Chapitre 175 : L'hesitation

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Arthur Defers quitta la salle du conseil avec un cœur lourd. Le poids des ordres du Grand Souverain Sceptum Aegis pesait sur ses épaules comme une montagne. Il avait accepté la mission, bien qu'il sût au fond de lui qu'elle était vouée à l'échec. Ses pas résonnèrent dans les couloirs de marbre alors qu'il se dirigeait vers le quartier général des soldats de Clypeus Fenum, un lieu où les murs racontaient des histoires de gloire passée et de batailles héroïques.

En franchissant les lourdes portes du QG, Arthur fut accueilli par les regards respectueux de ses hommes. Ils étaient une armée d'élite, des guerriers capables de manipuler l'aura, une force mystique qui les rendait redoutables au combat. Pourtant, Arthur savait que même avec cette puissance, ils n'étaient pas préparés pour une campagne de conquête aussi complexe que celle qui leur était demandée. Les rebelles des villages éloignés n'étaient pas de simples adversaires. Ils connaissaient les terres, les grottes, et les forêts comme leurs poches. Ils se battaient avec une détermination née du désespoir, défendant leur foyer et leur liberté contre une force qu'ils percevaient comme tyrannique.

Arthur s'installa dans son bureau, un espace modeste rempli de cartes, de rapports et de parchemins stratégiques. Il s'assit lourdement, son esprit plongé dans une profonde réflexion. Il passa des heures à étudier les cartes, à analyser les rapports de reconnaissance, à essayer de trouver une faille dans le plan du Souverain. Son regard se perdit dans les lignes et les courbes des cartes, mais son esprit était ailleurs, tourmenté par des questions plus profondes.

À quoi rime cette guerre ? se demanda-t-il. Est-ce vraiment une croisade sacrée pour la foi des Quator Deus, ou simplement une quête insatiable de pouvoir et de domination ? Le Souverain prétend qu'il s'agit de purifier Eristia des hérétiques, mais au prix de combien de vies ? De combien de sang versé ?

Ces pensées le rongeaient, le plongeant dans un tourbillon d'hésitation et de doute. Arthur savait qu'il ne pouvait pas désobéir, mais il ne pouvait non plus se résoudre à mener ses hommes à une mort certaine pour une cause qu'il commençait à peine à comprendre. La guerre n'était-elle qu'un prétexte pour satisfaire l'orgueil du Souverain ? Ou y avait-il quelque chose de plus sombre, quelque chose qu'il n'arrivait pas encore à saisir ?

Alors qu'il était plongé dans ces sombres réflexions, une sensation étrange s'empara de lui. Il se redressa brusquement, les sens en alerte. Une présence. Il sentait qu'il était observé, mais il ne savait pas encore par qui. Son instinct de soldat, affûté par des années de combats, l'avertissait d'un danger imminent. Il balaya la pièce du regard, cherchant la source de cette sensation oppressante.

C'est alors qu'il le vit. Baptiste de LaGarde, une silhouette élégante et sinistre à la fois, se tenait dans l'ombre, à l'entrée de son bureau. Les yeux perçants de cet homme ne laissaient rien transparaître, mais Arthur savait qu'il n'était pas là par hasard. Baptiste n'était pas simplement un membre du service spécial du contre-espionnage ; il était l'un des plus redoutés. Connu pour sa capacité à discerner la vérité sous les apparences, il avait été envoyé par le Souverain lui-même pour s'assurer qu'Arthur exécuterait bien ses ordres.

« Arthur Defers, » dit Baptiste de sa voix calme et mesurée, mais teintée d'une autorité indiscutable. « On m'a demandé de veiller à ce que vous soyez en mesure de remplir la mission qui vous a été confiée. Je suis ici pour m'assurer de votre... loyauté. »

Arthur le fixa, essayant de déceler les intentions réelles derrière ces paroles. « Vous doutez de moi, Baptiste ? » répliqua-t-il, son ton plus tranchant qu'il ne l'aurait voulu.

Baptiste esquissa un sourire sans joie. « Douter de vous ? Non. Disons simplement que le Souverain tient à ce que ses ordres soient suivis à la lettre. Et vous comprendrez, j'en suis certain, qu'il est de mon devoir de m'assurer que cela sera le cas. »

Un silence lourd s'installa entre eux, chargé de sous-entendus. Arthur savait que Baptiste ne le lâcherait pas des yeux. Toute hésitation, toute faille serait immédiatement rapportée au Souverain, et les conséquences seraient désastreuses. Pourtant, Arthur ne pouvait s'empêcher de se demander s'il était réellement prêt à sacrifier ses hommes pour une cause qu'il commençait à douter.

« Vous pouvez transmettre au Souverain que je suis prêt à mener cette mission, » déclara finalement Arthur, ses mots soigneusement choisis. « Mais, en tant que stratège, je dois vous dire que cette campagne comporte de nombreux risques. »

Baptiste inclina légèrement la tête, comme pour accuser réception de cette mise en garde, mais son regard ne montrait aucune compassion. « Le Souverain attend des résultats, pas des excuses. » Ses yeux se firent plus durs. « Nous savons tous ce qui est en jeu ici. Ne nous obligez pas à douter de votre loyauté. »

Arthur se leva lentement, s'approchant de la fenêtre, ses mains croisées dans son dos. Il regarda au loin, vers les montagnes embrumées qui entouraient Clypeus Fenum, comme si ces sommets inaccessibles pouvaient lui offrir une réponse. « La loyauté n'est pas une chose que l'on peut forcer, Baptiste. Elle doit être méritée. Mais je comprends votre rôle. Je ferai ce que l'on attend de moi. »

Baptiste se rapprocha, se tenant presque derrière Arthur, comme une ombre. « Je suis heureux de l'entendre. Sachez que mes yeux ne quitteront pas votre mission. Toute déviation, toute hésitation pourrait être interprétée de manière... peu favorable. »

Arthur sentit le poids de ces mots, une menace subtile mais bien réelle. Il serra les poings, réprimant la colère qui montait en lui. « Vous pouvez retourner auprès du Souverain, » dit-il avec une froideur contrôlée. « Dites-lui que les ordres seront suivis. »

Baptiste fit un pas en arrière, esquissant une révérence légère mais formelle. « Très bien. Je vous laisse à vos préparatifs, Commandant Defers. Que les Quator Deus vous guident. »

Sans un mot de plus, Baptiste quitta la pièce, laissant Arthur seul avec ses pensées tourmentées. Le silence qui suivit était plus oppressant encore que la présence de l'espion. Arthur se tourna de nouveau vers la fenêtre, observant les ombres qui s'étiraient sur les montagnes.

Que dois-je faire ? se demanda-t-il. Il savait que la route devant lui serait semée d'embûches, et que chaque décision pourrait être sa dernière. Mais plus que jamais, il savait qu'il devait trouver un sens à cette guerre, une raison de mener ses hommes vers une bataille qu'il pressentait être perdue d'avance. Car au-delà des ordres et des menaces, il y avait des vies en jeu, des vies qu'il avait juré de protéger.

Le crépuscule s'installait sur Clypeus Fenum, et avec lui, les ténèbres de l'incertitude qui enveloppaient le cœur d'Arthur. Mais une chose était claire : il ne pouvait se permettre d'échouer. Ni devant le Souverain, ni devant ses hommes, ni devant lui-même.

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