Épisode 158 : Regrets

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Au début du voyage je m'étais plainte de passer la trentaine et de vieillir.

Mais Sasha Braus n'allait jamais vieillir. Sa vie s'était achevée...

À vingt ans.

Assise par terre, contre la porte de mon compartiment dans l'obscurité, j'enfouis mon visage dans mes mains. Le sang y avait séché.

Cette fois, contrairement à Erwin dont je n'avais jamais vu le cadavre pour faire mes derniers adieux, j'avais assisté à la fin de Sasha.

Sasha et son accent de campagne. Sasha et son don pour la chasse. Sasha et son adoration pour la nourriture et les pommes de terre. Sasha et sa gentillesse incarnée qui avait plusieurs fois joué avec Kuchel quand nous nous étions croisées en ville et sa maladresse avait bien fait rire Kuchel. Sasha qui était allée chasser et avait offert de la viande pour le premier anniversaire de Kuchel justement. Sasha qui avait toujours été l'une des premières personnes à venir me saluer quand je venais voir les camps des bataillons. Et avec qui je n'avais jamais eu aucun mal à papoter.

Et lorsque je réalisais que jamais plus je ne pourrais entendre son accent, sa voix, son excitation pour les buffets... Mes lèvres laissèrent échapper un sanglot amer et douloureux. Je n'avais pas le droit de pleurer pourtant. Je n'avais pas réussi à la sauver. C'était en partie de ma faute. Malheureusement, même les médecins ne pouvaient sauver tout le monde.

Je pensais alors à Sirus. Ça allait être terrible pour lui. Pendant toutes ces années il avait été amoureux d'elle et l'avait silencieusement aimé à sa façon. Et maintenant il l'avait perdue pour de bon. Je devais aller le voir. Je devais le soutenir. Je devais l'aider à affronter cette épreuve. Mais mon corps ne voulait pas bouger.

C'était pareil pour Rivaille. Il avait perdu sa camarade. Sasha avait été un membre à part entière de l'escouade Rivaille depuis quatre ans... C'était la plus longue durée de vie d'une escouade. Et ce soir, il avait essuyé une autre perte. J'aurais dû aller le voir, et faire mon devoir. Même si ça n'allait plus fort entre nous.

Mais j'en étais incapable.

La vérité était que, sous mes larmes, ma douleur et les reproches que je faisais à moi-même... J'étais pétrie de honte.

Je voulais juste m'enterrer six pieds sous terre.

- Nausha.

Je sursautais brusquement. C'était la voix de Rivaille qui m'avait appelé derrière la porte.

Sans réponse de ma part, il continua.

- Ouvre-moi.

Il ne manquait plus que ça.

J'avais indirectement tué sa camarade. Il m'avait demandé de protéger les bataillons et j'avais échoué. De quoi allait-il me traiter maintenant ?

- Va-t-en ! M'efforçais-je d'articuler, tremblante.

Mais à bout de force, épuisée, je lâchais un autre sanglot contre mon gré. Il y eut un petit silence de quelques secondes avant qu'il ne m'adresse à nouveau la parole.

- S'il-te-plaît, insista-t-il plus fermement derrière la porte.

Mon dieu.

Je me levais finalement et lui ouvris la porte. Je sentais qu'il n'allait pas partir si je n'obéissais pas de toute façon. Je m'étais mariée à plus têtu que moi.

L'éclairage du couloir pénétra doucement ma cabine et je vis Rivaille debout devant moi. Il avait une expression calme au visage mais ses rides et ses cernes s'étaient prononcés sous ses yeux aciers. On se fixa quelques secondes jusqu'à ce qu'il baisse les yeux et que je regarde ailleurs.

[SNK - LEVI X OC] GUERRE ET PAIXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant