Chapitre 154 : Les larmes de sang.

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Sur les vastes mers d'Eristia, où les vagues dansaient au rythme du vent, Nami se tenait à genoux, les mains tremblantes, près du corps sans vie de son frère, Nauvati. L'eau salée se mélangeait à ses larmes, mais ce n'était pas de simples larmes. Elles étaient teintées de sang, résultat des contrecoups du Bach mi Hao, une technique interdite et dévastatrice qu'elle avait été forcée d'utiliser pour vaincre son frère.

Nami baissa la tête, les épaules secouées par des sanglots incontrôlables. Les souvenirs d'une enfance innocente et insouciante, d'un temps où la guerre et la trahison n'étaient que des mots lointains, se précipitaient dans son esprit.

Elle revit ces jours lumineux où, enfants, ils couraient ensemble sur les plages tropicales de Lür, les pieds nus sur le sable chaud. Ils riaient, se lançaient dans des courses effrénées pour voir qui atteindrait la mer en premier. Nauvati était toujours le plus rapide, mais il ralentissait exprès pour permettre à sa petite sœur de le rattraper. "Encore une fois, Nami ! Je te laisserai gagner cette fois, promis !" disait-il avec un sourire espiègle, le même sourire qui était maintenant éteint pour toujours.

Leurs escapades sur les îles merveilleuses du royaume leur semblaient alors sans fin. Chaque nouvelle île était une aventure, chaque forêt une jungle à explorer, chaque arbre un défi à escalader. Nauvati, de trois ans son aîné, était son héros, son protecteur. Il la tenait fermement par la main lorsqu'ils traversaient des ponts en corde branlants ou lorsqu'ils sautaient des falaises dans les eaux cristallines en contrebas. "Ne t'inquiète pas, Nami. Je serai toujours là pour te rattraper," lui disait-il chaque fois qu'elle hésitait, les genoux tremblants devant un saut particulièrement effrayant.

Leur lien était si fort, si pur, qu'elle n'aurait jamais imaginé que leur histoire se terminerait ainsi. Nami se souvint aussi des jours de fête, où les deux enfants jouaient avec les autres dans les aires de jeux, se poursuivant à travers les allées bondées de marchés, les rires résonnant sous le soleil tropical. Ils partageaient des brochettes de fruits, se disputaient le dernier morceau de gâteau, et faisaient des promesses d'enfance, promesses qu'ils n'auraient jamais cru devoir briser. "Quand je serai roi, tu seras à mes côtés, Nami. Rien ne pourra nous séparer." Ces mots résonnaient dans son esprit, poignants et cruels, à présent qu'ils étaient devenus ennemis mortels.

Le Bach mi Hao avait scellé le sort de Nauvati. Cette technique, qui puisait dans les forces vitales et émotionnelles les plus profondes d'un aquamancien, exigeait un prix terrible. En l'utilisant, Nami avait sacrifié une partie de son âme, de son humanité, pour gagner un pouvoir temporaire capable de surmonter l'aura corrompue de son frère. Mais en le faisant, elle avait aussi condamné une partie de son passé, de leur passé commun. Les images de leurs rires, de leurs jeux, étaient désormais ternies par le sang versé, par la trahison et la haine.

Ses sanglots redoublèrent d'intensité. Elle serra le corps froid de Nauvati contre elle, refusant d'accepter la réalité. "Pourquoi, Nauvati ?" murmura-t-elle, sa voix brisée par la douleur. "Pourquoi as-tu choisi ce chemin ? Pourquoi as-tu voulu ramener l'ombre de la famille Xjing Hao sur notre royaume ? Nous avions tout... tout ce que nous aurions pu désirer... Pourquoi ?" Mais elle savait que ces questions resteraient sans réponse. Le Nauvati qu'elle aimait était parti depuis longtemps, corrompu par l'ambition et le pouvoir des Quator Deus.

À travers ses larmes de sang, Nami se rappela de leurs derniers moments ensemble avant que leur relation ne soit irrémédiablement brisée. Les discussions qu'ils avaient eues, pleines de vie et de promesses. Elle se souvint de la nuit où Nauvati lui avait parlé pour la première fois de son désir de ramener le royaume sous la domination des Xjing Hao. "Nous pourrions être des dieux vivants, Nami. Nous pourrions gouverner avec une poigne de fer et ramener la grandeur de Lür," lui avait-il dit, les yeux brillants d'une ambition dévorante. Elle l'avait écouté, incrédule, tentant de le convaincre que leur place n'était pas sur un trône divin mais parmi leur peuple, en tant que protecteurs. Mais ses paroles étaient tombées dans l'oreille d'un sourd.

Le choc de ces révélations l'avait laissée paralysée, mais elle s'était résolue à affronter son frère, même si cela signifiait perdre une partie d'elle-même. Le poids de cette décision, le poids de son acte, était désormais écrasant.

Lentement, elle se redressa, laissant le corps de Nauvati reposer sur l'eau qui les entourait. Le visage du frère qu'elle avait autrefois adoré était maintenant figé dans la mort, une mort qu'elle avait elle-même provoquée. Le ciel semblait s'obscurcir au-dessus d'elle, reflétant la douleur dans son cœur.

Elle se tenait debout, son trident toujours à la main, mais il lui semblait que chaque mouvement était un effort herculéen. Les contre-coups du Bach mi Hao se faisaient sentir, affaiblissant ses muscles, brouillant ses pensées. Son aura était fragile, vacillante, comme une flamme sur le point de s'éteindre. Mais elle ne pouvait pas s'effondrer, pas encore. Il restait des batailles à mener, des vies à protéger.

La mer autour d'elle semblait résonner de l'écho de son passé, des souvenirs des jours heureux qui ne reviendraient jamais. Elle se tourna vers son navire, où ses lieutenants et les marins de Lür la regardaient, le cœur lourd. Ils savaient ce qu'elle venait de sacrifier, ce qu'elle avait perdu.

Nami ferma les yeux, laissant le chagrin et la douleur l'envahir, mais seulement pour un instant. Lorsqu'elle les rouvrit, elle était à nouveau la princesse guerrière de Lür, celle qui mènerait son peuple à travers la tempête qui les attendait. Mais au fond de son cœur, elle savait que rien ne serait plus jamais comme avant.

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