Chapitre 77 : Piégée

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 Le regard embrumé, je cligne plusieurs fois des yeux pour réveiller mon esprit. Ma tête brûle sous la douleur des acouphènes qui m'arrachent les oreilles. Je grimace, posant ma main à plat sur le sol de pierre frai et humide. Je me redresse doucement, faisant attention à ma tension trop basse. Mes bras sont verts de boue, de sang, de poussière et de suie. De nombreux débris jonchent sur le sol, entre lesquels se trouvent des cadavres encore chauds. Des têtes éclatées, des poitrines écrasées, des peaux brûlées, des membres sans corps. La respiration difficile, je m'assois pour regarder devant moi. Un trou béant dans le mur me laisse apercevoir le ciel assombri par une épaisse couche de fumée noire. Les jambes douloureuses, je me lève aussi rapidement que mon corps me l'autorise pour m'éloigner de la zone de combat, désarmée. Je trébuche sur un cadavre, m'écrasant sur un autre. Un cri m'échappe lorsque je vois le visage défiguré d'un soldat brûlé par l'explosion. Je m'éloigne de son cadavre aussi vite que je le puisse, courant dans la direction opposée. Je tombe contre un mur, fatiguée. J'attrape la première arme qui me vient en main : une hache. Je me traine en dehors de l'étage, portant la main à mon oreille.

« Bravo 6-1 pour Leader, appelais-je. L'étage a explosé, l'équipe n'a pas survécu. Je répète : l'équipe n'a pas survécu ! Leader, vous me recevez ? Leader ?! »

Aucune réponse. Ça craint. Je jette mon appareil de communication au sol, sans doute endommagé par l'explosion. Je m'approche des escaliers ; bien que je tente de me tenir à la rambarde, je tombe et glisse non sans aggraver mes blessures. Bordel de putain de merde, qu'est-ce que je fais ici, moi, déjà ?! Quelle merveilleuse idée d'avoir accepté de servir dans cette armée de merde, sous prétexte que ce soit nécessaire pour ma couverture. Il n'y a pas un seul abruti foutu de survivre à une explosion. Je m'écroule après plusieurs mètres, les jambes tremblantes. Je m'appuie sur ma hache pour me maintenir debout, puis donne un dernier effort pour courir vers la porte de sortie. Je la pousse brutalement, tombant de l'autre côté. Je soupire lourdement, les mains sur les genoux, jusqu'à pouvoir relever le visage devant moi.

« Qu'est-ce que tu fais par terre ? Demande Bucky.

- Je passe la balayette, j'ai renversé un paquet de chips... répondis-je.

- Je ne sais pas pourquoi je ne suis pas étonné. »

Amusé, Bucky croise les bras et me regarde me relever, tenant une pelle et une balayette dans les mains. Je lève les yeux au ciel et le contourne pour aller jeter mes ordures dans la poubelle. Je repose les objets sous l'évier, puis je me redresse. Mais... qu'est-ce que je fais dans ma cuisine... ? Je fronce les sourcils, puis regarde mes mains. Elles sont propres et hydratées, sans aucune cicatrice. Les mains de Bucky glissent le long de mes flancs, puis se lient sur mon ventre. Il se penche pour déposer un baiser sur mon épaule. J'en frisonne, fermant les yeux pour en profiter un instant. Je fonds dans ses bras, le laissant me bercer. Il relève le visage pour m'embrasser le cou, puis la joue, puis finalement caller sa tête sur le haut de la mienne.

« Tu sais que ça n'arrivera jamais, n'est-ce pas ? Demande-t-il.

- Je ne veux plus que ça arrive, répondis-je. Je suis désolée... mais je ne veux plus que ça arrive. Je ne me sentirais jamais en sécurité dans un monde où vit le soldat de l'hiver. Je suis désolée pour Bucky Barnes... mais je n'ai pas le choix.

- Je sais. Je ne t'en voudrais pas. Fais ce que tu as à faire, mon amour. »

Calmement, j'attrape un couteau de cuisine sur le plan de travail. Sans même me retourner, je passe le couteau sous mon bras pour le planter dans sa poitrine. Il se tend, mais ne me lâche pas, jusqu'à ce qu'il devienne subitement lourd. Je l'entends s'écraser au sol. Je me retourne pour le regarder de haut, le cœur lourd. Je n'ai pas l'impression que ça ait changé quelque chose.

How Villains Are Made - MARVELOù les histoires vivent. Découvrez maintenant