Chapitre 155 : Cette angoisse énergisante

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 Je m'étais faite à l'idée que nous ne retournerions plus jamais sur le champ de bataille. Que je ne prendrais plus jamais les armes, prête à en découdre avec des ennemis qui, désormais, feraient partie uniquement de mon passé. Du moindre, c'est que ce que j'osais imaginer. Le dernier transport de troupe s'éloigne vers la ville, tandis que nous approchons de la frontière représentée par le dôme protecteur du pays, en compagnie des soldats qui ont accepté de relever le défi que représente cette guerre démesurée. Notre équipe approche par le centre de la formation, prête à s'installer en première ligne pour subir l'assaut de plein fouet ; à notre gauche, le chef de la Tribu de la Porte effectue un cri de guerre pour motiver ses troupes, avant d'accueillir le roi d'un signe de tête solennelle, puis ils se serrent la main par respect. Je croyais que je m'étais faite à l'idée de ne plus jamais pouvoir revoir ce genre de scène de toute mon existence, ailleurs que dans les films d'actions que je dévore lors de mes rares journées de repos.

« Merci d'être venu nous prêter main forte, lui dit T'Challa. »

Son interlocuteur lui répond dans la langue du pays, que je ne comprends pas. Il semblerait que l'imagination soit souvent le fruit des plus grandes déceptions des humains. Aujourd'hui, ma déception d'avoir cru pouvoir imaginer laisser tomber cette vie me frappe en plein visage. Aujourd'hui, armée de deux lances aux nuances grises, rouges et dorées, je me rends compte de l'erreur que j'ai pu faire en imaginant que j'aimerais laisser tomber cette vie-là.

Parce que, le regard s'éloignant vers la frontière du dôme bleuté, mon ouïe commençait à s'obscurcir au point que le battement de mon cœur dans mes tempes en devienne la seule mélodie que je parviens à déchiffrer dans le calme de l'avant-combat. Une boule se loge doucement dans ma poitrine, forçant mes poumons à prendre de plus courtes inspirations, à la fois calmes et chargées d'une concentration dont je ne me pensais plus capable. Les bouts de mes doigts frémissent à l'unisson alors que je les resserre autour des extrémités des lances prêtées par la Dora Milaje. Parce que, à l'aube d'un massacre qui promet de ravager les terres si douces et lumineuses du Wakanda, je me sentais de nouveau revivre.

« Peut-être qu'on devrait repeindre la cuisine, propose Steve. »

Tirée de mon admiration, je lève les yeux vers mon partenaire. Lui-même plongé dans l'observation de la frontière qui nous sépare de nos ennemis, il tend une main silencieuse vers moi. Il me caresse le bout des doigts sans lâcher l'horizon du regard.

« On aurait peut-être dû installer de la crédence sur le mur, près des plaques de cuisson, continue-t-il. Ou alors, on pourrait repeindre indéfiniment sur les tâches de projection qui ne s'essuient pas du mur.

- Pourquoi est-ce que tu me parles de ça, maintenant ? Demandais-je.

- Je me demandais ce qu'on ferait, après ce combat. Et je crois que j'aimerais repeindre la cuisine, en rentrant à la maison. »

Que ferions-nous, après ce combat-là. La question ne se serait pas introduite dans mon esprit s'il ne l'y avait pas glissée. Très peu de soldats sont capables de se demander ce qu'ils feraient lorsque leur combat serait terminé. Je ne fais pas partie de ces gens-là. Je ne suis pas capable de me demander ce que je ferais, à la fin de ce combat. Parce que le plus important pour le moment, n'est pas de choisir la couleur dont nous allons repeindre notre cuisine. La question la plus opportune me semble celle de savoir si nous rentrerons à la maison, dans un premier temps. La peinture de la cuisine viendra plus tard.

« Fais-en ce que tu veux, déclarais-je.

- Ce que j'en veux ? C'est pourtant toi qui y passes le plus clair de ton temps, soupire-t-il. Lorsque je mets un pied dans la cuisine, tu me renvoie par peur que je ne fasse brûler tes plats par ma simple présence.

How Villains Are Made - MARVELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant