Nulle part-tout le temps

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Un revolver dans les mains, le canon sous le menton, je sens le froid du métal sur ma peau, le poids de l'arme entre mes mains, la chaleur du bois de la crosse dans mes paumes, mes cheveux frôlant le haut de mes épaules. Pourtant je me vois, comme si ce corps face à moi était celui d'une autre, je vois le fusil sous sa mâchoire, ses yeux embués, ses boucles brunes flotter lentement comme si une légère brise jouait à les faire danser. 

Et tout ce qu'elle ressent, je le ressens également, la peur, l'hésitation, l'envie terrible d'appuyer sur la détente, d'en finir avec tout ce vide, cette tristesse envahissant son cœur. Je ressens tout puisque tout ces sentiments sont les miens. 

Et puis un déclic dans le fond de son esprit, mon esprit, c'est bon, le choix est fait. La scène se déroule au ralentis : son index appuie sur la détente, le mécanisme se met en place. Clic.

Une explosion dans le canon. Boum.

La balle qui file droit dans son crâne, défonçant la mâchoire, continuant sa course dans le haut de sa tête, ressort derrière dans une explosion de chaire, sang et cervelle. 

Tout va si lentement que je peux suivre la chute d'un morceau de sa boite crânienne vers le sol aussi noir que le plus profond des puits sans fond. Tout est sombre autour de nous, je la regarde mourir sans rien faire, je la sens toujours aussi vide, aussi triste, aussi... morte. 

Une goutte de sang coule sur son front, je sais déjà que l'arrière de sa tête n'est plus qu'un trou béant, je sens le sang couler sur ses épaules, le long de ses boucles s'alourdissant du liquide foncé. L'odeur acre du métal se répand dans l'air, se mêlant à celle de l'explosion et de la chair calcinée. 

Et je ne fais rien. 

Je ne bouge pas, ne cligne pas des yeux, ne regarde pas ailleurs. 

Mes yeux sont fixés sur ce corps sans vie. Impossible de savoir si je l'envie ou non. Impossible de savoir si je préférerais être à sa place ou non. Et en même temps ce vide en moi semble me hurler de prendre le revolver encore dans les mains de mon autre moi, d'écarter ses doigts de la détente et de placer son canon luisant de rouge sur ma tempe pour abandonner à mon tour. 


Pdv Josh :
Flash back, après la dispute avec Louna.

J'ouvre les yeux dans cette chambre d'hôtel aux murs jaunâtres, je n'ai pas fait attention à l'endroit où j'ai passé la nuit quand je suis arrivé hier soir, trop bourré. Mon crâne me lance terriblement, il me faut une aspirine. L'alcool n'a même pas joué son rôle d'anesthésiant, mon cœur semble encore et toujours brisé et irréparable, pourtant tout est de ma faute, je mérite de souffrir autant...

L'image de Louna m'ordonnant de quitter l'appartement revient lacérer ce qui reste de mon âme. Elle était si en colère, déçue, si déçue... ça doit être ça le pire, je l'ai déçue parce que j'ai été faible, je l'ai trahi, j'ai piétiné sa confiance en moi. Toutes ces heures passées à tenter d'accepter mes sentiments pour elle, de prendre sur moi pour me déclarer, toutes ces épreuves que nous avons subit, tous ces obstacles que nous avons franchi mains dans la main, je les ai tous diminué au simple rang d'inutilités, tout ça ne vaut plus rien. Parce que je l'ai déçue.

J'aimerai tant revenir en arrière, effacer mes erreurs, revenir à ce soir dans ce bar miteux dans cette ville miteuse aux abords de L.A, avec cette bière trop amer, la musique trop forte, les odeurs de transpiration, la lumières donnant une lueur fade à tout ce qui se trouvait là. J'aimerai y revenir et me forcer à ouvrir les yeux sur ce monde flétri où Louna et moi ne nous parlons presque plus, me forcer à me rendre compte à quel point j'ai besoin d'elle, de nous deux, ensemble. Me faire comprendre que ce n'était pas de proximité avec quelqu'un dont j'ai besoin mais de sa proximité à elle, sa voix, ses mains, son odeur, son rire.

NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant