Heureusement qu'il avait continué sa route au lieu de s'arrêter pour roupiller.
Car en pareille circonstance, Skander aurait bien manqué le coche.
Il était là, à peine mis sur le bas-côté afin de laisser d'autres cavaliers passer.
Comme il était fort pressé, l'albanais ne se le fit pas dire deux fois.
Maintenant solidement son précieux trophée dans une main, il saisit sa hache de la seconde.
Avec cet individu froid comme un iceberg, la compassion n'avait pas sa place lorsqu'il s'agissait d'effectuer une tâche.
De ce fait, c'est tout naturellement et presque avec une forme de nonchalance, machinalement qu'il exécuta le cocher.
Le voilà donc avec de la nouvelle viande...
Après quoi, l'homme replaça correctement sa capuche éclaboussée du sang de sa victime au cou tranché avant d'activer de nouveau la calèche.
Deux beaux chevaux grullos dont évidemment le nervi ne s'embêta pas à leur redonner un nom s'élancèrent en direction des Enfers.
Quelque part dans les bois, leur propriétaire terminait d'uriner...
Ils étaient déjà bien loin lorsqu'un énième chasseur de primes se retrouva sans moyen de locomotion autre que ses jambes dans cette forêt.
Skander quant à lui sifflotait gaiement.
Chose fort étrange pour cette catégorie d'hommes sombre et peu expressif.
Néanmoins, au vu de la suite probable des événements, il était normal que même un albanais revêche et trop solitaire exprime sa joie.
Il gagnait en effet des heures et des heures de marche et un bon paquet d'ampoules indésirables en devenir grâce à cet imprévu plus que bienvenu.
Finalement, l'albanais avait fait le choix d'exposer sa monstruosité, d'attirer les badauds et d'en récolter des deniers avant de se vendre auprès de la matriarche.
Nul doute que l'exposition lui rapporterait gros.
Il devinait déjà l'emplacement où les organisateurs le placeraient, imaginait en amont les négociations qu'il entreprendrait avec eux quant au partage des bénéfices...
Tout ceci l'emplissait d'excitation et de satisfaction.
Croquant de temps en temps dans la cuisse de l'homme, fort jeune et probablement exploité pour ce digne métier en raison de sa maigre expérience relative, sa bouche barbouillée de sang cessait alors ses sifflotements pour cracher quelques poils et autres tissus un brin trop épais et peu facilement broyable.
Le trajet dura un moment, les chevaux avaient à peine le temps de se reposer et de boire un coup.
C'est alors que Skander prit une nouvelle décision.
Afin d'accélérer son arrivée en préservant les forces de ses bêtes, il détacha ces dernières de la voiture.
Nécessairement, sans pour autant leur rendre leur liberté.
Toujours sous sa coupe, la première monture au pelage gris sombre supporta le poids du déchet, de son outil de travail et de son fruit le plus précieux.
Tandis que la seconde se vit attachée solidement à la selle de son analogue.
Le voilà donc avec deux marchandises supplémentaires.
La calèche aurait également pu lui rapporter quelques pièces argentées, voire même dorées s'il l'avait nettoyée...
Néanmoins, le fin négociateur craignait fortement que les équidés ne supportent pas un si difficile labeur, et lâchent le lot avant d'être transférés à autrui.