Chapitre 93

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         Il est 14h30. Jenifer vient de quitter le studio d’enregistrement. Elle est dans sa voiture et se dirige vers le collège d’Alice. Elle n’y est encore jamais allée. Il ne faut pas qu’elle se perde. Elle risquerait d’être en retard. Alors elle essaie de se concentrer sur la route, mais c’est difficile pour elle. Déjà qu’en temps normal, la concentration n’est pas son point fort, mais aujourd’hui c’est une catastrophe. Franck n’a pas cessé de lui crier dessus toute la matinée. Mais ce n’est pas sa faute. Elle stresse. C’est vrai, elle va chercher Alice au collège. Ce qui veut dire qu’elles vont devoir rester ensemble au moins le temps du trajet. C’est-à-dire, une bonne demi-heure. Ce lapse de temps est largement assez long pour que l’adolescente lui balance des horreurs au visage. Pourtant ce matin, aller la chercher semblait être une bonne idée pour la jolie brune. Elle s’est dit que ce serait l’occasion de parler un peu avec elle. Mais réflexion faite, ce n’était peut-être pas l’idée du siècle. De toute façon il est trop tard pour changer d’avis, elle vient d’arriver devant le collège. Elle trouve une place pas trop éloignée de l’entrée pour qu’Alice la trouve facilement, puis elle attend. Peu de temps après, Jenifer, toujours dans sa voiture, voit la petite blonde sortir du collège avec un groupe de jeunes. Ils s’appuient contre le mur et attendent. La jolie brune cherche son téléphone portable et s’apprête à envoyer un sms à Alice pour lui dire qu’elle est là, mais elle remarque que la jeune fille regarde dans sa direction avec insistance. Elle l’a vue c’est sûr. Mais elle ne vient délibérément pas. Après tout, elle veut sûrement juste discuter encore un peu avec ses amis avant de rentrer. Alors la chanteuse attend. Alice de son côté a effectivement vu Jenifer, mais elle a décidé de mettre ses nerfs à rude épreuve. Alors elle la fait patienter. Combien de temps ? Elle ne le sait pas. Mais assez pour agacer la Corse. Elle aura ainsi la preuve qu’elle n’est pas une bonne personne et son père la quittera. Elle en est certaine.

-        Oh Lili, ce n’est pas Jenifer là-bas ? demande Laura, la meilleure amie d’Alice.
-        Si, c’est elle, pourquoi ? Tu veux un autographe peut-être ?! répond froidement Alice.
-        Oh calme-toi, je ne t’ai rien fait moi. Je ne sais pas ce que tu as, mais depuis ce matin, t’es chiante.
-        Ouais, désolée, mais elle m’énerve aussi, se justifie Alice. Elle fait trop la gentille devant mon père.
-        Mais du coup, pourquoi elle est venue te chercher ?
-        Parce qu’avec la grève des bus sinon je devais attendre jusqu’à 17h30. Et comme mon père ne pouvait pas, elle est sortie plus tôt du studio pour venir me chercher, souffle Alice.
-        Oh, c’est super gentil, dit Noémie.
-        Nono ! Non, ce n’est pas gentil ! Elle fait genre, c’est tout, crie Alice.
-        Bah excuse-moi, mais moi je ne comprends pas ton délire. Elle est grave sympa avec toi et tu dis qu’elle fait genre. Mais elle est peut-être juste vraiment sympa. Tu es partie trop loin dans ta tête Lili, je te jure. En plus c’est une chanteuse. Tu devrais être hyper contente que ta belle-mère soit une chanteuse aussi stylée qu’elle, dit Noémie.
-        Tu ne comprends rien, souffle Alice.
-        Et donc, si elle est là, pourquoi tu ne vas pas la rejoindre ? demande Guillaume.
-        Pour la faire attendre.
-        Mais attends, donc ta belle-mère, elle quitte son travail plus tôt pour venir te chercher et toi tu la fais attendre volontairement ? Mais pourquoi ? demande-t-il.
-        Pour l’énerver. Comme ça, elle me crie dessus, je le dis à mon père et il la quitte, dit-elle.
-        Tu penses que ton père va la quitter parce qu’elle t’a crié dessus ? demande Noémie.
-        J’avoue, il faudrait au moins qu’elle te frappe, pour qu’il la quitte, dit Laura.
-        Mais non, vous verrez, dit Alice.
-        Mais pourquoi tu veux absolument qu’il la quitte ? demande Noémie. Je te jure Lili, on ne comprend pas.
-        Parce qu’elle va partir, c’est sûr. Elle s’en fiche de nous.
-        Donc pour toi elle s’en fiche, alors qu’elle vient gentiment de quitter son travail pour venir te chercher ? demande Guillaume. Je suis désolé Lili, mais là, je ne suis pas de ton côté. Moi ma belle-mère elle n’est pas bien dans sa tête, et je te jure que jamais elle ferait ça. Même si j’étais gravement malade et que mon père était à l’autre bout du monde, elle ne viendrait pas me chercher au collège.
-        Je suis totalement d’accord avec Guillaume. Franchement, ça ne se fait pas de la faire attendre. La pauvre, regarde, elle est toute seule dans sa voiture, dit Noémie.
-        Elle a ce qu’elle mérite, souffle Alice.
-        Vraiment, tu regardes trop de films Lili, rit Noémie. Arrête de t’imaginer des trucs.
-        Rigole, tu verras lundi, j’aurai gagné, dit Alice.
-        Tu auras gagné quoi ? Ton père l’aura quittée, il sera malheureux et vous serez encore une fois que tous les deux, seuls ? Tu n’auras rien gagné du tout Lili, tu auras encore une fois tout perdu, dit Guillaume.
-        J’aurai tout perdu si elle part et que je lui ai donné ma confiance. Or, ce n’est pas le cas, s’agace Alice.
-        Fais comme tu veux, mais la fais pas trop attendre, souffle Noémie.
-        Il est quelle heure ? demande-t-elle.
-        16 heures, répond Laura.
-        Bah, elle va attendre encore un peu, rit Alice.
-        Mais elle attend déjà depuis une heure ! s’exclame Noémie. Franchement, si elle te tue, je ne serai pas étonnée, j’aurais fait pareil.
-        Si elle me tue c’est parfait, sourit Alice.

Jenifer de son côté, commence à trouver le temps long. Cela fait plus d’une heure qu’elle attend Alice. Presque une heure et demie même. Mais l’adolescente n’a pas l’air décidée à venir. Peut-être que finalement elle attend le bus ? Cela ne serait vraiment pas sympathique de sa part de ne pas prévenir. Et puis que penserait Sébastien s’il voyait revenir sa fille en bus, alors que Jenifer devait aller la chercher ? Il ne lui ferait plus jamais confiance, c’est certain. Alors elle n’a pas le choix, elle attend qu’Alice daigne rentrer avec elle. Comme toutes les trente secondes depuis environ une heure et demie, Jenifer regarde l’heure sur son téléphone. Il est 16h44. Ça fait presque deux heures qu’elle attend. Quand elle lève les yeux, elle voit les amis d’Alice partir et cette dernière se diriger vers sa voiture. Enfin ! L’adolescente ouvre la portière et comme si tout était normal, elle se tourne vers la chanteuse et lui dit :

-        Je t’ai un peu fait attendre, mais j’étais avec mes potes.

Un peu fait attendre ?! Jenifer a quand même attendu deux heures que madame se décide à venir. Mais bon. La jolie Corse ne veut pas d’embrouille, surtout pas pendant le trajet, alors pendant qu’Alice s’attache, elle lui répond :

-        Non, mais ce n’est pas grave. Ne t’inquiète pas, je comprends.

Alice lui lance un regard noir. Elle se fiche d’elle là ? Ce n’est pas avec ça qu’elle va convaincre son père de la quitter. Elle n’a même pas haussé le ton, ni même fait ressentir une pointe d’agacement. Un silence glacial règne dans la voiture durant tout le trajet. Quand elles arrivent, elles posent leurs affaires dans l’entrée et Jenifer se dirige vers la cuisine.

-        Tu veux que je te prépare quelque chose pour goûter Alice ? demande-t-elle.
-        Tu m’énerves. Ne fais pas ta gentille, avec moi ça ne marche pas. Je te promets que ce week-end, tout va changer, crie Alice en montant dans sa chambre.

Jenifer ne comprend vraiment pas pourquoi elle ne cesse de lui répéter ça. Comme si elle était en boucle. Il faudrait peut-être que Sébastien l’emmène chez un psychologue. Mais elle ne peut pas lui suggérer, il risque de se braquer.

Y'a comme un hic [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant