Chapitre 44 : En miettes

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Je me suis rarement demandé ce que ça faisait de mourir. Pourtant, la mort fait partie de mon quotidien, des risques de mon métier. Chacune de mes inspirations pouvait être la dernière, chacun de mes sourires pouvait disparaître dans un éclat de sang, et n'importe quelle absurdité aurait pu être la dernière chose que je puisse entendre. Je ne me suis jamais vraiment penchée sur le sujet, mais ce dont je suis absolument certaine, c'est que la mort ne m'effraie pas. Du moindre, c'est ce que je pensais. Parce que peut-être que mourir ne me fait pas peur, mais ce qui me terrifie le plus en ce monde, c'est de voir la mort emporter ceux que j'aime. Le bras tremblant de Brock a abandonné sa position, pendant inerte le long de son corps. Je tourne le regard vers Jack, le bras levé vers son visage. Il s'écroule bruyamment au sol, la vie le quittant brutalement. Manipulée par un réflexe de survie dont je ne me pensais pas capable, je n'ai pas réfléchi avant de m'armer pour protéger ce qui m'est cher. Mais lorsque les informations prennent sens pour mon esprit engourdi, une boule éclate dans ma cage thoracique. Je l'ai tué. Le regard perdu devant moi, je me vois incapable de réagir. Brock tente de reprendre sa respiration après le choc de la détonation assourdissante. Ma main se met à trembler, devenant faible ; je laisse mon beretta tomber au sol dans un soupir aigu. Je rapproche mes mains de ma poitrine douloureuse, les yeux embrumés. Je l'ai tué. Le corps sans vie de Jack se vide de son sang par un trou béant que j'ai causé dans son crâne. Je l'ai tué.

« M...Max... ? Appelle Brock. »

Mes membres tremblent au point de me lâcher. Mes jambes ne supportent plus mon poids, m'obligeant à me laisser tomber au sol. Je me replis sur moi-même, les mains sur la bouche. Jack faisait partie de mes meilleurs amis. Je l'aimais énormément... et je l'ai tué. Les larmes me quittent silencieusement, avant qu'un sanglot s'empare de ma gorge.

« Je l'ai tué, murmurais-je. Je... je...

- Maxie... »

Je n'ose pas relever la tête, ayant trop peur de faire face à mes responsabilités. Je n'arrive pas à croire que j'ai fait ça. Je n'arrive pas y croire... pourquoi ? Pourquoi est-ce que j'ai fait ça ?! J'aurais préféré mourir que de faire du mal aux rares personnes que je porte dans mon cœur. Brock s'accroupi à mes côtés et me prend par les épaules pour me secouer. Il n'en gagne que des pleurs plus forts et des sanglots plus tranchants.

« Je suis désolée... je suis désolée... je suis désolée... !

- Maxie, arrête, calme-toi. Max ! »

Alors que les sanglots me dévorent, Brock m'oblige à me redresser pour lui faire face. Le visage humide, ma joue gauche est surprise par une claque méritant le Prix Nobel de la Plus-Violente-Gifle-De-Tous-Les-Temps. Ma respiration se coupe un instant, alors que Brock me secoue de nouveau en m'appelant.

« Ça suffit, calme-toi maintenant ! Crie-t-il.

- Mais... mais... je...

- Je sais... je sais... »

Il m'attrape contre lui et me serre dans ses bras, me berçant au rythme de nos cœurs qui se déchirent. Je me confonds en excuses sans plus pouvoir les compter, persuadée que lui aussi voudra me prendre la vie, maintenant. Le nez plongé dans l'épaule de Brock, je prends une grande inspiration et lève le visage pour entrapercevoir le cadavre de Jack. Pourquoi est-ce que tant de larmes coulent sur mes joues ? Il allait nous tuer, tous les deux. Je n'ai fait que de nous défendre. Alors, pourquoi ça fait aussi mal ? J'attrape Brock dans mes bras en posant mes mains sur le haut de son dos, puis prend une grande inspiration.

« S'il te plaît... s'il te plaît, je ne veux pas... je ne veux pas devoir faire ça, encore... s'il te plaît...

- Je sais, Max... je sais... je suis désolé... Tout va bien se passer. »

Il renifle un bon coup et me pousse par les épaules pour croiser mon regard. Ses yeux plissés dans la colère ne me présagent rien de bon, tout comme sa mâchoire crispée et tremblante.

« Tu as fait ce que tu avais à faire, lâche-t-il. Et maintenant, tu vas te lever et tu vas te bouger le cul. Parce que tu as d'autres choses à faire, et qu'elles ne t'attendront pas. Lève-toi, et dégage. Va trouver James, arrête-le d'une façon ou d'une autre. Moi, je vais m'occuper personnellement de ton père. Et quand tout ça sera terminé... on se cassera à l'autre bout du monde pour se faire oublier, puis quand on ira mieux, on se lèvera pour aller les exterminer un à un s'il le faut. Je suis sérieux, Maxie. Toi et moi, ça a plus d'importance que le reste du monde. On est une famille, et je ne supporterais pas de te perdre. Alors je suis prêt à retourner cette putain d'hydre de merde dans tous les sens s'il le faut, mais je ne laisserais personne te faire de mal. Je suis désolé... je suis désolé de n'avoir rien fait... J'aurais dû appuyer sur la détente. J'aurais dû te protéger. Mais je te promets qu'à partir de maintenant, je le ferais. Peu importe le prix. Je t'aime, tu le sais, hein ? »

Je hoche la tête entre mes larmes, le cœur douloureux. Brock me prend de nouveau dans ses bras et m'y berce un moment.

« La procédure est enclenchée ! Prévient Maria. »

J'avais oublié ! Je me détache de Brock en reniflant un bon coup, puis je me lève. Je lui tends ma main pour l'aider à se mettre sur pieds, puis le lâche.

« Il faut empêcher le décollage, annonçais-je. D'autres s'en occupent déjà. Je vais retrouver James. Toi, tu as intérêt à rester en vie.

- Je te le promets. On se voit plus tard, hein ?

- On prendra un verre au Bar'Joe !

- On trinquera à ta victoire.

- Notre victoire. »

Il sourit et part de son côté. Bien que toujours secouée par la situation, je cours en dehors du sous-sol pour rejoindre l'extérieur du bâtiment.

« Maria, changement de plan ! Prévins-je. Je ne peux pas rejoindre Natasha, je vais retrouver Bucky avant qu'il ne s'attaque aux gars. Il est forcément dans les parages !

- Entendu ! Je vois ta position sur le radar. Si tu te dépêches, tu pourras intercepter Bravo avant qu'il ne décolle !

- Par où je dois aller ? Demandais-je.

- Au bout du terreplein sur lequel tu te trouves, à onze heures ! Tu as trente secondes ! »

Trente petites secondes pour courir à l'autre bout du terreplein, autant dire qu'il s'agit du sprint le plus dingue que j'ai fait de toute mon existence. Lorsque je saute dans le vide pour atteindre l'héliporteur, ce dernier se trouve presque à la hauteur de la plateforme sur laquelle je me trouvais. J'atterris donc à genoux sur Bravo, la respiration courte. Je me précipite derrière des caisses pour me cacher, puis jette un œil au pont rempli d'agents.

« J'y suis, informais-je. Où sont les autres ?

- Sam essuie des tirs anti-aériens, et Steve et Peter sont sur Alpha, me répond Maria.

- Très bien. Lorsque le soldat de l'hiver se montrera, j'essaierais de l'éloigner autant que je le puisse de vos positions. Si l'un de vous le croise... je lui conseille vivement la fuite.

- Rassurant, soupire Peter. Mais compréhensible.

- On ne te laissera pas te battre seule contre lui, m'assure Steve. Dès que nous aurons mis les trois héliporteurs en arrêt, nous te rejoindrons pour t'aider. Combien de temps penses-tu pouvoir tenir ?

- Autant que vous en aurez besoin. »

En vérité, je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir tenir dans un combat au corps à corps contre Bucky. Peut-être pourrais-je utiliser mes armes, me diriez-vous. Mais il est hors de question que je doive encore loger une balle dans l'une des personnes que j'aime. Quitte à mourir au combat, je ne tirerai pas sur Bucky. Je me contenterai de le ralentir, jusqu'à ce que Steve vienne m'aider.

How Villains Are Made - MARVELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant