Sans attendre qu'Énock, le nouvel unique supérieur comtal du sous-chef de la garde vardaise Brieuc parvienne jusqu'au château du comté qui avait vu naître ces derniers et Einar, Nur Mahal y parvint enfin.
Judicaëlle avait toute la durée du trajet cherché dans les airs l'odeur, la trace d'un incendie qui, elle en était sûre, n'allait pas tarder à exister.
Sloane voudrait terrifier la population afin de l'asservir, voilà ce que son ancienne domestique de missions extérieures pensait.
La fillette était bien loin de la réalité.
La reine avait pour prévision de diaboliser l'ancien comte.
De le rendre responsable de la disparition des enfants royaux.
Ses beaux-enfants.
Avec le ménage qui serait rapidement fait, et en toute discrétion au sein du royaume - Helori V ne l'avait-il pas déjà lui-même entamé ? - nul doute que son peuple lui vouerait une soumission totale et éternelle.
Peu après cela, elle se débarrasserait du dernier obstacle à son hégémonie sur la Scandinavie.
Pour l'heure, Judicaëlle avait deux choix.
Ou bien elle se rendait dans le château comtale, et prévenait les princesses du danger qu'elles courraient...
Ou bien elle fuyait seule, immédiatement, sachant que seule l'illicéité lui permettrait de vivoter.
Avant que ses anciens homologues ne la découvrent.
Impossible pour elle de rentrer à la Décharge, maintenant que Sloane n'allait pas tarder à découvrir qu'elle avait rompu unilatéralement leur contrat de travail tacite, Judicaëlle ne disposait plus d'aucune protection.
Ses jours étaient comptés, si elle s'évertuait à trahir ainsi sa reine.
Néanmoins, la mort d'Einar, en bonne partie de son fait avait été la goutte de trop.
Jusqu'à cet événement affreusement récent, l'enfant faisant office de nervi avait systématiquement réussi à mettre ses sentiments sous le tapis.
Là, elle préférait presque l'idée de mourir à celle de ressentir ad vitam æternam la profonde culpabilité qui la rongeait depuis.
Subséquemment, elle s'apprêtait à réclamer à voir ses désormais alliées, à Brieuc et ses subordonnés.
Toutefois, elle fit le choix judicieux de se raviser.
Car bientôt, des équidés montés dévalèrent bientôt le pont déjà baissé.
Les princesses quittaient de leur propre initiative la structure faussement protectrice.
Judicaëlle s'apprêtait à signaler aux gardes de faire de même, avant de changer d'avis.
La fillette surexploitée par la souveraine était bien placée pour savoir qu'il fallait se méfier des hommes.
Peut-être ceux-là étaient-ils d'autant plus à la solde de leur reine qu'à celle de leur comte ?
Pour l'ancienne servante illégale et inégalée de Sloane d'Écosse, il n'existait aucun doute quant au sort réservé à Einar.
Et pour le coup, là la petite fille avait vu juste.
Lorsqu'elle alla à la rencontre d'un lapin bavard et de quatre princesses, elle leur conta une version modifiée des derniers faits.
Einar était mort, tué par les gardes de la reine.
Elle était bien incapable de dire ce qu'il en était advenu de ceux du comté...
Devant leurs mines effarées et bientôt barbouillées de larmes, le sextuor se mit rapidement d'accord.
Il fallait fuir d'ici, et en vitesse.
D'autant plus qu'au loin, le chant de sabots de chevaux se faisait bruyamment entendre, dans la nuit silencieuse.