Chapitre 5 : Règlement de compte

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Syara descendit les marches d'un pas assuré et gravit celles pour monter sur l'estrade, avec la ferme intention d'enfoncer son poing dans la figure de ce très cher professeur Vedo. Le geste qu'il fit dès qu'elle arriva à son niveau la déstabilisa tout de même un instant. Une main sur son épaule, il rapprocha son visage du sien pour lui chuchoter quelque chose à l'oreille. Pas de chance pour l'enseignant, celles de la beast se trouvaient sur le haut de son crâne et non à l'endroit habituel.

Il ne s'était même pas rendu compte de la stupidité de son geste.

— Je suis sincèrement désolé pour Kuta, souffla-t-il. Je ne pensais pas une seule seconde qu'il allait échouer.

Impassible, la jeune femme ne bougea pas. Mais rien que de sentir sa main sur son épaule et son souffle près de sa nuque lui donnait envie de vomir.

— Si vous ne l'aviez pas pressé de la sorte, il aurait sans doute réussi, grinça-t-elle entre ses dents.

— Ça n'a rien à voir, le coffre ne juge pas sur les émotions présente...

— Alors comment expliquez-vous le fait qu'il ait échoué ? Explosa-t-elle.

D'un vif coup du dos de la main, la jeune femme repoussa le bras du professeur pour qu'il arrête de la toucher. Elle était plus qu'énervée alors que lui restait calme, comme toujours, ce qui avait le don d'attiser encore plus sa colère.

— Il n'a pas réussi parce qu'il n'avait, au final, pas l'étoffe d'un mage.

— Pas l'étoffe d'un mage ? hurla Syara. Il est bien meilleur musicien que toutes ses personnes qui ont réussi !

— Là n'est pas la question...

— Il est bien plus fort que ce que tout le monde pense ! Si vous n'étiez pas intervenu, il aurait réussi, répéta la beast.

N'en pouvant plus de cette mascarade de cérémonie et de ce soi-disant professeur, elle tourna les talons et s'apprêtait à sortir de la salle. Un autre homme, qu'elle ne connaissait pas, lui barra cependant le chemin.

— Dégage ! cracha-t-elle à la montagne de muscle devant elle.

— Tu ne peux pas quitter la salle avant d'avoir essayé, c'est la règle, expliqua l'enseignant dans son dos.

Syara se retourna violemment et enfonça, comme elle se l'était promise, son poing dans la figure de cet énergumène perfide et manipulateur. Il recula en se tenant le visage. Du sang coulait entre ses doigts. Les autres élèves encore présents commençaient à s'agiter dans les gradins, mais, un simple regard noir de la beast leur fit comprendre qu'ils ne devaient pas intervenir et que le silence était de mise. D'un pas lent, elle s'approcha de l'enseignant et le prit par le col.

— Si personne ne peut partir avant d'avoir essayé, pourquoi l'avez-vous menacé de l'expulser ?

— Je n'étais pas sérieux, je voulais juste qu'il se dépêche un peu pour que les autres n'attendent pas.

— Quel altruisme, lança Syara d'un ton sarcastique. Vous ne pensez donc pas qu'à vous-même.

— D'ailleurs, si tu pouvais te dépêcher... Il y en à d'autres qui attendent, sourit Monsieur Vedo, la bouche rougie par le sang.

— Vous voulez que je mette ma main dans cette foutue boite bleue ? Très bien !

La jeune femme remonta sur l'estrade et plongea sa main jusqu'au poignet à l'intérieur de la caisse. Elle avait l'intention de la retirer immédiatement, mais quelque chose le retint à l'intérieur. Une force indescriptible la tirait vers le bas, dans l'épaisse fumée qui se dégageait de la caisse. Elle essayait de résister, mais la force était bien trop puissante.

Tout son avant-bras était plongé dans le coffre et elle avait l'impression qu'une personne la saisissait à deux mains. Elle sentait les dix doigts de la choses sur sa peau. C'était comme s'ils étaient glacés et qu'ils lui brûlaient la peau par le froid. Cependant, lorsqu'elle arrêtait de se débattre, la sensation devenait bien plus agréable, semblable à un léger vent frais.

Elle avait à présent le bras plongé à l'intérieur jusqu'à l'épaule et était presque allongée par terre. La chose avait arrêté de tirer, mais ne la lâchait pas pour autant.

— C'est bon, n'insiste pas, tu as échoué aussi. Tu peux partir, souffla le professeur.

— A votre avis, qu'est ce que j'essaie de faire ! répondit-elle, les dents serrées dans une nouvelle tentative pour s'extirper.

— Aller, tu as bien fait ton intéressante, tu m'as même pété le nez. Maintenant laisse la place à ceux qui veulent tenter leur chance.

— Vous êtes vraiment le dernier des cons ! Puisque je vous dis que votre foutue boite ne veux pas me lâcher !

Dubitatif, il entoura la taille de la jeune femme de ses deux bras et tira de toutes ses forces. Le bras ne bougea pas d'un pouce. Son propriétaire par contre...

— Arrêtez ! Vous allez me déboîter l'épaule !

L'enseignant s'approcha pour une nouvelle tentative, mais se figea en apercevant la lueur meurtrière passer dans les yeux de son élève.

— Je vous préviens, commença-t-elle calmement, approchez-vous encore une fois de moi, et je peux vous assurer que vous ne pourrez plus avoir d'enfant de toute votre vie !

Alors qu'elle finissait sa menace, quelque chose, à l'intérieur de la caisse, tapa contre sa paume. Sans hésiter elle s'en saisit. Les deux mains glacées la lâchèrent instantanément.

Étonnée, Syara retira doucement l'objet qui lui avait été donné. Du coffre, elle sortit un violon et un archet. Tous ceux présents dans la salle étaient stupéfaits. Il semblait avoir été fabriqué dans le même matériau que le coffre duquel il était sorti. D'un bleu azur translucide, le pourtour de la table était parcouru d'une multitude de runes bleu nuit. De fines arabesques blanches, avaient été gravées sur toute la surface de la caisse. La baguette de l'archet, elle aussi bleu azure, maintenait une mèche constituée de filaments blanc, presque transparent.

— Tu es officiellement mage, annonça le professeur Vedo. Il ne te reste plus qu'à choisir une porte.

À la vue de son instrument, toute animosité envers l'enseignant s'évapora. D'un air perdu, elle scruta chacun des symboles sur les portes puis s'arrêta sur l'une d'entre elle. C'était sans doute celle-la que Kuta aurait choisie s'il avait réussi, ce serait donc celle-la qu'elle emprunterait.  

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant