La brutalité des subalternes de Sloane d'Écosse avait au moins le mérite de prolonger son espérance de vie.
Se persuadait avec force le comte Einar de Varde.
Finalement, vu comme les choses étaient parties, il n'aurait même pas la nécessité de partir lui-même à la recherche de ses propres hommes.
D'après la réflexion du parrain de la deuxième fille de Xynthia, les protecteurs du fief le plus proche du domaine royal avaient eux aussi été capturés.
À l'idée qu'ils le découvrent ainsi, mis à mal par des gardes royaux même pas nobles et encore moins dotés d'un important office comme c'était bien son cas à lui, Einar ressentit une honte intense, profonde, qui s'installa jusqu'à la plus minuscule de ses cellules.
Voilà ce qu'il était devenu, et cela en conséquence du dragon d'Écosse.
Lorsqu'il avait ouï dire le nom de la successeure de la première femme de son roi, il avait rejeté les allégations de son entourage et de certains de ses pairs.
Sur l'archipel des îles britanniques, la réputation de sa main de fer n'était plus à faire.
Toutefois, Einar avait tellement froid, et niait si fortement la réalité qu'il avait presque hâte, en omettant principalement la déception qu'il se préparait à voir dans le regard de ses hommes, de se trouver dans ce beau palais.
Nul doute que la virago elle-même se chargerait de le réprimander.
Que faisait-il donc sur ses terres à pareille heure, si ce n'était pour tomber dans le piège flagrant d'un enfant de six ans ?
Le comte lui demanderait ensuite où se trouvait sa filleule.
Après quoi, les négociations débuteraient...
Irait-elle jusqu'à lui imposer de lui rendre les terres concédées à la suite de de son serment vassalique ?
Le comte en doutait...
Elle n'était tout de même pas si cruelle.
Au final, elle n'était qu'une femme.
En bon homme naïf, Einar pensait qu'un si bel être vivant, qui plus est de sexe féminin ne pouvait pas être foncièrement mauvais.
D'après lui, ses élans de sévérité, aussi brutaux soient-ils, ne démontraient qu'un désir de se positionner en tant que souveraine pleine et entière.
Sloane d'Écosse craignait sûrement que son pays natal, qu'elle dirigeait à distance ne tombe sous la coupe de l'ennemi.
Et probablement qu'elle cherchait à éviter ce même genre de risques, en chassant les premiers enfants royaux.
Dans la logique du comte vardais, la nouvelle reine jouait bien plus sur les apparences, sur l'effroi qu'elle cherchait à provoquer afin de faire respecter son statut et sa haute autorité, que par pure méchanceté.
Quoi qu'il en soit, sur ces belles réflexions teintées d'espoir et d'utopie, le noble passa alors des bras costauds de gardes au sol dur et en marbre du palais royal du Danemark.
Il eu le réflexe de se rattraper avant que son nez ne frappe la roche métamorphique.
Puis on le releva, évidemment assez brusquement avant de le trainer à genoux, par les épaules et jusqu'aux pieds des vingt-deux larges marches menant au trône.
Sur le large siège orné d'or et de pierres précieuses, la marâtre d'Éléonore attendait de pouvoir prononcer son châtiment.