Chapitre 1: La dernière fois

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Le carillon de la grande tour sonnait et résonnait entre les murs ternes de la bâtisse adjacente. Un silence pesant régnait dans la cour intérieure du bâtiment. Personne. Pas une âme qui vive, ni en son centre, ni près des escaliers du bâtiment principal, ni sous le cloître de ceux plus modestes.

D'une grande taille, l'édifice pouvait accueillir un grand nombre de personnes en son sein. Au nombre de fenêtres sur les façades, on devinait de l'extérieur que le plus grand bâtiment comportait quatre étages alors que ses dépendances n'en comptaient que deux.

La porte de l'une d'elles s'ouvrit en même temps que le dernier tintement de cloche s'estompait. Un homme en sortit, si l'on pouvait bien appeler ça un homme. Une peau cramoisie, des yeux noirs sans pupilles, une rangée de canines acérées à la place des dents, deux ailes de cuir sortant de ses omoplates... Un démon.

S'ensuivit un défilé de créatures plus étranges les unes que les autres. Des hommes aux longues cornes marchant avec des sabots, des personnes aux oreilles pointues et au teint cendré, d'autres recouverts de poils avec une tête d'animal. Plus le temps passait et plus les portes s'ouvraient pour déverser dans la cour ce flot de créatures avec, quelques fois, un humain parmi eux.

Le silence avait laissé sa place au chahut de ses étranges personnes que la bâtisse continuait de régurgiter. Certains restaient là, à discuter et à se chamailler, tandis que d'autres se contentaient de sortir par l'arche servant d'entrée.

Une dernière personne sortit du bâtiment principal et resta un temps sur le pas de la porte pour s'étirer. À première vue, cette jeune femme était humaine, mais, à bien y regarder, certaines caractéristiques physiques différaient.

Elle avait certes deux jambes et deux bras tout à fait normaux ainsi qu'un visage fin encadré de longs cheveux noir, l'ensemble faisant ressortir ses deux grands yeux verts qui se teintaient, peu à peu, de jaune puis de marron à mesure que l'on se rapprochait de l'iris.

Cependant, sa longue queue touffue, ses canines légèrement plus grandes que la normale ainsi que ses oreilles en pointes dressées sur le haut de son crâne trahissait ses véritables origines. Le sang de la race des beasts coulait dans ses veines, héritage génétique de ses ancêtres loups.

— Syara ! interpella un satyre en bas des marches. Tu en as mis du temps pour sortir !

La jeune femme toisa du regard son interlocuteur et descendit pour se retrouver à sa hauteur.

— Désolé, souffla-t-elle. Monsieur Vedo m'a encore retenue après le cours.

— Pourquoi ?

— Toujours la même chose. Il dit que je ne suis pas attentive lors de ses cours... Ce n'est pas de ma faute s'ils sont ennuyeux à mourir !

Le satyre fit un pas en arrière, le visage décomposé. Ses yeux écarquillés fixaient quelque chose par-dessus l'épaule de la Beast.

— Alors comme ça, mes cours sont ennuyeux à mourir ?

Surprise, Syara fit volte-face pour se retrouver nez à nez avec un homme la dépassant d'une demi-tête. Le professeur arborait un large sourire, fier d'être arrivé au bon moment pour surprendre cette conversation. La jeune femme reprit rapidement contenance. Elle s'était déjà fait réprimander aujourd'hui et ne comptait pas se prendre un second blâme. À moins que... Après tout, c'était le moment ou jamais.

— Exactement ! explosa-t-elle. Vous parlez d'une voix monotone qui ne porte même pas jusqu'au fond de la salle, votre écriture au tableau est absolument illisible, vous n'interrogez aucun élève sauf moi ! Et même pour le dernier cours de l'année vous trouvez encore le moyen de me retenir ! Qu'est-ce que je vous ai fait à la fin pour que vous vous acharniez sur moi ?

— C'est vraiment ce que tu penses ? demanda le professeur d'un ton posé et monotone.

Même là, même à cet instant, alors qu'elle déballait son sac et évacuait sa colère sur lui, il restait totalement impassible. Ce qu'il pouvait l'énerver !

— Parfaitement !

— Très bien, c'est noté. Bonne chance pour demain.

À ses mots, le professeur partit en direction de l'arche d'entrée sans donner plus de justification.

— Ce qu'il m'énerve ! Grinça-t-elle entre ses dents.

Les phalanges blanchies à cause de ses poings serrés par la colère, Syara avait besoin de se défouler sur quelque chose. N'importe quoi... Ou n'importe qui... Elle arrêta son choix sur la première personne qu'elle vit. Son ami la regardait avec un large sourire. Il ne trouverait pas la situation amusante bien longtemps.

Une lueur meurtrière passa dans les yeux de la beast, réminiscence de ses gènes de prédateur. Il ne fallut pas longtemps au satyre pour deviner qui serait la proie.

— Bon... Moi, je vais y aller, annonça-t-il. Son sourire totalement effacé.

— Ho non, tu ne vas nulle part.

— À demain Syara ! cria son ami en prenant ses jambes à son cou.

Bien que ce fut tentant, elle n'essaya pas de le poursuivre. Lorsqu'ils étaient sérieux, les satyres pouvaient atteindre des pointes de vitesse prodigieuses. Elle aurait très bien pu le rattraper, si seulement ses gènes de loup n'avaient pas été si dilués. Syara était certes plus rapide et endurante qu'un humain normal, mais pas au point de se mesurer à une race telle que celle-ci.

Peu à peu, la colère redescendit et ses idées s'éclaircirent. Elle avait de la chance d'avoir un ami tel que lui pour supporter ses sautes d'humeur et son caractère. Ce n'était d'ailleurs pas la première fois qu'il se carapatait de la sorte pour éviter de s'en prendre une gratuitement, mais il revenait. Il revenait toujours.

La journée était finie et la cour se vidait peu à peu de ses occupants. Il était temps, pour elle aussi, de rentrer. Elle resta cependant un long moment devant l'arche à contempler l'écriteau la surplombant. « École de musique Symphonia». L'établissement l'avait accueilli en tant qu'interne à l'âge de huit ans, mais elle avait préféré se prendre un petit appartement non loin de là dès qu'elle avait pu.

Aujourd'hui âgée de dix-huit ans, Syara eut un léger pincement au cœur. C'était la dernière fois qu'elle voyait cet écriteau. La dernière fois qu'elle passait sous cette arche. Demain, on lui remettrait son diplôme et son instrument lié. Demain elle serait officiellement reconnue en tant que mage et pourrait entrer pleinement dans la vie active.

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Et voila pour le premier chapitre!

 Alors, que pensez-vous de la première apparition de syara?

N'hésitez pas à me dire tout ça en commentaire et à la prochaine pour le chapitre 2!

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant