Chapitre 87 : Saut de l'ange

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 Le vent me fouette le corps, alors que je traverse les nuages. Sur ma gauche, je peux voir la ville s'effondrer sous le choc provoqué par le génie et le demi-dieu. Nous avons réussi à sauver le plus de personne possible, mais cela ne signifie pas que tout le monde s'en est sortie. Mon regard dévie vers l'héliporteur. Mon cœur se serre, se noue, et quelque chose remonte dans ma gorge. Je ferme les yeux en inspirant profondément, mais rien n'y change. Lorsque je tourne de nouveau le visage vers le ciel, je comprends aisément ce qui se passe. Je suis tétanisée. La dernière fois que j'ai effectué une chute mortelle, j'ai perdu pied bien avant de pouvoir me rendre compte que j'étais réellement en train de tomber. Tout est différent cette fois-ci. Mon esprit est clair, comme s'il s'accrochait aux derniers instants de vie qui me reste. Est-ce que je souffrirais ? Lorsque mon corps cognera contre le sol et finira en miettes, éparpillé parmi les débris, est-ce que je le sentirais ? Est-ce que chaque reste de mon cadavre me provoquera une douleur insurmontable, ou vais-je enfin bientôt perdre connaissance ? Une vague de panique m'envahie lorsque je comprends que je ne suis pas en état de tomber dans les pommes. Par contre, je suis en train de perdre les pédales. Je me souviens d'avoir déjà fait ce genre de saut, avec un parachute. La chute libre est à la fois beaucoup plus lente et beaucoup plus rapide que ce que l'on croit. Tout dépend de notre état d'esprit. Et le mien est complètement détraqué. Est-ce que je vais finir par mourir, oui ?

Un grondement génère des soubresauts dans chacun de mes membres, alors qu'un éclair traverse le ciel. Certains débris de la ville ont déviés et semblent se diriger droit vers moi. Peut-être qu'une pierre pourrait me heurter avant que je ne m'écrase au sol. Mais là encore, est-ce que ça fera mal ? Je ferme les yeux, la gorge serrée. Quelque chose me heurte et accélère ma chute. La chaleur émanant de l'objet me fait froncer les sourcils. Lorsque j'ouvre les paupières, je vois une cape rouge flotter dans les airs. Un bras me maintient fermement contre lui, l'autre tenant un marteau magique pointé doit devant lui. Ma respiration me revient. Thor. Je serre sa cape d'une main, baissant le visage pour me cacher le nez dans son épaule. Il va beaucoup plus vite que ma chute. Le vent me perce les oreilles. Et pourtant, malgré l'éclair traversant le ciel, il ne parvient pas à éviter tous les débris. Thor chancelle, le bras touché, puis commence à tomber. Il me garde contre lui malgré la douleur qui semble le traverser, pendant que son marteau tombe plus rapidement que nous. Il m'entoure de son deuxième bras, me serrant contre lui et se tournant pour être le premier à heurter le sol. C'est la rivière Sokovienne qui nous ouvre son bras pour nous accueillir. Lorsque ma tête traverse la surface, le claquement de l'eau dans mes oreilles suffit pour me faire perdre connaissance.

Quelque chose de lourd pèse contre ma poitrine, mais je suis persuadé que ce n'est pas ça qui bloque ma respiration. Dans un mouvement brusque, je lève la tête. Mes poumons recrachent une grande quantité d'eau salée. La douleur est telle que je me mets à vomir sur le côté, repoussant le poids qui m'écrasait. Les pâtes au fromage de Laura m'échappent, ainsi que quelques gouttes de sang mêlées à de l'eau poissonneuse. Je me vide, la tête tournant. Une vive douleur me prend la tête à cause du manque d'oxygène. Je bouge difficilement les doigts, m'appuyant sur mes coudes lorsque mes bras me lâchent. Lorsque je réalise que je suis allongée sur le rivage, je commence à reprendre mes esprits. Je sursaute et regarde autour de moi, trouvant Thor allongé non loin. C'était lui, le poids sur ma poitrine. Je rampe et le secoue dans tous les sens jusqu'à ce qu'il se réveille. Je voulais crier, pleurer, appeler au secours, mais je n'étais capable de rien d'autre que de m'écrouler de nouveau sur les gravats.

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Héliporteur du SHIELD.

Steven Rogers.

Mes bottes couinent inlassablement contre le sol carrelé. L'une de mes mains tremble, l'autre se lève de temps à autre pour que dans un geste anxieux je me mette à mordre le bout de mon pouce. Lorsque mes chevilles commencent à me faire mal sous l'effort, le sérum s'occupe de dissiper le malaise pour me permettre de continuer. Mais si je continue comme ça, je finirais peut-être par me décoller les articulations. Un poids étouffe ma cage thoracique lorsque je vois Natasha entrer dans la salle, le regard droit. Elle secoue négativement la tête ; je manque de m'écrouler.

« Je suis désolée Steve, on n'a aucune trace d'elle, indique-t-elle. Tous mes uniformes sont équipés d'un GPS de secours au cas où je serais perdue en mission, mais le sien ne fonctionne pas. Pourtant, je suis sûre qu'il est activé. On n'a aucune idée de ce qui lui est arrivé, mais... si ça peut te rassurer, Vision a dit voir Thor voler dans sa direction. Sauf que... on n'a pas de nouvelles de lui non plus, et impossible de le localiser.

- On l'a perdue... ? »

Ma voix tremblante inquiète mon équipière. Ses yeux brillants laissent croire que nous partageons les mêmes pensées. Je suis optimiste, mais je ne suis pas idiot. Je sais que personne ne peut survivre à une chute pareille. Je baisse le regard en me mordant la lèvre inférieure.

« C'est de ma faute... je... je n'ai pas pu la sauver... Natasha, je savais que ça finirait comme ça. Je le savais. »

Sans même que je ne puisse le contrôler, je me suis mis à trembler. La rousse n'a pas hésité une seconde avant de se précipiter vers moi, me prenant dans ses bras. Je ne suis cependant pas d'humeur pour lui rendre son étreinte. Elle me frotte le dos, essaie de me bercer, mais rien n'y fait. Je savais que ça allait arriver. Je n'ai pas su faire attention à elle. Et finalement, je l'ai perdue.

« Je savais que ça arriverait, soufflais-je.

- Ne dis pas de bêtise, personne ne pouvait le prévoir.

- Je ne suis bon qu'à ça, Natasha. Perdre ce que j'ai de plus cher, être incapable de protéger ce qui compte le plus pour moi. Ce n'est pas la première fois que je ne suis pas foutu de faire mon boulot correctement, et à chaque fois que ça arrive...

- Eh, ça suffit, s'agace-t-elle. Ce n'est pas de ta faute. Ne m'oblige pas à te frapper.

- Si... C'est de ma faute. »

Dans un soupir d'énervement, Natasha me lâche et claque violemment sa main contre ma joue. La douleur a au moins eu le don de cesser mes pleurs et mes sanglots, tant elle fut surprenante. Ce n'est que lorsque je pose le regard vers elle que je remarque qu'elle pleure autant que moi. Elle allait me gronder, mais ses lèvres tremblantes l'en empêchent. Cette fois-ci, c'est moi qui la prends dans mes bras. Je l'y serre autant que je le puisse, jusqu'à entendre l'un de ses os craquer.

« Cette fois-ci... on l'a peut-être perdue pour de bon, murmure Natasha. »

Je renifle, essayant de rester fort. Je ne crains pas que mes larmes soient vues par qui que ce soit, mais j'espère pouvoir éviter d'empirer l'état de Natasha en étant incapable de l'aider. Elle resserre ses mains dans mon dos, comme si elle tentait de m'étouffer. Je calle mon visage contre son épaule, pouffant nerveusement.

« Tu avais raison, je n'aurais pas dû attendre aussi longtemps. »

C'est à son tour de pouffer contre moi. Je lui frotte le dos en reniflant à plusieurs reprises, perdant tout espoir de la revoir. Puis, alors que nous nous lamentons, une ombre passe devant l'entrée de la salle. Faisant demi-tour, l'homme aux longs cheveux tout droit sorti d'un autre monde nous regarde silencieusement. Puis, il affiche un grand sourire entre ses nombreuses blessures.

« Qu'est-ce dont toutes ces larmes ? Demande-t-il. Il y a eu un mort ? »

Quelques fois, j'apprécierais assommer quelques-uns de mes équipiers à l'aide de mon bouclier. Cependant, je ne m'attendais pas à un jour ressentir cette envie de violence aussi forte envers quelqu'un d'aussi gentil que lui. Nous avons l'habitude de mettre ses erreurs de vocabulaire sur le fait qu'il ne vienne pas de notre pays, ni même de notre monde, mais il a vraiment le truc pour dire des choses inappropriées lors des pires situations. Natasha se tourne doucement vers lui ; j'imagine fortement son regard assassin bien que je ne puisse pas le voir. Thor affiche un sourire innocent en levant les épaules.

« Quoi qu'il en soit... c'est vous que je cherchais. Maximilian n'arrêtait pas de murmurer des choses incompréhensibles, les guérisseurs ont dit qu'elle était secouée mais qu'elle n'avait rien de grave. Je crois qu'elle a finit par s'endormir, mais elle appelait quelqu'un avant de se faire piquer.

- Qui ? Demande Natasha.

- Wanda... »

How Villains Are Made - MARVELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant