Chapitre 71

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         Nous sommes le 3 février. Jenifer a passé une bonne partie de la journée d’hier à dormir. Il est maintenant midi et elle s’est réveillée il y a quelques heures déjà. Elle a lancé une série depuis un certain temps maintenant, mais elle ne la regarde pas. Elle voit les images défiler, seulement, son esprit est ailleurs. Assise sur son lit, elle réfléchit. Hier, elle était heureuse de revoir Sébastien. Il lui avait manqué. Mais depuis ce matin elle a une boule au ventre à l’idée d’aller chez lui ce soir. Ce n’est pas lui le problème. Il est vraiment adorable. Non, le problème c’est Alice. Que va-t-elle encore trouver à lui reprocher ce soir ? Vraiment, aujourd’hui Jenifer n’est ni d’humeur à encaisser des remarques, ni à y répondre. La semaine qu’elle vient de passer a été tellement éprouvante qu’elle a juste envie de rester tranquillement allongée, sous un plaid avec un chocolat chaud en regardant une série. C’est d’ailleurs ce qu’elle tente de faire depuis maintenant une bonne heure. Sauf qu’elle n’est pas restée couchée longtemps, sa réflexion l’a tellement agitée qu’elle a fini par s’asseoir au bout de son lit. Puis elle a retiré son plaid. Le stress, ça lui donne chaud et froid en même temps. C’est une sensation très étrange. Pour finir, elle n’a aucune idée de quoi parle la série qu’elle regarde et son chocolat chaud a été remplacé par du café puisqu’elle n’avait plus de lait. On est bien loin du moment cosy qu’elle avait imaginé dans sa tête. Elle commence à se dire qu’elle devrait annuler pour ce soir. Mais elle va bien devoir affronter Alice à un moment. Ou expliquer à Sébastien. Mais la simple idée de repousser ce moment apaise la douleur qu’elle a au ventre. En même temps, son beau brun lui manque terriblement et elle a sincèrement envie de le retrouver. Elle peut peut-être se débrouiller pour le voir uniquement quand Alice est chez ses amis. Ça règlerait le problème définitivement. Enfin, non, mais au moins pour une durée assez longue. Le problème de cette solution, c’est qu’il faudrait qu’elle sache quand Alice n’est pas là. Et ce n’est pas le genre de question qu’elle peut poser à Sébastien. Il finirait par comprendre qu’elle évite sa fille. Et là, ce serait elle la méchante. Une sonnerie la sort de ses pensées. Elle met quelques secondes à comprendre que ça vient de son téléphone. Son beau brun l’appelle. Aie. Qu’est-ce qu’elle va lui dire ? Ça y est, la boule se reforme dans son ventre.

-        Allo ? dit-elle fébrile.
-        Coucou mon chat. Comment tu vas ? demande Seb.
-        Ça va bien et toi ?
-        Ça va. Tu ne t’ennuies pas trop toute seule dans ton appartement ?
-        Non. Tu sais, je ne fais que dormir, alors je ne vois pas le temps passer, rit-elle. Mais tu n’es pas censé travailler toi ?
-        Si, mais je suis en pause. Il est midi Jen.
-        Ah déjà ?
-        Effectivement, tu ne vois pas le temps passer, rit-il. En tous cas, moi je le vois. Ça commence à faire long sans toi, tu me manques…
-        Oh, mais tu sais… On s’est vus hier, dit-elle essayant d’esquiver le sujet des retrouvailles.
-        Oui, mais ce n’était pas pareil. On a mangé en dix minutes et tu dormais à moitié, soupire-t-il.
-        Désolée, rit-elle.
-        Non mais ne t’excuse pas. Bon sinon, je viens te chercher en sortant du cabinet. Ça te va ?
-        Euh… Hum… Je… Tu sais, je suis fatiguée. Je préfère me reposer encore un peu si ça ne te dérange pas.
-        Mais tu m’as dit que tu ne faisais que dormir depuis hier. Ce n’est pas normal que tu sois encore fatiguée.
-        Non, mais si… Tu sais… Les Enfoirés c’est épuisant. Puis cette année, avec les enfants, tout ça… Ça l’était encore plus.
-        Jen, tu es sûre que ça va ? Tu as une voix bizarre.
-        Oui, oui, ça va. Je suis juste fatiguée ne t’inquiète pas.
-        Tu ne veux pas que je passe te voir ce soir ? Je ne reste pas longtemps, promis. Mais au moins que je vérifie si tu vas bien.

Celle-là elle ne l’avait pas vue venir. Elle aimerait lui dire oui, puisque s’il vient, il sera seul. Mais elle ne pourra pas profiter réellement de lui. Puis, surtout, il va très vite constater qu’elle lui a menti et que ce n’est pas la fatigue le véritable problème. Elle bégaie rapidement une réponse pour qu’elle semble être la plus naturelle possible.

-        Euh… Non, vraiment ne t’inquiète pas. Tout va bien je t’assure. C’est comme ça tous les ans. Puis, quand tu sortiras du travail je dormirai certainement. Non sincèrement ne t’embête pas, tout va bien.
-        Ok, comme tu veux… Mais si tu changes d’avis, appelle-moi.
-        Merci, souffle-t-elle.
-        On se voit quand alors mon chat ?
-        Je ne sais pas. J’ai besoin de me reposer quelques temps.
-        Quelques temps ? C’est-à-dire ?
-        Non, mais… Enfin… Ce ne sera pas long. Bon, je vais devoir te laisser, bisous, je t’aime, dit Jen en sentant le stress monter en elle.
-        Euh, ok, bisous… dit Seb avant d’entendre qu’elle venait de raccrocher.

Il soupire en déposant son téléphone sur la table. Il est en salle de pause et il s’apprêtait à manger. Mais cet appel vient de lui couper tout appétit. Elle vient de lui raccrocher au nez ou c’est une impression ? Pourquoi avoir mis fin à cet appel si brusquement ? Comme si elle voulait cacher quelque chose. C’est étrange. Hier, tout s’est bien passé pendant le repas. Elle riait et avait l’air contente de le voir. Elle avait l’air fatiguée, c’est vrai, mais pas au point de dormir plusieurs jours d’affilé. Mais là, elle était bizarre au téléphone. Comme si elle cherchait des excuses pour ne pas aller chez lui. Quel est le problème ? Elle ne veut plus de lui ? Elle ne l’aime plus ? Peut-être qu’elle ne l’a jamais aimé. Si ça se trouve sa fille a raison depuis le début. On dit que la vérité sort de la bouche des enfants. Bon, Alice a 13 ans, peut-on encore la considérer comme une enfant ? Tout d’un coup, la conversation qu’il a eue avec Jenifer hier lui revient en tête. Les hommes qui la raccompagnent quand elle est bourrée. Et si elle l’avait trompé ? Elle lui a juré que ce n’était pas le cas. Mais elle avait bu et elle ne s’en souvenait peut-être pas hier. Mais quelqu’un aurait pu le lui rappeler et ça expliquerait son comportement. Il se met à secouer sa tête de gauche à droite pour se sortir ces idées du crâne. Non. Sa belle ne ferait jamais ça. Il faut qu’il arrête d’écouter les bêtises d’Alice. Il faut dire que cette dernière a bien profité de l’absence de Jenifer pour bourrer le crâne de son père avec ses pensées farfelues. Durant toute la semaine elle lui a rabâché que la chanteuse ne pouvait pas l’aimer. Il a même commencé à se sentir vexé. Il n’est pas assez bien pour elle ? C’est ça que pense sa fille ? C’est pour ça qu’elle doute autant ? Mais il ne lui a rien dit. Il évite les conflits avec Alice. Ils ont traversé des moments difficiles ensemble et ils doivent rester soudés quelle que soit la situation. Mais aujourd’hui, le problème c’est Jenifer. « Quelques temps », il la réentend prononcer ces mots. Heureusement qu’il ne mangeait pas, sinon il se serait étouffé. Le début de l’appel lui avait déjà paru étrange. Mais là, quand elle a prononcé cela, il a compris qu’elle cachait quelque chose. Que ce n’était pas normal. Et puis « quelques temps » ça veut dire quoi ? Si c’était bientôt elle aurait dit « quelques jours » mais là, non. Il ne comprend vraiment rien. Il devrait arrêter d’y penser, parce que son cerveau ne peut pas s’empêcher de se faire des films. Et il risque de lui en vouloir pour des choses qu’elle n’a pas faites. Peut-être qu’il s’inquiète pour rien. Elle est simplement fatiguée et elle a besoin de calme. Ce serait normal en y repensant. Elle qui est toujours à fond, elle a bien mérité quelques jours de repos.

Y'a comme un hic [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant