Chapitre 143 : Anniversaire -pt.1

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Le soir. 18h07.

Hôtel W de Nashville, Tennessee.

Il arrive quelques fois que même les personnes emplies d'une confiance en eux démesurée perdent bêtement leurs moyens dans des situations qu'iels connaissent cependant par cœur. Ce n'est pas la première fois que je vais en rendez-vous romantique avec Steve ; il adore ce genre de soirée, et ne loupe aucune occasion pour pouvoir m'inviter à sortir et me mettre des étoiles dans les yeux. Je le soupçonne d'avoir lu beaucoup trop de romance à l'eau de rose dans sa jeunesse, sans doute au même âge auquel je pensais qu'il était normal d'être traitée comme une chaussette sale par les hommes de mon entourage. Ce n'est pas non plus la première fois que je décide de porter une jolie robe pour marquer le coup d'une sortie dans un lieu très chic et très prisé des couples à la recherche de romance. Pourtant, c'est bien la première fois que je m'inquiète autant pour ces petits détails qui n'ont pas vraiment leur importance. Steve m'a vu porter mes pires pyjamas avec les cheveux en bataille l'automne dernier, en plus de mes affreux pulls de Noël en commun avec Peter. Mais je ne peux pas m'empêcher d'avoir l'impression de ne pas en faire assez pour ce soir. Parce que pour une fois, nous avons quelque chose d'unique à fêter : on ne peut fêter la première année de relation à plusieurs reprises, et j'ai terriblement peur de tout gâcher. Au point où j'en suis, je ne sais pas si ma longue robe en satin bleue est trop osée ou pas assez classe pour aller manger dans un super restaurant cinq étoiles, qui apparemment est majoritairement fréquenté par de désespérants hommes riches accompagnés de jeunes femmes toutes moins envieuses de leur présence les unes que les autres. La brochure avait l'air tellement luxueuse que sur le coup, je me suis sentie mal lorsque j'ai songé à la déchirer pour la jeter à la poubelle. Au final, elle repose sagement dans le fond de l'un des mes sacs, en espérant que je ne l'arracherais pas. Lorsque nous avons dû choisir un lieu pour la soirée, nous avons beaucoup hésité ; après tout, nous sommes recherchés et désignés comme des criminels de haut vol. C'est pour ça que je préfère garder une arme coincée dans ma jarretière, juste au cas où. Ou peut-être que je ne devrais pas. Je devrais me contenter d'un couteau de combat. Mais je n'en ai plus : j'ai cassé le mien en essayant de planter Bucky, l'autre jour. Bon sang...

« Maxie ? Appelle Steve. Il va bientôt falloir y aller, tu es prête ?

- Heu... oui... oui ! Une minute.

- Tu as déjà dit ça il y a trente minutes, rit-il.

- Ça va, ça va... »

Tant pis pour l'arme. Je me contenterais de mes talons pour planter les gêneurs, s'il y en a. Il faut que j'arrête de penser à ce genre d'éventualité : je vais en rancard, avec mon petit-ami, pas en mission. Je n'ai pas besoin de prendre d'armes sur moi. Je vérifie une dernière fois la tenue de mes cheveux avant de sortir de la salle de bain. Je me sens mal à l'aise, subitement. J'ai l'impression d'en faire trop. Ou pas assez. Ou peut-être que je suis totalement à côté de la plaque. Je fais un pas en avant et cherche Steve du regard. Il est en train de regarder par la fenêtre, les mains dans les poches de son pantalon. Vu le lieu où nous allons, lui aussi a dû faire un effort vestimentaire et, honnêtement, ça lui va plutôt bien. J'ai subitement une petite rancœur envers les hommes ; il leur suffit de mettre un pantalon noire et une chemise blanche pour être suffisamment classe pour toutes les soirées possibles et imaginables. Nous autres, personnes du genre féminin, nous nous posons beaucoup trop de questions par rapport à notre apparence. Trop, pas assez. Vulgaire, trop prude. Décolleté trop profond, col trop haut. Provocatrice, innocente. Nous ne savons comment nous pouvons nous habiller selon les situations. Quel type de tenue, robe ou pantalon, talons ou baskets. Et peu importe ce que nous faisons, nous ne plaisons à personne d'autre que notre reflet juste avant de faire face aux regards de la société. Parce qu'une fois que les vipères nous ont mordues, nous perdons toute la confiance qui nous a fait prendre la décision de porter ce manteau rose à froufrous qu'on avait vu dans la boutique du coin et qu'on n'osait pas acheter à l'origine. C'est pour ça que j'ai décidé que finalement, je n'en avais rien à faire. Déjà, parce que je trouve que cette robe est particulièrement belle, et qu'elle me plait énormément. Ensuite, parce que les étoiles qui ont brillées dans les yeux de Steve à l'instant même où il m'a vue sont le seul jugement extérieur à moi-même que j'accepte de prendre.

How Villains Are Made - MARVELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant