La porte s'ouvre, Loa entre dans notre chambre d'hôtel sans un mot ni un regard, et avant que je n'ai pu dire quoi que ce soit elle a tourné à clé dans la serrure et fermé mon ordinateur pour me regarder dans les yeux. Je fuis son regard, je sais d'avance ce qu'elle va me demander, cela allait bien finir par arriver.
-Maintenant y'en a marre. Commence-t-elle, tu vas me dire ce qui ne va pas, je ne suis ni dupe ni stupide et depuis un petit bout de temps tu me caches quelque chose.
-Je ne te cache rien du...
-Mais arrêtes bon sang ! Tu crois que je ne vois pas tout ça ! Dit-elle en empoignant mon avant bras caché sous plusieurs couches de tissus.
-Je ne cache...
-Mais arrêtes ! Arrêtes de vouloir tout garder pour toi ! Arrêtes de t'imaginer que tu es toute seule ou que Josh est le seul à pouvoir t'aider ! C'est pas vrai ! Je suis là moi aussi !
-Mais y'a rien...
Elle réaffirme sa prise sur mon bras, relève la manche et dévoile les quatre fines cicatrices. Jamais aucune coupure ne m'avait laissé de marques plus de trois semaines, après ce délai elles avaient totalement disparues, et bien souvent au bout de quelques jours aucune preuve d'une telle faiblesse de ma part n'était visible. Cette fois c'était différent, les traces étaient non seulement bien visibles mais ne semblaient pas du tout s'effacer, de la même façon que celles sur le dos de ma main datant pour tant d'il y a plus d'un an et demi.
Plus je les voyais, plus je me disais qu'elles resteraient indéfiniment, que tout ma vie je les verrai, me dégoûterai et serai incapable de ne pas vouloir arracher toute la peau qui les entoure pour ne plus jamais les voir. Et même maintenant, alors que les blessures sont complètement cicatrisées, je me sens toujours aussi faible. Les larmes montent rapidement, si vite que je n'arrive pas à les empêcher de glisser sur mes joues.
Loa me parle mais je n'écoute plus, les sons sont étouffés par un bourdonnement continue, le monde est flou et une certitude reste encrée dans mon esprit : ma peau nue au niveau de ces horreurs. Des frissons naissent sur cette parcelle que l'air vient caresser en me rappelant ce que je verrai en y posant les yeux. La chair de poule remonte le long de mon bras, une vague de tremblements glisse sur mon corps, s'amplifiant encore et encore telle la houle en pleine tempête.
Et je sais que la tempête est proche, je sais que la crise que je repoussais un peu plus à chaque instant pointe le bout de son nez. Je sais que si je n'arrive pas à l'arrêter maintenant s'en est finit de moi ce soir.
Je ferme les poings le plus fort possible, retrouvant de la stabilité dans la douleur, c'est ça qui me permet de tenir. Je m'y raccroche comme à une bouée de sauvetage, je n'ai que ça qui me relie au monde réel, la souffrance dans mes paumes. Je ferme si fort les yeux que des tâches de couleur dansent sur mes paupières, je ne sais même plus si je respire vraiment, je ne me concentre plus que sur cette douleur aiguë dans le creux de mes mains.
Quand, petit à petit, le voile jusqu'alors posé sur mes sens, s'envole, je me rends compte dans quelle situation je me trouve : la tête enfoncée entre mes épaules, les mains serrées dans mes cheveux, les genoux contre la poitrine et tout le corps recroquevillé sur le matelas. Je dois faire peine à voir. Je passe rapidement mes mains sur mon visage pour chasser les larmes mais une nouvelles brûlure les vrille, je relève les yeux lorsque j'entends Loa lâcher un faible hoquet de surprise. J'avais finis par oublier sa présence.
Elle tremble, des larmes refusant de quitter ses yeux.
-Louna tes mains... sa voix tremble presque autant que ses mains s'approchant des miennes. Je les retourne et découvre quatre encoches de chaque coté dont certaines ensanglantées. Le sang semble avoir été étalé, je passe le dos de ma main sur mes joues et quand je pose de nouveau mes yeux dessus une fine pellicule rougeâtre s'y trouve.
Cette couleur me nargue, me rappelant qu'à nouveau j'ai été faible et que ça recommencera à nouveau. Je le sais pertinemment, elle grandit de nouveau en moi, cette envie de tout casser, moi y compris. Alors cette fois je me lève et m'enferme dans la salle de bain avant que Loa n'ait le temps de réagir.
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Pdv neutre :
Quand Louna trouva la force de sortir de la salle de bain et d'affronter le regard de son amie, le spectacle qu'elle lui offrit fut pire que ce qu'elle imaginait. Autant elle s'attendait à voir de la colère pour l'avoir gardé loin de sa crise, ou possiblement du dégoût face à ce que Louna représentait : la faiblesse. Autant elle n'imaginait pas une seule seconde découvrir sa meilleure amie en pleurs, cachant ses bras rapidement sous de longues manches.
Elle avait eu le temps de voir ce qui devait être vu, et elle se rendit compte à quel point elle avait été égoïste en la tenant éloignée. Elle pensait bien faire, la protéger mais en réalité elle l'a détruisait un peu plus chaque jour. Comme un coup de poignards à chaque « Je vais bien » dit pour rassurer mais aussi faux que tout ces sourires.
Loa avait résisté avec l'aide de Tyler, mais ce soir, oui ce soir cela avait été de trop. Elle en avait eu besoin, de cette souffrance, cette échappée, évasion de la douleur quotidienne de voir son amie se détruire sous ses yeux sans ne rien pouvoir faire. Josh ralentissait les choses, mais Loa savait qu'il ne les arrêtait pas totalement.
À partir de ce soir là, les choses changèrent. Les crises de Louna se firent plus fréquentes et Loa cacha bien plus ses bras, bien plus qu'avant. Josh et Tyler virent le changement chez les deux amies mais gardèrent leur ressenti pour eux, préférant se concentrer exclusivement sur l'état de santé de celle qui était la plus chère à leur cœur.
Loa passait le plus clair de son temps avec Tyler, et Josh avec Louna. Les choses semblaient aller pour le mieux de l'extérieur : ils sortaient dans les bars tout les quatre, visitaient les villes qu'ils traversaient et avaient même fêté l'anniversaire de Loa puis de Tyler et enfin de Louna avant de se séparer pour Noël.
Les garçons devaient retrouver leur famille respective cette année, bien qu'ils n'en avaient aucune envie. Il restait deux semaines avant Noël, douze jours avant qu'ils ne rejoignent Columbus et ne quittent Détroit pour y laisser les deux filles le temps d'une longue semaine.
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Night
FanfictionLouna, une fille à part mais pas tellement non ? Dans la nuit y'a-t-il une lueur ? Dans une chute peut-on s'accrocher à quelque chose ? On apprend tous à aimer un jour, c'est son tour. Ce sont ceux qui nous accompagnent sur notre chemin qui nous in...