais je sais ce qu'il voit. Dans sa tête toutes les informations de ma vie se rangent dans les tiroirs de sa conscience, les engrenages de son cerveau tournent à plein régime et il ne peut s'empêcher de réfléchir.

Il se passe plusieurs minutes sans que aucun de nous ne bougent. La fatigue m'entoure de ses bras glacés, le sommeil me gagne peu à peu. Je sombre alors que Tyler lui, est toujours coincé dans sa réflexion.

☼☼
Je sors ce chapitre juste après le précédent j'espère que ça vous fait plaisir ^^

NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant