Chapitre 192 : Les trois érudits dos au mur

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Le Bastion de la Guilde de Gaïa baignait dans une lumière tamisée, les rayons du soleil pénétrant à travers les grandes fenêtres ornées de vitraux représentant des scènes de batailles et de mythes anciens. Au cœur de cet édifice, dans la chambre complexe de Hiro, Suzu, Lyria, et Kaelen continuaient leur travail acharné. La pièce, d'une complexité chaotique, semblait refléter la tâche monumentale qui leur incombait : déchiffrer le grimoire ancien, écrit dans la langue du Millénaire Perdu.

Le silence était ponctué par le bruit des pages tournées, des murmures échangés et des soupirs de frustration. Suzu, la plus jeune mais non la moins érudite du groupe, fixait le grimoire avec une intensité qui aurait intimidé n'importe qui. Les caractères inscrits sur les pages avaient une structure qui défiait toute logique, chaque symbole semblant renfermer un mystère qu'aucun d'entre eux n'était capable de résoudre.

Les écrits de Hiro, bien qu'expliquant l'alphabet du Millénaire Perdu avec des descriptions détaillées de chaque lettre – de l'Ancre du Dragon au Zénith du Zéphyr – n'apportaient qu'une aide limitée. Ces lettres n'étaient que des portes d'entrée vers un univers de complexité presque incompréhensible. Même en connaissant l'alphabet, les mots formés paraissaient absurdes, comme s'ils appartenaient à une dimension parallèle où les règles du langage étaient réécrites.

Suzu parcourait les notes de Hiro une nouvelle fois, cherchant désespérément un indice, une méthode, quelque chose qui les aiderait à percer ce mystère. Chaque lettre était une œuvre d'art complexe, mêlant des motifs de dragons, de nuages, de machines, et d'éléments naturels, mais leur assemblage ne produisait aucun sens évident.

« Comment Hiro a-t-il pu lire ça ? » murmura Suzu, ses yeux fatigués parcourant une page particulièrement dégradée par le temps. « Même avec son alphabet, ces mots ne veulent rien dire... ils ne suivent aucune structure grammaticale, aucune syntaxe que je connaisse. »

Lyria, l'elfe érudite, était penchée sur un autre texte de Hiro, ses doigts effleurant les gravures avec une délicatesse respectueuse. « Hiro... il doit percevoir quelque chose que nous ne pouvons pas. Peut-être une connexion intuitive avec cette langue. Chaque mot semble être plus qu'un simple assemblage de lettres. C'est comme si le texte exigeait qu'on le ressente plutôt qu'on le lise. »

Kaelen, quant à lui, était assis à une table recouverte de parchemins et de grimoires ouverts, ses doigts tapotant doucement sur le bois. « C'est épuisant, » admit-il, la fatigue alourdissant sa voix. « Nous avons essayé toutes les méthodes connues pour déchiffrer ce langage. Et pourtant, nous n'avons même pas réussi à traduire une phrase complète. »

La fatigue pesait sur les trois érudits. Le temps passé à essayer de comprendre cette langue ancienne avait laissé des traces : des cernes sous les yeux, des gestes plus lents, et une frustration palpable qui ne faisait que croître à mesure que les heures s'écoulaient. Suzu, malgré son jeune âge, ressentait le poids de cette tâche écrasante.

« Peut-être... » commença Suzu, hésitant un instant avant de continuer, « peut-être qu'il faut une autre approche. Peut-être que pour comprendre ces textes, nous devons penser... comme Hiro. »

Lyria la regarda, intriguée. « Que veux-tu dire, Suzu ? »

« Hiro est un esprit libre, un explorateur, » répondit-elle, se redressant légèrement. « Il ne se contente pas de lire ces mots, il les vit. Chaque lettre, chaque mot, pour lui, n'est pas seulement une information à décoder. C'est une expérience. Peut-être que nous devons arrêter de les voir comme des mots et commencer à les voir comme des idées, des concepts vivants. »

Kaelen hocha lentement la tête, bien qu'il restât sceptique. « Cela pourrait être la clé. Mais même ainsi, c'est une tâche presque impossible. Hiro a une manière unique de percevoir le monde, une manière qui semble lui permettre de comprendre des choses que même nous, avec notre savoir, ne pouvons appréhender. »

Suzu regarda à nouveau le grimoire, une nouvelle détermination dans ses yeux fatigués. « Cela signifie que pour déchiffrer ce texte, nous devons peut-être repousser nos propres limites. Nous devons apprendre à penser, à ressentir comme lui, même si cela nous semble insensé. »

Lyria posa une main réconfortante sur l'épaule de Suzu. « Nous devons essayer, » dit-elle doucement. « Si quelqu'un peut réussir à percer ce mystère, c'est toi, Suzu. Tu as l'esprit pour cela. »

Mais même avec ces encouragements, la tâche restait titanesque. Chaque page tournée révélait de nouveaux symboles, de nouvelles combinaisons qui semblaient se moquer de leurs tentatives de les comprendre. Et plus ils avançaient, plus il devenait clair que cette langue ancienne ne se livrerait pas si facilement. C'était comme si elle exigeait non seulement de la connaissance, mais aussi de l'âme.

Le silence retomba dans la pièce, lourd et oppressant. Les trois érudits continuèrent à travailler, mais la fatigue se faisait de plus en plus sentir, chaque minute passée à déchiffrer ces textes anciens étant une lutte contre l'épuisement mental et physique.

Suzu, malgré tout, refusa d'abandonner. Elle savait que quelque part dans ces pages se trouvait la clé pour comprendre non seulement le passé de leur monde, mais peut-être aussi celui de Hiro. Et bien qu'elle soit consciente que cette quête pourrait prendre des jours, des semaines, voire des mois, elle était prête à aller jusqu'au bout.

Et alors qu'elle tournait une énième page, ses yeux tombèrent sur un passage particulièrement cryptique, où les lettres semblaient presque danser sur la page, comme des ombres projetées par une flamme vacillante. C'est peut-être ça, pensa-t-elle. Le début d'une compréhension, pas par la logique, mais par l'instinct.

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