Night

Boise Jour 553.1

Je n'ai envie de rien faire, aujourd'hui, demain, après demain... 

En fait je ne sais pas si j'ai envie de voir ce demain. 

Je ne veux pourtant pas mourir, quoi que ? 

Je suis si lasse, je ne sais même pas de quoi. Est-ce que je mérite vraiment de continuer à vivre ? Cette question tourne sans cesse dans ma tête.

Franchement je n'en sais rien. Au fond de moi j'ai l'impression de ne pas être quelqu'un bien, je ne veux pas m'attacher, et quand ça arrive je me sauve. Littéralement. 

Je suis partie aux États Unis parce que je ne supportais plus ce constant besoin de contact, cette affection. Bon je ne suis pas non plus une sociopathe mais j'avais l'impression que ma famille ne m'appréciait pas pour ce que j'étais vraiment mais seulement parce que justement c'était ma famille. Leurs compliments ne semblaient qu'être des phrases en l'air, des mots que l'on dit sans même les penser. J'étouffais et je suis partie, comment on peut abandonner ses parents, ses sœurs, ses amis sans avoir une once de remords ? On ne peut pas, surtout quand ils ont toujours voulue vous rendre heureux, sont restés avec vous pendant des années, vous ont nourris, habillé, protégé, aimé. En clair je suis une ingrate et je ne peux pas mériter qu'on s'occupe de moi. 

Pourtant j'ai besoin d'aide, je ne peux pas continuer toute seule, j'y arrive plus. 

Tant pis autant faire comme toujours, attendre que ça passe. 

☼

Je réfléchis toute seule dans la chambre d'hôtel. Loa est partie je ne sais pas où avec Tyler, Josh est en interview et toute l'équipe prépare le départ dans deux jours. Je suis vraiment toute seule, ça me fait mal au fond. Avant c'était facile et même agréable d'être seule mais aujourd'hui... c'est tellement différent, je suis différente. 

J'ai changé depuis que je connais les garçons et même depuis que j'ai véritablement rencontré Loa. Est-ce que c'est mieux que je ne supporte plus la solitude ? Je sais ce qu'ils me diraient tout les trois : « Bien sûr que c'est bien, ça veut dire que tu t'ouvres plus aux autres et c'est une bonne chose » sauf que pour moi ce n'est pas tellement une bonne chose, quand ils m'abandonneront je vais en souffrir. Quand la tournée se terminera Loa partira à New York étudier, Tyler et Josh retourneront à Colombus et moi à Los Angeles, à plusieurs heures d'avion d'eux trois. Je serais si loin, je serais seule, faible, anéantie. Je risquerais de faire une connerie, je le sais. Aujourd'hui j'en ai eu envie, juste un peu mais quand même. Alors quand je serais vraiment loin d'eux que se passera-t-il ? Vais-je céder à la noirceur ? Vais-je abandonner ? Que vais-je faire ?

Une chose est sûre, n'importe quoi peut arriver alors je ferais mieux de le prévoir. Je devrais écrire une lettre aux autres au cas où... je me lève et m'assois au bureau. Je ne sais pas trop quoi écrire et tente plusieurs choses avant de trouver ce que je dirais à Tyler, un simple « Thank you for all you did for me, stay yourself, take care of her please. ». Il saura de qui je parle, il prendra soin d'elle j'en suis sûre. Je plie la lettre et la range dans mon porte feuille en écrivant « For Tyjo ». Je commence celle de Loa, je ne sais pas quoi lui dire, il y a trop de choses. 

Elle mérite des remerciements, des encouragements, de l'amour, de la joie, du bonheur. Elle mérite ce qu'il y a de mieux, elle ne s'en rend pas compte mais elle est incroyable. C'est vrai, comment une personne dont on avait qu'un vague souvenir peut devenir une des personnes qui en sait le plus sur vous ? Il n'y a que elle qui peut faire ça, que elle pour devenir mon amie aussi vite. 

Si je meures, quand je mourrais, elle aura besoin de savoir tout ça, il le faut. Alors je me lève, vais devant la fenêtre, ouvre celle-ci et laisse entrer le vent, m'amenant ainsi le calme nécessaire à l'arrivée de l'inspiration. Mon stylo danse sur la feuille, chacune de mes pensées se libère, je n'écris pas en français à Loa car l'anglais me facilite l'expression. Étrange comment cette langue délie le nœud de timidité, d'appréhension et de peur, je peux lui dire tout ce qu'en face je ne pourrais jamais. J'écris encore et encore, j'essaye de trouver les mots adéquats. Le vent froid de janvier me brûle les joues, les larmes coulent et je n'essaye pas de les arrêter.