Chapitre 97

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        Sébastien ouvre les yeux. Encore une fois. Cela doit être au moins la centième fois qu’il effectue ce geste depuis qu’il s’est endormi à 21 heures. Il ne cesse de se réveiller. Toujours dans l’espoir que Jenifer soit rentrée. Mais il ne peut que constater une nouvelle fois qu’elle n’est toujours pas là. Il soupire et pose sa main sur les draps, là où, habituellement, sa belle dort. Il caresse le doux tissu en pensant à elle. Des larmes viennent troubler sa vision. Déjà que de nuit, il n’y voyait pas grand-chose, alors là, il y voit encore moins. Heureusement que ses volets laissent passer un peu de lumière extérieure. Sa chambre est éclairée juste comme il faut pour pouvoir guetter le retour de sa belle. Il cligne rapidement des yeux pour laisser les larmes couler. En temps normal, il aurait essayé de les retenir. Mais à quoi bon ? Personne ne le verra pleurer, il est seul. Puis le stress, l’incertitude, la tristesse, la culpabilité… tous ces sentiments se mélangent et il ne peut les contrôler. Le seul moyen de les évacuer, c’est de pleurer. Alors il se laisse aller. Après plusieurs minutes à fixer le plafond en laissant les larmes couler, il essuie son visage du revers de sa main et se tourne une nouvelle fois vers la place qu’occupe habituellement Jenifer. Il prend l’oreiller de sa belle dans ses mains et le porte à son nez. Il a son odeur. Il sent bon. Il ne peut s’empêcher de sourire. Cette odeur lui rappelle tellement de bons souvenirs. Des moments qui paraissent anodins quand on les vit mais qui deviennent si importants quand la personne n’est plus là. Il se revoit sentir les cheveux de sa belle quand ils vont se coucher et qu’elle pose sa tête sur son torse. Ou la fois où il lui a fait pleins de tresses pour lui prouver qu’il savait les faire. Il se souvient de la douceur de ses cheveux. Et puis de leur odeur, la même que celle de l’oreiller. Il n’a jamais compris pourquoi ils sentaient si bon. Le shampooing qu’elle utilise a une odeur totalement différente pourtant. Comme si son corps fabriquait lui-même son propre parfum. Ce ne serait pas étonnant, elle a tellement de qualités. C’est surhumain. À tous les coups elle a des pouvoirs magiques. Il sourit de nouveau à cette idée. Il imagine sa belle, telle Wonder Woman, sauvant le monde. C’est peut-être ça qu’elle est en train de faire. Il l’imagine, comme Hulk, en train de soulever des voitures pour sauver des enfants. Il laisse échapper un petit rire avant de secouer la tête. Il veut sortir ces idées de son crâne. Jenifer n’est pas Wonder Woman, elle est seulement une fille super, qui a craqué et a frappé Alice. Et lui, il est seulement un pauvre type qui lui a crié dessus sans la laisser s’expliquer et qui a fait fuir la femme qu’il aime. Une nouvelle fois. Peut-être que le problème vient de lui. Il ne sait probablement pas s’y prendre avec la gente féminine. Une larme coule le long de l’arête de son nez. Pourtant il sourit en pensant à elle. Il serre l’oreiller fort contre lui. En fermant les yeux il pourrait peut-être imaginer que c’est Jenifer qui se tient là, contre son corps ? Non, ça ne fonctionne pas. Pourtant, il aimerait tellement. Il pourrait enfin dormir tranquillement. Mais il n’y parvient pas. La chanteuse hante ses pensées. Il lève les yeux vers son réveil. Il affiche 23h59. Dans une minute il est minuit. Et Jenifer n’est toujours pas rentrée. Pourtant elle est du genre à se coucher tôt, surtout quand elle a eu des journées chargées comme aujourd’hui. À tous les coups, elle est allée à son appartement pour réfléchir et elle s’est endormie. Oui, voilà c’est ça, elle s’est endormie. Et demain matin, elle sera de retour. Ils s’expliqueront et tout rentrera dans l’ordre. Après tout ce n’était qu’une dispute. Certes, c’était leur première. Mais ce n’est qu’une dispute. Quelle femme partirait juste à cause d’une dispute ? Aucune. Bon, c’est vrai que Sandrine est partie alors qu’ils ne s’étaient même pas disputés. Mais la situation est différente là. Jenifer est mature et elle reviendra. Il ferme les yeux, mais les mots de sa fille lui reviennent en tête. Alice pense que sa belle ne reviendra pas. Et si elle avait raison ? Beaucoup d’enfants ont un genre de sixième sens. Comme s’ils captaient les émotions des autres. Mais Alice a 13 ans. Pour être sûr qu’elle a raison il faudrait demander à Robin et Adèle. Eux ils sont encore considérés comme des enfants. Il pourrait peut-être les appeler ? Non mais qu’est-ce qu’il raconte ? Ça suffit, il faut que son cerveau se taise. Sinon il ne pourra jamais dormir. Il se tourne plusieurs fois dans le lit. Il ne trouve pas de position confortable. Il faut dire que ça faisait un petit moment qu’il n’avait pas dormi seul. Depuis l’incendie. En temps normal, il dort sur le dos et Jenifer se met contre lui. Mais sans elle, ce n’est pas pareil. Tout l’intérêt de cette position disparait. Il n’a plus personne à serrer contre lui. À moins qu’il aille emprunter une peluche à Alice. Mais elle doit dormir. Puis c’est ridicule. À 38 ans, on ne dort plus avec des doudous. Agacé de ne pas réussir à trouver le sommeil, il finit par se lever. Il sort de sa chambre et se dirige vers les escaliers. Il descend les marches une à une et arrive dans le salon. Il commence à espérer que Jenifer se soit endormie sur le canapé. C’est vrai que ça pourrait être le cas. Elle serait rentrée tard et voyant toutes les lumières éteintes elle se serait couchée sur le canapé pour éviter de les réveiller. Ou alors, elle serait rentrée agacée et ne voulant pas dormir avec Sébastien, elle se serait endormie dans le salon. Le second scénario lui convient moins, mais il est probable. Il fait assez sombre, il ne voit pas le canapé. Alors il s’approche, doucement. Son cœur accélère. Il s’accroupit et fronce les sourcils pour y voir mieux. Elle n’est pas là. Il souffle. Il se dirige alors vers la cuisine pour boire un verre d’eau. Mais en passant devant l’entrée il s’arrête quelques secondes. Il pourrait aller la voir. Chez elle. Pour s’assurer qu’elle va bien, et surtout, qu’elle ne va pas le quitter. Non, c’est une mauvaise idée. Il ne va pas débarquer chez elle en pleine nuit pour lui demander si elle compte revenir. Ça aggraverait probablement la situation, puis il vaut mieux qu’il la laisse se reposer calmement. Il passe donc son chemin et se sert un verre d’eau. Il le boit lentement en regardant par la fenêtre de la cuisine. Il fait nuit noire dehors et la lune n’éclaire quasiment pas. Il repose son verre vide et remonte rejoindre son lit. En passant devant la chambre d’amis, il jette un coup d’œil. Jenifer aurait pu dormir dedans. Il y croit peu, mais on ne sait jamais. La voir le rassurerait. Mais la pièce est vide. Il finit par rejoindre son lit en trainant des pieds. Il s’allonge et ferme les yeux. Ses paroles résonnent dans sa tête. « Ouais c’est ça, casse-toi ! ». Il a réellement dit ça ? C’est vrai que sur le moment il ne se contrôlait plus vraiment. Mais il a foutu Jenifer dehors. Non, elle était déjà partie quand il a prononcé cette phrase. Mais bon. Ça a pu la dissuader de revenir. Il pose sa main gauche sur son crâne. Il y réfléchira demain matin. En fonction de la situation. Pour le moment il doit dormir. Il ferme les yeux et vide son cerveau. Au bout de quelques minutes, il finit par s’endormir, exténué. Mais pour combien de temps ?

Y'a comme un hic [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant