Chapitre 95

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        Il est 20h30. Sébastien et Alice viennent de terminer leur repas. Il s’est déroulé en silence. Aucun des deux n’osant dire quelque chose. La dernière phrase prononcée dans cette maison est celle de Sébastien à l’intention de Jenifer.  « Ouais c’est ça, casse-toi ! ». Puis la porte a claqué et depuis, plus rien. Peut-être sont-ils devenus sourds ? Le beau brun décide de briser le silence.

-        Je suis désolé Lili qu’elle t’ait frappée.
-        Ce n’est pas grave papa, ce n’est pas ta faute. Maintenant qu’elle est partie, on va l’oublier et passer à autre chose.
-        Non mais elle va revenir. Elle a simplement dû partir prendre l’air, dit-il.
-        Papa, ne te fais pas de faux espoirs. Tu sais, la dernière fois aussi tu pensais que maman reviendrait. Puis… ça fait 5 ans et elle n’est toujours pas là.

Sébastien sent des larmes monter dans ses yeux. Est-ce que c’est l’évocation de Sandrine qui l’émeut ? Ou est-ce l’idée que Jenifer ne revienne jamais ? Il ne sait pas. Il n’arrive plus à réfléchir. Les larmes commencent à couler alors rapidement, il se lève et débarrasse la table. Il ne veut pas qu’Alice le voit pleurer. Ce ne serait pas la première fois. Mais cette fois-ci, il sera fort. Il commence à ranger les affaires dans la cuisine quand sa fille vient le prendre dans ses bras.

-        Ne t’inquiète pas papa, moi je ne t’abandonnerai pas, dit-elle.
-        Je sais Lili, souffle-t-il.
-        Tu sais, j’ai essayé de te le dire qu’elle était comme maman, mais tu n’as rien voulu entendre. Je voulais juste te protéger.
-        S’il te plait Lili, arrête. Elle va revenir, dit-il.
-        On verra bien. Mais évite de trop espérer s’il te plait, dit-elle en lui déposant un baiser sur la joue. Je vais me coucher, j’ai équitation demain matin.
-        Ah oui c’est vrai, bonne nuit Lili, fais de beaux rêves.
-        Toi aussi papa, je t’aime.

Il sourit et monte se coucher également. Seul dans son lit, il regarde la place vide de Jenifer. Il est toujours en colère pour ce qu’elle a fait à Alice. Il ne comprend pas son geste. Ça ne lui ressemble pas d’agir ainsi. Il l’a vue s’occuper de Robin et Adèle pendant les trois jours où ils étaient enfermés dans la station-service, et elle était loin d’être violente. Elle était même très douce. C’est bizarre qu’elle ait frappé Alice. Surtout qu’elle a nié tout de suite. Elle avait même l’air surprise de ces accusations. Il se souvient de la tête qu’elle avait quand il lui a crié dessus. Il a vu dans son regard de la peur. Beaucoup de peur. C’est vrai qu’il a la voix assez grave et assez puissante quand il crie. Mais même Alice quand elle avait 5 ans n’a jamais eu peur comme ça de son père. Est-ce qu’elle a pensé qu’il pouvait être violent ? Non, quand-même pas. Elle le connait trop pour savoir qu’il ne ferait pas de mal à une mouche. Sébastien ferme les yeux pour arrêter d’y penser mais les images lui reviennent sans cesse. Son regard. Elle avait peur, oui, mais pas seulement. Elle était perdue. Mais pourquoi ? Quand tu frappes un enfant qui n’est pas le tien tu t’attends quand même à te faire engueuler par ses parents, non ? À moins qu’elle n’ait pas menti et qu’elle n’ait jamais touché Alice. Si c’est le cas, tout son comportement est cohérent. Mais cela voudrait dire que sa fille lui a menti. Mais pourquoi aurait-elle fait ça ? Elle sait à quel point il aime Jenifer. Et elle sait également à quel point il a été malheureux quand Sandrine l’a laissé. Alors pourquoi vouloir faire fuir la femme qui le rendait heureux ? Non. Impossible qu’Alice lui ait menti. Ce n’est pas son genre. Il ne l’a pas élevée comme cela. Sébastien finit par se retourner dans le lit. Il en a marre de réfléchir. Il veut dormir. La journée a été longue. Une fois tourné, il ferme les yeux. Par reflexe, comme tous les soirs, il cherche les pieds de Jenifer dans le lit pour les lui réchauffer. Il ouvre brusquement les yeux. Elle n’est pas là. C’est vrai qu’il y est peut-être allé un peu fort avec elle.  Il aurait dû au moins la laisser s’exprimer. Après tout, si elle a frappé Alice, elle avait peut-être une raison. Sa fille a peut-être légèrement modifié la réalité à son avantage. Mais ce soir, il voulait réellement que sa compagne comprenne qu’elle n’a pas le droit de toucher à l’adolescente. Et elle l’a bien compris, c’est certain. Mais il en a peut-être un peu trop fait. Surtout qu’il ne connait absolument pas les circonstances, ni le déroulé de la situation. Il commence à s’en vouloir. Alors il prend son téléphone et regarde s’il a des nouvelles de sa belle. Aucun sms ni appel manqué. Il commence alors à taper un message d’excuses. Mais, rapidement il l’efface. À l’heure qu’il est, elle ne devrait plus tarder à revenir. Il commence à être tard et il fait assez froid dehors. Sachant que toutes ses affaires sont ici, il serait étonnant qu’elle aille à son appartement. Dans tous les cas, il préfère la laisser réfléchir calmement de son côté et s’expliquer avec elle quand tous les esprits se seront calmés et reposés. Il entend des pas dans les escaliers. C’est probablement Jenifer qui est rentrée. Alors il ferme les yeux, faisant semblant de dormir. Il n’a pas envie de l’affronter maintenant. Puis ils risqueraient de réveiller la petite blonde en se disputant. Il attend quelques instants avant de rouvrir les yeux. Personne n’est entré dans sa chambre. Ce n’était donc pas sa belle ? Non, ce n’était qu’Alice qui retournait dans sa chambre. Elle était descendue s’aérer l’esprit. Elle non plus ne trouve pas le sommeil. Elle a menti à son père et elle commence à le regretter. Il lui fait confiance et elle le trahit. Comment il va réagir quand il va l’apprendre ? Non, il ne l’apprendra pas. Comment pourrait-il l’apprendre ? Seule Jenifer le sait, mais elle est partie. C’est peut-être le seul point positif de cette soirée. Et encore. Alice ressent des sentiments plutôt contradictoires à ce propos. D’un côté, elle est contente d’avoir eu raison. Elle le savait et elle a bien fait de ne pas lui faire confiance. Elle ne regrette en rien les propos méchants qu’elle lui a tenus. Mais d’un autre côté, au fond d’elle, elle espérait qu’elle reste. Elle avait envie de cette famille que pouvait lui offrir Jenifer. Sans le vouloir, elle s’était déjà attachée à elle. Et elle vient de gâcher son dernier espoir d’être heureuse. Puis, voir son père aussi mal, la rend malheureuse. Elle sait que c’est sa faute. Quand il a claqué la porte derrière la chanteuse, elle a vu le visage de Sébastien se décomposer. Comme s’il était en train de réaliser ce qu’il venait de se passer et la situation dans laquelle il était. Maintenant il est persuadé qu’elle va revenir. Mais Alice en est sûre, elle ne reviendra pas. Elle le sent. Elle se tourne dans son lit et commence à réfléchir à comment ils vont aborder leur nouvelle vie, son père et elle. Ils vont devoir se réhabituer à vivre tous les deux. Sans les petits plats de Jenifer. Sans ses rires et sa bonne humeur. Sans son énergie débordante. Sans sa passion pour le ménage qui en est presque agaçante. Sans sa gentillesse excessive. Sans elle quoi. Parce que c’est fini. Elle ne reviendra pas.

Y'a comme un hic [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant