Chapitre 94

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         Il est 19 heures quand Sébastien rentre du travail. Il dépose ses affaires dans l’entrée et va embrasser sa belle, assise sur le canapé.

-        Coucou mon chat, ça va ? demande-t-il.
-        Coucou, ça va et toi ?
-        Oui, c’est le week-end. On va pouvoir faire des trucs en famille, sourit-il.
-        Ah oui ? Tu veux faire quoi ? demande-t-elle intriguée.
-        Je ne sais pas, passer du temps avec Alice et toi.

Jenifer sourit et l’embrasse tendrement quand Alice descend le pas lourd. Sébastien se retourne et sourit à sa fille.

-        Coucou Lili ça va ? demande-t-il.

Alice court dans les bras de son père, comme une furie et se met à hurler. On dirait qu’elle est à deux doigts de pleurer.

-        Papa ! Jenifer, elle est venue me chercher… et… j’étais en retard parce que j’attendais Laura qui avait un problème… et… elle m’a crié dessus…

Ne voyant aucune réaction de la part de son père, elle repense à ce que sa meilleure amie a dit un peu plus tôt dans la journée. Elle poursuit alors, assez rapidement pour éviter à Jenifer de démentir.

-        Et elle m’a tapée ! hurle Alice.
-        Comment ça elle t’a tapée ?! s’indigne Sébastien.
-        Quoi ?! Mais non, pas du… commence Jenifer.
-        Attends, tu te proposes pour aller chercher ma fille et tu la frappes juste parce qu’elle est un peu en retard ?! Tu te fiches de moi là ?! hurle Sébastien. Tu n’as aucun droit sur elle, je t’interdis de lui toucher un seul cheveu.
-        Non mais, je ne l’ai pas touchée, crie Jen pour se faire entendre.

Sébastien semble fou de rage. Alice, derrière lui, jubile. Elle est en train de gagner. Et elle le sait. Elle regarde son père s’approcher de Jenifer. Il a les poings serrés, comme s’il s’apprêtait à lui mettre un coup dans le visage. La jolie brune prend peur et recule rapidement, tandis que son homme, lui, ne s’arrête pas et s’avance vers elle.

-        Tu es en train de traiter Alice de menteuse là ?! Vraiment ?! Putain ! hurle-t-il. J’avais bien raison de m’inquiéter ce matin. J’avais un mauvais présentiment, ça ne trompe jamais. Je n’aurais jamais dû te laisser cette responsabilité-là. Tu fais ça aussi avec Robin et Adèle ?! Tu les frappes quand ils ne font pas tout exactement comme tu veux ?!

Jenifer a les larmes aux yeux, mais elle tente tant bien que mal de les retenir. Elle ne comprend vraiment pas la situation. On l’accuse de quelque chose qu’elle n’a pas commis et personne ne veut l’écouter quand elle essaie de parler. Elle se sent impuissante face à la scène qui se déroule sous ses yeux. Puis, elle se sent en trop ici, dans cette maison qui n’est pas la sienne. Elle restait là parce que Sébastien l’aimait. Mais là, il ne l’écoute même pas et il va probablement finir par la mettre à la porte, comme Jimmy. C’est leur première grosse dispute et voilà qu’elle a peur qu’il la frappe. Elle lit tellement de haine dans ses yeux. Alors sans pouvoir rien contrôler, elle éclate en sanglots. Elle est adossée au mur de l’entrée. Sébastien continue d’hurler, mais elle ne comprend pas ce qu’il dit. Elle ne l’entend plus. Elle se sent comme ailleurs. Alors quand elle voit la porte d’entrée, elle se dirige vers elle sans vraiment réfléchir. Mécaniquement, elle prend son sac à main et son manteau, puis elle s’en va. Au milieu des hurlements, elle distingue seulement un : « Ouais c’est ça, casse-toi ! ». Puis la porte claque derrière elle. La voilà seule dans la rue. Il fait nuit. Et froid. Elle met son manteau et commence à marcher. Pour aller où ? Elle n’en sait rien. Elle veut réfléchir tranquillement à tout ça. Alors elle souffle doucement pour calmer ses sanglots. Pourquoi Alice a menti comme ça ? Pourquoi elle la déteste autant ? Jenifer essaie de remettre tous les éléments dans l’ordre. Qu’est-ce qu’elle a appris ? Bon, l’adolescente lui a dit qu’elle n’était pas une bonne personne. Mais pourquoi ? Est-ce que Jenifer a fait quelque chose de mal ? Ou est-ce en rapport avec Sébastien ? Elle veut peut-être simplement passer du temps avec son père tranquillement. Ou alors le problème c’est sa mère. Elle a peut-être du mal avec les figures féminines depuis que Sandrine a quitté son père. Les pensées de Jenifer semblent brouillées. Même en se concentrant, elle n’arrive pas à comprendre son comportement. En tous cas, elle en connait une qui doit se réjouir de son départ. Alice attendait depuis tellement longtemps qu’elle parte, qu’elle a dû sauter de joie en voyant la Corse passer la porte. Cette dernière continue à marcher. Sans aucune direction précise. Pour tout dire, elle n’a aucune idée d’où elle se trouve actuellement. Plus elle avance, plus elle semble se rapprocher du centre de Paris. Les lumières de la ville éclairent les gouttes de pluies s’écrasant au sol. L’eau se mélange aux larmes qui dévalent toujours les joues de la belle brune. Elle pense à sa relation avec Sébastien. Est-ce qu’il voudra toujours d’elle après cette histoire ? Est-ce qu’il voudra bien l’écouter quand elle rentrera ? Ah oui, tiens, est-ce qu’elle doit rentrer ? Ou ne vaut-il pas mieux qu’elle aille dans son appartement, au moins ce soir ? Tant de questions se bousculent dans sa tête. Et elle n’a évidemment pas les réponses. Elle continue à déambuler en regardant le trottoir défiler sous ses pieds. Comme si celui-ci allait lui dire quoi faire. En relevant la tête elle voit un peu plus loin un petit parc avec des bancs. Elle devrait peut-être y aller. Elle pourrait s’asseoir pour réfléchir. Puis, elle commence à avoir mal aux jambes à force de marcher aussi vite. Ça fait combien de temps qu’elle est dehors ? Elle n’en a aucune idée. Elle a l’impression que ça fait une éternité. Mais au vu de la luminosité, ça ne doit faire qu’une petite heure qu’elle a quitté son domicile. Enfin, si c’est toujours son domicile. Fatiguée, elle décide finalement de rejoindre le parc. Elle s’arrête au bord du trottoir pour traverser la route. Elle regarde de chaque côté, aucune voiture n’arrive. Elle pose un pied sur la route et avance tranquillement sur le passage piéton. Elle a passé la première moitié de la route quand elle entend une voiture arriver très rapidement sur sa droite. Elle tourne la tête, mais il est trop tard. Le véhicule vient de la percuter. Le choc est violent et ses pieds se détachent du sol. Elle roule au-dessus de la voiture et vole presque. Maintenant plus aucun de ses membres ne touche quelque chose. Tout va très vite, pourtant, elle a la sensation que cela dure une éternité. Elle retombe au sol, sur le dos. Le choc entre le goudron et la chanteuse laisse échapper un bruit sourd. Des passants se retournent, tandis que d’autres, ayant entendu le premier choc, regardaient déjà, effarés, la scène. Les parents cachent les yeux de leurs enfants pour qu’ils ne voient pas le corps de Jenifer, étalé au sol. La respiration coupée. Ne montrant aucun signe de vie. La voiture est partie, le bruit du moteur laissant place à un silence pesant.

Y'a comme un hic [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant