Chapitre 72 : Une équipe

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 Je me souviens encore parfaitement de la première fois que j'ai rencontré les membres de mon Unité. J'avais dix-neuf ans, et j'entrais officiellement dans le programme de l'Unité Strike d'Hydra. Ils étaient tous dubitatif à l'idée d'accueillir une gamine parmi eux, mais ils se sont sentis contraints de se taire à cause de mon nom et de mon rang. Certes, je n'étais pas bien haut gradé à l'époque – caporal est loin d'être un rang très envieux – mais des murmures me prédisaient déjà successeur du Chef, et ça leur suffisait pour me craindre. Puis, lors de notre première mission de groupe, nous nous sommes retrouvés coincés en Lituanie pour plusieurs nuits, et ils ont osé parler.

« Tu n'es pas n'importe qui, mais je ne t'aime pas. Tu n'es qu'une gamine. Il va falloir que tu fasses un peu plus que de doux sourires pour avoir ta place parmi nous. »

Rien de plus tranchant pour moi à l'époque ; j'avais peur, peur qu'ils m'abandonnent, qu'ils me laissent derrière, qu'ils ne veulent pas perdre de temps avec moi. Puis, finalement, c'est eux qui sont morts, dans une embuscade la même nuit. J'ai dû fuir et terminer la mission seule, ce après quoi j'ai commencé à monter en grade. Avec le temps, j'ai rencontré beaucoup de membres de l'Unité, jusqu'à atterrir dans le groupe de Brock. Je le connaissais déjà, donc il a joué l'intermédiaire pour m'inclure dans l'équipe.

Ils étaient les premiers coéquipiers qui m'acceptaient sans rechigner. Nous étions inséparables, au point de s'appeler au milieu de la nuit pour se retrouver lorsque l'un de nous n'allait pas bien. J'étais persuadée que notre amitié était plus forte que le reste du monde, et que ça suffirait pour nous permettre d'atteindre notre objectif. Mais lorsque la première occasion s'est présentée à eux, ils ont voulu ma mort. Ils m'ont trahie, abandonnée, presque tuée, puis, ils sont tous morts. Je les aimais comme des frères, j'aurais pu donner ma vie pour eux, mais nos idées ne concordaient plus. Je pensais qu'on pourrait se comprendre, s'épargner ; je m'étais voilée la face. En réalité, ils ne m'appréciaient pas plus que cela. Toutes ces années de mensonge... pour m'écraser d'une vérité fulgurante le moment venu.

S'il y a bien quelque chose que je peux tirer de ces expériences merdiques, c'est que les équipes ne servent à rien. On se lit aux gens, on les aime, on les chérie, on tente de les protéger et de les sauver, mais ils finissent par nous détruire sans égard envers nos efforts pour eux. Alors il va falloir que les Avengers se fassent une raison : on ne sera jamais amis, et encore moins une équipe. Je ne veux plus jamais souffrir comme ça, plus jamais.

Alors bercée dans ma solitude, la bannière étoilée au beau derrière me rejoint dans un doux sourire. Je l'ignore alors qu'il s'assoit près de moi, jetant un œil à la ville. Je soupire silencieusement, alors que l'ancêtre tente désespérément de trouver les mots à employer. Ça m'en amuse presque, cet air interrogateur sur son visage, la peur de l'échec dans son regard. Pourtant, il n'y a rien en ce monde que cet homme pourrait échouer. Du moins, j'en suis persuadée.

« Je me doutais que tu apprécierais ce genre de vue, lâche-t-il.

- Pourtant, je n'aime pas New-York, avouais-je. Plus il y a de monde à un endroit, plus il y a de risques de se faire poignarder dans le dos.

- Hm. Mais tu sais que le monde entier ne cherche pas à te nuire, n'est-ce pas ?

- Tout le monde est une nuisance potentielle. Peut-être pas sur le moment, mais dans un futur proche ou lointain, les gens qu'on connaît finissent toujours par nous blesser.

- C'est donc ça, qui te tracasse ? »

Je tourne le visage vers lui. Malgré sa réputation, il est vraiment doué pour comprendre certains sous-entendus. Je le regarde sans rien dire, puis tourne de nouveau le visage vers l'extérieur. Lui, ne pourrait pas comprendre.

« Toutes les personnes que tu rencontres ne seront pas des menaces un jour ou l'autre, Maximilian. Est-ce que tu crois qu'un jour, je serais capable de te faire du mal ?

- Le jour où tu te retrouveras à devoir choisir entre me tuer ou me laisser tuer Bucky, qu'est-ce que tu feras ? Le jour où je serais contrainte de l'éliminer pour te sauver la vie, ne me fais pas croire qu'il n'y aura aucune conséquence pour m'assommer derrière.

- Je t'ai déjà dit qu'on n'en arrivera jamais jusque-là, insiste-t-il.

- Qu'est-ce qui te fait croire ça ?

- J'ai confiance en toi. Je sais que tu feras ce qui est le mieux à faire lorsque le moment arrivera. »

Je fronce le nez, retenant une envie de le baffer. C'est incroyable à quel point il peut être sûr de lui sur des sujets qui ne concernent même pas sa personne en premier lieu. Un peu hésitant, il attrape ma main dans la sienne et tourne le regard vers la ville.

« Je ne peux pas prétendre comprendre ce que tu ressens actuellement, ni même ce que tu ressentiras lorsque le moment viendra. Mais je sais que tu es quelqu'un de raisonnable, et que tu ne veux pas blesser les personnes qui t'entourent. Je sais que si le pire devait arriver, ce ne serait uniquement qu'en cas d'extrême nécessité. Je ne t'en voudrais pas de devoir appuyer sur la détente pour protéger ta vie. En revanche, je t'en voudrais de ne rien faire seulement parce que tu ne veux pas me blesser en tuant mon meilleur ami. Je ne suis pas en train de te dire que je m'en fiche si ça arrive, c'est que... je préfère que dans ce genre de situation, tu penses à toi avant de penser à moi. Si ta vie est en danger, il est normal que tu la protèges.

- Tu changeras d'avis, le jour où ça arrivera. »

Mon regard se perd sur la ville, le laissant jouer avec mes doigts, distrait. Je doute fortement qu'il pensera la même chose lorsque j'aurais collé une balle dans la tête du soldat de l'hiver pour protéger le reste du monde. Je sais que le jour où ça arrivera, je les perdrais, tous les deux.

« Quoi qu'il en soit... il va falloir que tes amis arrêtent de penser qu'on fasse partie de la même équipe, soufflais-je. Je ne suis pas une Avenger, et je ne compte jamais le devenir. Je n'ai pas besoin d'équipe. Les équipes... ça ne sert à rien, appuyais-je. »

Un silence pesant nous écrase un instant.

« Je croyais qu'on était une équipe, toi et moi ? Demande Steve. »

Je tourne le visage vers lui, les sourcils froncés.

« J'imagine que ça veut dire qu'on ne peut pas en être une, c'est ça ? »

Mon cœur se pince un peu, alors que mes doigts se resserrent autour des siens comme un vieux réflex. Il esquisse un léger sourire face à mon geste incontrôlé, qui n'a qu'une seule signification : ne t'en vas pas. Je lève les yeux au ciel, les joues chaudes, puis me penche pour poser le front contre son épaule. Les choses sont encore pires que ce que je pensais : je me suis attachée. Nous formons une équipe. Maintenant, une question demeure. Est-ce que je décide de lui faire confiance en prenant le risque d'être blessée, ou est-ce que je m'éloigne pour éviter tout malheur.

How Villains Are Made - MARVELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant