Chapitre 126 : Timothy

61 9 0
                                    

Plus tard dans la journée.

Ce n'était pas la première fois que je me disputais aussi virulemment avec quelqu'un. Mais c'était la toute première fois que je me disputais avec Steven. J'étais presque persuadée que ça ne pourrait jamais arriver, tant il est impossible de se mettre en colère contre quelqu'un d'aussi gentil et adorable que lui ; je pensais que la seule fois qu'on se disputerait, ce serait parce que j'ai fait quelque chose de mal, et que ce serait une façon pour lui de partir. Je ne m'étais jamais figurée la possibilité qu'un jour, je puisse autant être peinée par sa faute. Devoir supporter l'existence de son meilleur ami est déjà un effort insurmontable que je fais, mais j'ai aussi accepté de vivre sous le même toit que lui pour que Steve n'ait pas à le perdre de nouveau. Bien que le temps commence à me faire croire que la douleur s'estompe, ça reste difficile de me retrouver seule dans cette maison, terrifiée à l'idée que le Soldat de l'Hiver m'attende à un recoin de couloir, mon propre couteau en main. J'ai pourtant accepté de vivre dans cette situation embarrassante, dans le seul espoir de ne pas faire de mal à la personne que j'aime le plus en ce monde. Et désormais, il me demandait également de supporter la présence de l'assassin de mon meilleur ami, aussi petite et mignonne soit-elle. Peu importe l'utilité qu'il puisse lui trouver, je ne me sens pas à l'aise avec cette configuration. S'il désirait si hardiment détruire Hydra, il aurait dû me demander de l'aide avant même que la nouvelle organisation ne se construise sur les cendres de celle que j'ai à moitié détruite. Mais à en croire son comportement, il est tout bonnement incapable de me demander de l'aide. Il est prêt à confier sa vie à son pire ennemi plutôt qu'à moi-même. Malgré ses paroles, peut-être qu'il ne me fait pas vraiment confiance.

Perchée sur l'une des poutres de la grange, je regarde silencieusement ma jupe, humidifiée à cause des gouttes d'eau qui sont tombés de mes yeux. Je ne sais pas si je serais capable de faire un effort pareil ; que ce soit recroiser le regard de cette garce ou sortir de cette vieille bâtisse pour rencontrer qui que ce soit de l'équipe. Je ne serais pas étonnée de recevoir encore des reproches de leur part. Des reproches mérités. Tu fais toujours n'importe quoi. Je sais. Pendant un instant, j'envisage de me laisser tomber en arrière, mais je me ravisse en me rappelant que je suis à plusieurs mètres du sol. Je me contente de me lever sur mes plateformes, en prenant garde à ne pas marcher sur le long tissu qui recouvre mes jambes. Je fais quelques pas sur la poutre en reniflant, ne prenant pas la peine d'essuyer mon nez coulant. Je n'ai même pas de mouchoirs... ce serait compliqué.

« Je me souviens encore de la première fois que je t'ai vu faire des acrobaties, interpelle Timothy. »

Cette interruption soudaine a failli me couter la vie, ou une jambe ; je tends le bras vers la poutre verticale qui sépare la grange en deux parties identiques, essayant de récupérer mon équilibre dérangé par le sursaut qui m'a parcouru. Je baisse les yeux vers l'entrée de la grange, où Timothy vient de faire son apparition, tenant un couverture pliée dans ses bras. Il la pose délicatement sur une botte de paille, puis commence à faire de grands pas en gardant les mains dans le dos.

« Tu n'avais que six ans, et tu t'amusais à défier la gravité dans l'arbre de la maison de tes parents, continue-t-il. Ton père t'a hurlé dessus, sans aucun doute terrifié à l'idée que tu tombes d'aussi haut. Mais ta mère, elle, t'a regardé avec tellement de fierté que ça m'en a gonflé le cœur. Elle s'était tournée vers moi, avec ses grands yeux pétillants, et je me souviens encore de ce qu'elle m'a dit, mot pour mot. Timothy, un jour, ma fille sera tellement courageuse qu'aucun obstacle ne pourra jamais la faire trébucher. Elle sera sans doute présidente, ou quelque chose comme ça, non ?

- Je suis persuadée que tu viens de l'inventer, soupirais-je.

- Oh, j'aime beaucoup inventer des histoires. Mais je ne trouve aucun amusement à falsifier les souvenirs d'un proche qui nous a quitté. Encore moins lorsqu'il s'agit de ta mère. Elle était mon amie la plus chère en ce monde, sans vouloir vexer les autres. C'était la première scientifique qui a eu le droit à une vraie place dans mon laboratoire, tu sais. J'avais l'impression d'avoir un chat, à l'époque. Elle se contentait de travailler dans son coin, jusqu'à ce qu'elle ait besoin de sociabiliser un peu, et on se retrouvait souvent pour manger. »

How Villains Are Made - MARVELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant