New York Jour 397

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Loa et moi marchons sur un ponton, le vent joue avec ses cheveux de façon poétique alors que les miens s'emmêlent, me gênent, me griffent le visage. Nous arrivons devant une barrière, elle s'y penche mais moi je monte dessus, elle me regarde effrayée.

-Descends Louna tu risques de tomber !

-Ne t'inquiète pas j'ai l'habitude des chutes.

-Ouais j'ai cru comprendre.

Si tu savais Loa, si tu savais à quel point le vide m'attire.

Je m'assois sur le rebord de la barrière mais ne descends pas, je pourrais sauter mais je n'en fais rien. C'est ma sensation préférée.

-Louna, pourquoi tu fais ça ?

-Faire quoi ?

-Ça ! Te mettre en danger dès que possible, chaque fois que tu peux tu te met en hauteur, c'est super dangereux. Pourquoi tu fais ça ? Imagines un peu ce que je ressentirais si tu tombais.

-Tu veux la réponse officielle ou la réponse officieuse ?

-Les deux.

-Selon ma famille je suis accro à l'adrénaline, c'est pas faux dans un sens. Mais pour moi c'est pas ça. Je me tais un instant pour profiter de ce dernier moment où il n'y a que moi qui sait quelque chose. Écoutes Loa tu es la première personne à qui je vais dire ça, ne m'en veux pas après s'il te plaît.

-Pourquoi je t'en voudrais ?

Je ris nerveusement.

-Et bien tu as devant toi une folle, une folle qui a besoin d'être au bord de la mort mais qui ne fait que la regarder, une folle qui aime avoir cette possibilité de mourir. Elle aime ça pour tellement de raison, premièrement parce qu'elle a le choix et deuxièmement parce que le jour où elle voudra mourir elle ne ressentira aucune peur. Tu as devant toi une folle qui aimerait rejoindre les étoiles, une folle qui s'imagine être la fille de la nuit : parfait mélange du silence et de la lune. Tu as sous tes yeux une cinglée, une tarée, une pétée du ciboulot, une folle tout simplement.

Elle ne dit rien alors que quelques larmes brouillent sa vue, je ne bouge pas. Je ne me sens pas capable de la rassurer.

-Tu as raison, tu es complètement tarée. Je ne sais même pas ce que je fais encore là.

Elle se tait pendant plusieurs longues minutes, je me remet debout sur la barrière et marche sur le bois mouillé, comme ça glisse bien, j'enlève mes chaussures et reste pieds nus malgré le froid qui engourdit tout mon corps étrangement léger.

Le vent me pousse en arrière, loin du vide, loin des paroles de Loa qui me semblent bizarrement normales, les vagues qui s'écrasent plus bas viennent me frapper pour que je recule mais leur chant m'appelle au grand saut. Le soleil se cache derrière une brume épaisse, les grattes ciel de New York défient les nuages, Loa pleure encore mais beaucoup moins. Elle regarde ses larmes tomber vers les vagues.

-Une goutte dans l'océan n'est qu'une autre parmi des milliards de milliards. Dit-elle.

-Sauf que cette goutte est une de tes larmes, elle est différente.

-Pourtant elle est salée et composée d'eau, comme la mer.

-Oui... elle reste quand même différente. Comme toi tu es comme l'océan, puissant, infini, profond, parfois froid, parfois chaud, protecteur et sauveur, maison et tombe, liberté et cage, dévastateur et créateur. Tu es l'océan Loa mais en même temps tu es le vent: vif et abus de liberté, ami et ennemi. Tu es la terre : sage et réfléchie. Tu es le feu : ardent et provocateur. Tu es le ciel : brillant et infinie. Tu es la vie : incompréhensible et incroyable.

NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant