Chapitre 89 : Au revoir

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Plusieurs heures plus tard.

Cimetière de Sokovie, 20h48.

J'espérais sincèrement ne plus jamais le ressentir. Le déchirement de mes tripes dans la douleur d'un cœur brisé, l'asphyxie provoquée par cette envie d'en finir avec ce monde. Les nausées coincées dans ma trachée, les cris noyés dans mes larmes silencieuses. Mais au-delà de cette douleur insurmontable reste encore la haine provoquée par l'incident. Cette haine, qui m'obscurci lentement les idées, grandit au fur et à mesure que mon regard s'habitue à l'épitaphe inscrite sur la pierre tombale. Mes bras se resserrent autour de l'imposant bouquet de fleur que j'ai apporté, faisant pâlir les nombreuses plantes laissées par les habitants de la Sokovie. Dans un silence à en faire trembler les morts, je m'accroupis sur la terre récemment retournée. Je déplace certaines fleurs avec précaution, n'ayant pas envie de les abîmer par mes gestes. Lorsque je trouve suffisamment de place pour déposer le bouquet de roses blanches contre la pierre, un léger soupir m'échappe. Puis, dans le silence des lieux, lorsque le vent commence à battre les branches des arbres nus, une douce berceuse enseignée par mes camarades Sokoviens s'échappe d'entre mes lèvres. Je prends soin de prononcer chaque mot le plus clairement possible, espérant que de là où il se trouve, il puisse l'entendre. Les derniers mots prononcés, le silence m'accable de nouveau. Je tends la main vers la pierre pour décaler une fleur et lire une nouvelle fois ce qui y est écrit dans sa langue maternelle.

Pietro Maximoff. Frère et ami tant aimé. Nous n'oublierons jamais.

Un craquement de brindille brise le silence des lieux. N'ayant l'envie de croiser le regard de qui que ce soit, je baisse la tête en prenant soin de cacher mon visage à l'aide de mes cheveux détachés. Mes épaules dénudées laissent apparaître la chair de poule causée par la température de ce pays, mais aucun tremblement m'échappe. Comme si rien ne pouvait me faire plus de mal que mes émotions actuelles. C'est ce que je m'étais imaginé. Jusqu'à ce que, du coin de l'œil, je reconnaisse les bottes que Wanda portait le jour de la bataille. Elle s'accroupit silencieusement à mes côtés, posant ses genoux dans la terre. Le regard rivé droit devant elle, elle semble admirer les fantômes de son passé. Après un long moment, elle tend une main vers moi, toujours silencieuse. Je me tourne légèrement pour voir une enveloppe bleue, sur laquelle se trouve mon prénom écrit à la main. Je me mords la langue en reconnaissant sa façon d'effectuer les boucles de ses lettres. Un peu hésitante, je récupère l'enveloppe et la regarde longuement. Lorsque je me décide à l'ouvrir, j'entends la sorcière déglutir. Je tente de l'ignorer pour lire avec difficulté l'écriture de mon ami.


Le 7 février 2013.

Maxou.

Je ne compte plus le nombre de fois où tu as tenté de m'arracher les cheveux à l'entente de ce surnom débile, mais ça ne m'empêchera jamais de continuer. Ah, c'est bien malin de vouloir t'écrire, si je ne sais quoi te dire. C'est sans doute la lettre la plus déprimante que je pourrais t'adresser, et j'espère sincèrement que tu n'aurais jamais à la lire. Non pas que la peur de mourir m'habite, mais que je refuse que tu lises quelque chose d'aussi pathétique. Bon, je l'ai dit. Tu sais qu'avec Wanda, on s'apprête à se lancer dans un projet assez dangereux, que tu apprécie d'appeler tordu. Je suis persuadé que tout se passera bien, mais j'imagine que quelque part au fond de moi, je dois avoir peur que ça échoue, sinon je n'écrierais pas cette foutue lettre. Si quelque chose m'arrive, si cette expérience se passe mal, je veux que tu saches que je t'aime de toute mon âme. C'est vraiment important, je ne veux pas que tu l'oublies. De toutes les personnes que j'ai connues dans ce monde, tu es sans doute mon humaine préférée. Je ne suis pas sûr que tu t'en rendes réellement compte, puisque tu as l'habitude de tout prendre à la légère, comme si les sentiments qu'on te présentaient étaient forcément une farce. Mais ça n'en est pas une pour tout le monde, tu sais. Tu comptes beaucoup pour moi, et tu n'as pas intérêt à l'oublier, ou je viendrais te hanter dans tes pires cauchemars.

Quoi qu'il arrive après ce jour, peu importe le moment où tu devras lire cette lettre, je veux que tu te souviennes que ce qui doit être le plus important pour toi doit être ton propre bienêtre. Fais ce qui est le mieux pour toi, renverse ce monde s'il le faut, mais surtout, sois toujours fidèle à toi-même. Ne change que pour apprécier la personne que tu es, et jamais pour le bien des autres. On se fiche pas mal de ce qu'iels pensent de toi. Tu es la personne la plus merveilleuse que je connaisse. Je te souhaite sincèrement de pouvoir te débarrasser de tes démons, pour que tu puisses être le plus heureuse possible.

Je t'aime.

Pietro.


La gorge nouée, je replis doucement la lettre pour la ranger. J'étouffe un sanglot alors qu'une nouvelle vague de larmes m'attaque. Je renifle, jetant un œil à ma gauche. Wanda tourne le visage vers moi, les joues humides et les yeux rougis. Ses lèvres se crispent, elle déglutit bruyamment. Dans un soupir, elle s'approche timidement de moi ; lorsque ses mains effleurent mes épaules, je l'attrape vigoureusement pour la serrer contre moi. Elle renifle une première fois, avant d'éclater en sanglots. Ne pouvant plus rien retenir, je laisse mes émotions m'échapper. Je la serre un peu plus fort dans mes bras, essayant de nous rassurer l'une et l'autre. Elle est là, elle va bien. Je suis là, tu n'es pas seule. Nous restons plusieurs minutes sans pouvoir se contenir, jusqu'à ce que nos larmes finissent par se calmer. La tête posée contre mon épaule, Wanda tourne le visage vers la pierre et les fleurs.

« Tu es tout ce qui me reste, murmure-t-elle.

- Cette fois-ci, je ne repars pas sans toi, répondis-je. »

Je glisse une main dans ses cheveux, les caressant avec douceur. Elle renifle à plusieurs reprises, puis finit par s'écarter un peu. Elle se penche en avant pour poser ses doigts sur la pierre, caressant les inscriptions avec nostalgie. Je baisse la tête vers la terre sur laquelle nous sommes assises, sachant pertinemment ce qui se trouve en dessous. Je glisse mes doigts sur le sol humide, fermant les yeux un instant.

« C'est le même bouquet que celui qu'il t'avait offert à ton anniversaire, n'est-ce pas ? Demande Wanda.

- Je l'ai apporté directement de New-York. Je ne savais pas si je trouverais un fleuriste ici.

- Tu sais qu'il voulait vraiment visiter le pays avec toi ?

- Je sais. Il m'a dit... avant de... enfin... il m'a dit qu'il était déjà allé à Washington.

- Oui, c'était en deux-milles-douze. Strucker recherchait des cobayes sans valeur à ses yeux, donc il avait demandé au chef s'il pouvait lancer une réception à laquelle il expliquerait ses expériences à de possibles intéressés. On n'y est restés que quelques jours à peine, et on a visité la ville. Pietro m'avait fait jurer de ne jamais t'en parler... mais tu as l'air au courant, désormais.

- Hm. Je ne m'en serais jamais douté, il avait l'air tellement enthousiaste lorsque je lui ai proposé.

- Il avait envie de partir avec toi. C'est ce qu'on aurait dû faire.

- C'est ce que tu vas faire, maintenant ? »

Elle se tourne vers moi, essuyant son visage trempé. Elle sourit grandement, hochant doucement la tête de haut en bas.

« Si tu veux bien de moi... J'aimerais qu'on puisse rester ensemble. J'aimerais réparer mes erreurs, et devenir quelqu'un de meilleur. Je veux pouvoir changer la donne, éviter que ce genre d'accident arrive de nouveau. Je veux pouvoir protéger les gens de ce monde. C'est ce que Pietro aurait fait. »

J'acquiesce dans un sourire. C'est effectivement ce que Pietro aurait fait. Mais même s'il s'agit de ce que veut faire la sorcière, ce n'est sans doute pas mon cas. Je veux pouvoir éviter ce genre d'accident. Je veux pouvoir protéger les gens que j'aime. Le reste du monde peut bien brûler, ça m'est égal. Et ceux qui représentent un danger pour ceux qui comptent pour moi devront être éradiqués.

How Villains Are Made - MARVELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant