La boule dotée d'une couronne de cheveux grisonnants vola dans les airs.
Effectivement, le futur nouveau comte de Varde n'avait pas fait les choses à moitié.
D'un côté, le collaborateur de l'ennemi de son supérieur officiel - mais inférieur dans la hiérarchie à sa reine - avait souhaité montrer sa loyauté envers la royauté.
D'un autre, peut-être avait-il souhaité rendre les souffrances de son prédécesseur les plus courtes possibles.
Quoi qu'il en soit, le dernier équivalent d'un parent au sens étroit de la deuxième fille de l'ancienne reine Xynthia laissa retomber son corps mort.
Désormais dénué de tête, son poids de chair s'affala sur le sol de marbre, alors que sa partie manquante s'arrêtait enfin de rouler.
Sloane d'Écosse intima alors à l'un des gardes de la prendre, la vider, la tanner, l'empailler puis la suspendre là où après tout ceci fait elle l'indiquerait.
Le chanceux, un natif de Varde répondant au doux nom de Stephano obéit à contrecœur.
Comme lorsqu'il avait suivi son premier chef direct lors de sa trahison, le père de famille ne pouvait pas accepter de laisser derrière lui deux jeunes garçons et une veuve, sous prétexte de fidélité envers un homme pour qui depuis de années il mettait sa vie en danger.
Et pour pas grand-chose : à part une petite bicoque certes confortable mais disposant de peu d'espace, le combattant n'avait pas franchement de quoi faire des folies avec ses maigres émoluments.
Bien à l'inverse du fortuné héritier qui lui, roulait sur l'or.
Toujours célibataire et jamais père, l'homme n'étant que parrain et nounou d'enfants eux aussi nés une cuillère en platine dans la bouche n'avait jamais trouvé judicieux l'idée de rétribuer de manière plus gratifiante les hommes assurant la préservation de son inutile existence.
Pour Stephano et l'ensemble des hommes de Varde ayant retourné leur épée, au fond de leurs pensées bien cachées pour des raisons évidentes - professionnelles - le comte Einar n'était qu'un paresseux vivant confortablement de ses rentes.
Ces dernières avaient été acquises par les efforts successifs de ses ancêtres, lui ne s'était contenté que de récupérer les conséquences de leur travail.
Étendre le comté, alléger les taxes bien inutiles pour une contrée déjà fortement protégée par le domaine royal - il était tout de même le parrain de l'une des princesses - et faciliter la vie de sa population active ne lui avait jamais réellement effleuré l'esprit.
La politique d'Einar n'avait consisté qu'à fermer les yeux sur les problèmes de société, jusqu'à ce qu'ils prennent une ampleur telle qu'à l'image de l'instauration d'un hospice en son château puis à l'extérieur, il décide enfin de prendre les choses en main.
D'exercer les obligations de son office, celles justifiant qu'il soit placé tout en haut de l'échelle sociétale.
Non pas que l'homme était mauvais : il s'avérait simplement peu enclin à tenter de comprendre par lui-même ce que son comté réclamait.
Nul doute n'existait quant au fait que le chef de ses anciens gardiens, lui bien au fait des choses ne réitérerait pas ces erreurs de vassal débutant.